La meilleure banque de l’année rachète la meilleure banque pour la bonne gouvernance

C’est quasi acquis, désormais. Depuis quelques temps, la nouvelle était encore en l’air. Lors de son séjour, début août, à Kinshasa, le patron d’Equity a préféré botter en touche à la question de Business et Finances de confirmer ou infirmer la reprise de la BCDC par son groupe. Maintenant, l’opinion se demande comment la fusion Equity-BCDC va s’opérer.

DANS des milieux d’affaires à Kinshasa, on parle déjà d’« événement de l’année » et d’un « heureux coup ». Dans un communiqué publié, le lundi 9 septembre, Equity Bank Group a annoncé avoir conclu « un accord non contraignant avec certains actionnaires de la Banque Commerciale Du Congo (BCDC) » pour le rachat, en espèces, de la participation majoritaire de cet établissement bancaire. Le communiqué précise que « cette annonce est faite à titre d’information seulement », mais avec « l’approbation de l’Autorité des marchés des capitaux en vertu du Capital Markets (Securities) (Offers Publics, Listing and Disclosures) et la réglementation de 2002. Par principe, poursuit le même communiqué, « l’Autorité des marchés des capitaux du Kenya, l’Autorité des marchés des capitaux et des valeurs mobilières de Tanzanie, l’Autorité des marchés des capitaux du Rwanda et la Securities and Exchange Commission Zambia n’assument aucune responsabilité quant à l’exactitude des déclarations » qui y figurent. Pour les initiés, il s’agit là d’une « simple précaution d’usage ».  

Lundi 9 septembre donc, il y avait scènes de liesse au siège d’Equity Bank à Kinshasa, quand la nouvelle est tombée. Les portes des bureaux se sont vite refermées, peu avant 15 heures, derrière les employés qui se sont rués vers la cour intérieure pour manifester leur joie. Passé, le moment de l’émotion vraie. Pendant toute la semaine dernière, ici et là, on se posait nombre de questions sur l’opération de rachat et sur ce qui va arriver après la fusion. Par exemple, pourquoi Equity Bank a-t-elle racheté la BCDC, alors qu’elle vient de renforcer le capital de sa filiale en RDC avec un financement supplémentaire ? Pourquoi Equity Bank réalise-t-elle cette transaction maintenant, au moment où le secteur bancaire congolais fait face au défi de compliance ? Est-ce que le processus de fusion Equity Bank Congo-BCDC va-t-il suivre le même cheminement que la migration de ProCredit Bank vers Equity Bank Congo ?  

À ce stade, très peu est communiqué. Par exemple, le montant de l’offre de reprise n’est pas divulgué, tout comme les noms des actionnaires contactés par Equity Group ne sont pas encore dévoilés. Par contre, ce que l’on sait, c’est que le capital de la BCDC est détenu majoritairement par les Forrest, une famille d’origine belge installée dans le pays depuis les années 1920. À la fin 2017, George Arthur Forrest et sa famille détenaient 66,5 % de la banque, contre 25,5 % pour l’État congolais. Cette banque est dirigée depuis une quinzaine d’années par le Belge Yves Cuypers, passé par la banque d’affaires La Belgolaise à Bruxelles.

Transaction stratégique

De toute évidence, c’est une « transaction stratégique » pour les opérations d’Equity Bank en République démocratique du Congo. C’est clair, la fusion en perspective des activités de la BCDC avec celles d’Equity Bank Congo vise à donner davantage d’épaisseur à Equity Bank qui ambitionne clairement de devenir « la banque leader » en RDC. 

On notera au passage que cette transaction se fait dans les règles de l’art. Elle est soumise aux conditions habituelles des opérations du genre, à la réalisation d’une Due Diligence, à la conclusion des conventions d’opération détaillées, à l’obtention et l’approbation des actionnaires, ainsi qu’à l’obtention des approbations réglementaires de l’Autorité des marchés financiers, de la Banque centrale du Kenya, de la Banque centrale du Congo (BCC) et des autorités de régulation, le cas échéant. 

Lorsque Business et Finances a dévoilé son classement des meilleures entreprises de l’année 2018 en RDC, au début de l’année, beaucoup de gens ont voulu remettre en question les choix du jury de BEF Awards parmi les nominés du public, c’est-à-dire les personnes interrogées à travers un sondage d’opinion. Aujourd’hui, les faits donnent raison à Business et Finances sur toute la ligne.

