Le difficile dialogue RDC-Monusco

Accusée d’être inefficace et inutile par le gouvernement de la RDC, la Mission des Nations a pourtant trouvé une oreille attentive à New York, où son mandat a été prolongé d’un an.

Le retrait réclamé de ses effectifs militaires, évalués à quelque 20 000 Casques bleus, se fera « graduellement et progressivement ». Selon les termes de la résolution onusienne prise à New York le 26 mars, cette réduction reste liée aux progrès que le gouvernement aura accomplis sur le terrain de la démocratisation, de la stabilisation du territoire et de la réduction des groupes armés. Des conditions pas du tout aisées à remplir à court terme. À l’origine de la brouille, Kinshasa, sans dévoiler les raisons de  sa colère, se dit officiellement pas du tout convaincu du bien-fondé de la longue présence –  15 ans déjà – de la force onusienne sur le sol congolais. Aussi a-t-il exigé un retrait substantiel des Casques bleus. Mais le Conseil de sécurité, qui  a débattu de la question à New York, en a décidé autrement : la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la République démocratique du Congo (Monusco) sera non seulement prolongée d’un an, mais il n’y aura que 2 000 départs (10%) de Casques bleus.

La cause est donc entendue. La Monusco ne disparaîtra pas de si tôt du paysage congolais. En réaction, dans le nouveau rapport des forces, les Casques bleus ne sont plus les bienvenus pour certains Congolais. Bouderies, méfiance font désormais le lit des relations entre Kinshasa et la Monusco.  Dans ce bras de fer,, le Conseil de sécurité a donc tranché. Sur la balance de la justice, c’est la force onusienne qui sort ragaillardie. Mais rien n’indique que la Monusco a été complètement innocentée ou que les griefs du gouvernement contre elle sont tous infondés.

Focus sur la force onusienne

Le résultat tangible obtenu par le Conseil de sécurité est que, à partir du 26 mars, les gladiateurs ont été forcés de retourner leur glaive dans le fourreau. La suite des événements veut que des médiateurs descendent dans l’arène, non pour remplacer les combattants, mais décortiquer froidement, lucidement, l’attitude litigieuse et du gouvernement  et de la Monusco, base de la tension qui a rompu le fil du dialogue entre les deux partenaires. L’objectif est de permettre le rétablissement du contact et, in fine, de la confiance.

Ce n’est pas une prétention. Le gouvernement de la République démocratique du Congo semble jaloux, très jaloux, de l’héritage des « Pères de l’indépendance nationale ». Cet héritage a valeur d’un acquis inaliénable. À chaque bonne occasion qui s’offre, le gouvernement n’hésite pas à brandir la carte de la souveraineté, du nationalisme et du patriotisme. Il ne s’embarrasse pas non plus de rappeler à qui veut l’entendre que sa légitimité n’est ni à discuter ni à renégocier. De fil en aiguille, il se montre tout aussi tatillon quand un partenaire, quel qu’il soit, ose lui «  imposer un diktat ». Ces quelques considérations psycho-politiques des gouvernants congolais permettent d’expliquer leur irritation par rapport à certains propos du représentant de l’ONU en RDC.

Kinshasa se dit offusqué par maintes sorties médiatiques du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU et, par ailleurs, chef de la Monusco. Le gouvernement dénonce, entre autres dérapages, des propos et des actes qui foulent au pied les principes de non-ingérence et du respect de la souveraineté des États. Qui plus est, il est loin d’apprécier le discrédit récurrent que jette le partenaire sur la Police nationale et les Forces armées de la République (FARDC), ces dernières étant engagées dans de périlleuses missions contre des groupes armés à l’Est. Il s’agit des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), des Forces démocratiques alliées (ADF/Ouganda), de l’Armée de résistance du seigneur (LRA/Ouganda), des Forces nationales de libération (FNL/Burundi) ainsi que de tous les autres groupes armés locaux.

La propension du chef de la Monusco à recourir, « à temps et à contretemps », aux médias pour donner son point de vue sans avoir informé au préalable la partie congolaise ne plaît pas du tout à   Kinshasa. Les autorités du pays considèrent cela comme du mépris, n’hésitant pas à parler d’un agenda caché de la Monusco. Il est aussi reproché à la Monusco « sa manie à vouloir faire cavalier seul dans des dossiers qui concernent pourtant la RDC ». Elle prendrait certaines initiatives, sans concertation préalable avec les autorités du pays. Cela est perçu ici comme du  mépris. Aux dires de certains officiels congolais, l’actuel chef de la Monusco a le verbe haut. « Mais, qu’a-t-il fait des drones qui ont été ostensiblement exhibés en public, voici plus d’une année ? »,  s’interrogent ses  pourfendeurs. « Ce serait le moment, pour lui, d’expliquer au gouvernement et, par ricochet, à la population congolaise, pourquoi ces engins ne sont utilisés à  Beni  (Nord-Kivu) pour la neutralisation des groupes armés qui y ont semé la mort et la désolation ces derniers mois. Martin Kobler aurait raté, ainsi, des occasions en or pour se mettre en vedette », lâche un haut fonctionnaire.

Quoi qu’il en soit de la brouille entre le gouvernement de la RDC et la hiérarchie de la Monusco, le chemin à suivre par les uns et les autres vient d’être tracé par la résolution  2211 du Conseil de sécurité des Nations unies. Avec beaucoup de bonne volonté, Kinshasa et l’ONU sont capables, en joignant leurs efforts, de répondre aux multiples défis qu’affrontent les populations congolaises.