En effet, le jury de BEF Awards avait attribué son Prix Spécial à Equity Bank, plus précisément à James Mwangi, le CEO d’Equity Group, désigné par ailleurs « Banquier africain de l’année 2018 ». À l’époque, personne n’avait vu venir ni ne savait que le Kenyan allait injecter 150 millions de dollars supplémentaires dans le capital d’Equity Bank Congo. Ce sont tous ses efforts, tout son management pour faire de sa banque une « institution de référence », surtout en Afrique, que le jury de BEF Awards a voulu récompenser. Il va sans dire qu’Equity Bank affiche une croissance enviable grâce à des innovations et investissements diversifiés autres que le crédit. 

Être le leader en RDC

Pour rappel, Equity Group est entré en RDC, à travers ProCredit Bank Congo dont le processus de migration (changement d’actionnariat) vers Equity Bank Congo SA a été achevé l’année dernière. C’est en 2015, en effet, qu’Equity Group Holding Plc est entré dans le capital de ProCredit Bank Congo, comme actionnaire majoritaire (86 % des parts). Equity Bank est un grand groupe bancaire d’Afrique de l’Est et du Centre, capitalisé à hauteur de près de deux milliards de dollars, avec un total actif supérieur à cinq milliards de dollars.

Les dirigeants de la banque en RDC ne s’en cachent pas : l’ambition est d’être le leader dans le secteur financier en RDC. Célestin Mukeba Muntuabu, le directeur général, incarne le dynamisme et le renouveau de la banque. D’après lui, Equity Bank Congo veut « transformer les vies et les moyens de subsistance de notre peuple sur le plan économique et social en leur offrant des services financiers modernes et inclusifs qui maximisent leurs opportunités ». Bref, Equity Bank Congo mise sur la bancarisation de masse et la fourniture de services bancaires aux particuliers et PME. En chiffres, de septembre 2015 à juin 2019, le nombre des effectifs du personnel est passé de 404 à 1 075 (166 %), le total prêt est passé de 130.2 millions de dollars à 269.8 millions (107 %). Le total actif a vu sa courbe monter de 238.1 millions de dollars à 704.2 millions (196 %) et le total dépôt de 167.9 millions de dollars à 530.4 millions (216 %). Le nombre de ses clients, lui, est passé de 128 977 à 558 168 (333 %) ; celui des comptes de 196 083 à 663 538 (238 %). Le nombre des branches est passé de 13 à 44 (plus de 300 %), tandis que le nombre des agences est monté à 2 653…

Equity Bank croît en RDC et James Mwangi croit fermement en la RDC. En vérité, sa stratégie d’expansion a porté le fruit de la réussite sur l’essentiel (à ce propos, lire utilement l’intéressant entretien qu’il nous a accordé lors de son dernier passage à Kinshasa, début août 2019, dans l’édition n°234 du 5 au 11 août 2019). Aujourd’hui, Equity cherche à surfer sur trois importants segments, à savoir assurer le leadership dans le secteur bancaire congolais, stimuler davantage l’inclusion financière et sceller un partenariat avec le gouvernement dans trois grands domaines.

Equity Bank a en ligne de mire l’accès de la majorité des Congolais au système bancaire. Actuellement, seuls 5 % des Congolais sont bancarisés. Voilà pourquoi James Mwangi estime qu’il faut donner aux 95 % des Congolais en dehors du circuit bancaire la possibilité d’avoir accès au crédit pour réaliser leur rêve de la vie. Le rêve d’avoir un chez soi, de se procurer une voiture, mais aussi d’entreprendre. 

C’est pourquoi, à la demande de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, un partenariat sera conclu avec le gouvernement dans quatre grands domaines : l’entrepreneuriat des jeunes, l’accompagnement des petites et moyennes entreprises (PME) locales, l’intégration continentale et la transformation des minerais localement. D’ores et déjà, Equity prévoit d’investir dans une technologie de pointe à même de conduire la banque à offrir à ses clients un service facile et plus efficace. C’est pourquoi, l’objectif demeure celui de donner accès aux services financiers à toutes les personnes qui sont encore non bancarisées dans ce vaste pays.