Quand le petit commerce resserre le lien social à Kinshasa

Dans la capitale de la RDC, le commerce de proximité est vecteur de relations humaines. Pour maintenir son attractivité et répondre aux besoins de la clientèle, les commerçants adaptent leurs offres.

DANS UNE VILLE dont la population est estimée à entre 10 et 12 millions d’habitants, dire avec exactitude qu’il y a autant de commerces ou prestataires de services, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. À Kinshasa, boulangeries, alimentations, boucheries, bars-terrasses, échoppes, restaurants, gargotes, boutiques d’habillement, salons de coiffure, bureautiques, cabines téléphoniques, épiceries, ateliers de couture, pharmacies… ont pignon sur rue. 

Malheureusement, la municipalité ne met pas en valeur ces richesses patrimoniales et touristiques. Qu’en pensent les commerçants ? Jean-Marie Mbodia et Paul Makwala, propriétaires, l’un d’un bar-terrasse, l’autre d’un salon de coiffure, sont installés dans la capitale depuis une dizaine d’années. « Nous constatons une évolution des mentalités », confie Mbodia. Qui ajoute que « tout le monde veut faire comme tout le monde ». D’après lui, si chaque vitrine a ses atouts, son identité, la cohésion de l’ensemble des acteurs économiques de la ville est nécessaire pour travailler le vivre ensemble et développer le service de proximité.

Le développement du commerce de proximité est un enjeu majeur dans la préservation du lien social. C’est l’avis de P. Makwala, propriétaire d’une chaîne de magasins des produits alimentaires. Du petit cireur de chaussures au patron d’un grand magasin ou bar, fidéliser et pérenniser sa clientèle est un objectif majeur. Michel Mingiedi dit que s’adapter aux besoins de sa clientèle.  Anne Mulanga estime pour sa part que la prolifération des petits commerces à Kinshasa impose de se transformer en multiservices. Quoi de plus normal qu’un salon de coiffure devienne en même temps une terrasse, un restaurant… Pour Mulanga, dépanner le client à tout moment permet de le conserver. Pour cela, il faut improviser et être réceptif à ses sollicitations. On observe que les prestataires de services veiller à répondre à la demande du client, sinon il part ailleurs. 

La richesse sociale du commerce de proximité

Pour l’épicière Charlotte Tshilanda, le commerce de proximité a toute sa place dans les réseaux de la ville de Kinshasa. Alors que sa richesse sociale est indéniable, elle ne comprend pas l’autorité urbaine s’y attaque. Pourtant, ailleurs, les pouvoirs publics tendent à le développer. « Il faut savoir être à l’écoute, se donner les moyens de le conquérir et de le maintenir, dit-elle. 

Pour Ambrosie Mbaro, exerçant dans la coiffure depuis plus 30 ans, chaque petit commerce a ses spécificités et complémentarités. « Ensemble on peut encore mieux faire. Sans cela, Kinshasa va disparaître. Faire mieux, tirer le côté positif du commerce de proximité pour resserrer le lien social », explique-t-il. Les spécialistes font remarquer que l’économie rurale recèle un énorme potentiel, en ce qui concerne la création d’emplois décents et productifs, ainsi que la contribution au développement durable et à la croissance économique. D’après eux, elle représente une part importante de l’emploi et de la production dans bon nombre de pays en développement, mais se caractérise souvent par de graves déficits en matière de travail décent et par une main-d’œuvre pauvre. Ce secteur regroupe en effet près de 80 % de la population pauvre dans le monde. Éradiquer la pauvreté

La promotion du travail décent dans l’économie rurale est essentielle pour éradiquer la pauvreté et faire en sorte que les besoins alimentaires d’une population mondiale en augmentation soient satisfaits. Cet objectif fait partie du Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui vise notamment à accroître l’attention portée au développement rural et à l’agriculture, et en particulier à la sécurité alimentaire. 

Le développement rural figure au programme de l’Organisation internationale du travail (OIT) depuis sa fondation en 1919. Lors de sa troisième session, en 1921, la Conférence internationale du travail (CIT) a défini le mandat de l’OIT en ce qui concerne les questions rurales. Depuis lors, l’OIT a adopté plus de 30 normes internationales du travail directement liées à l’agriculture et au développement rural, portant sur les droits du travail, l’emploi, la protection sociale et le dialogue social dans ce domaine. En 2008, la discussion de la CIT sur l’emploi rural a abouti à l’adoption d’une résolution et des conclusions sur la promotion de l’emploi rural pour réduire la pauvreté, renouvelant ainsi le mandat de l’OIT en matière de développement rural. Le commerce de proximité à Kinshasa relève souvent de l’informel. Voilà pourquoi les pouvoirs publics s’y attaquent. Cependant, il peut contribuer au développement durable. En tout cas, des institutions internationales, telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), conseillent de s’en servir comme source d’esprit d’entreprise.

L’absence de statut légal est un handicap majeur pour les structures qui fonctionnent dans l’informel. Beaucoup de portes leur sont fermées, notamment l’accès à des sources de financement même si le développement de la microfinance permet actuellement de les bancariser et de leur trouver des solutions de financement à court terme. De même, les structures du secteur informel sont privées de toute possibilité de concourir aux appels d’offres des marchés publics du fait qu’elles ne sont pas assujetties au paiement des impôts.

Avec la crise économique, insidieuse bien avant les années 1970, le secteur informel de l’économie a pris de l’ampleur au point de concurrencer, à son avantage, le secteur formel. Paradoxalement, l’informel, censé frauduleux, fonctionne allègrement au nez et à la barbe de tous. Toutes les activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire y sont représentées. Banques traditionnelles, ateliers de réparation, cybercafés (téléphone et Internet), immobilier (location et vente de logements), hôtellerie (flats), médecine de proximité (dispensaires), marchands ambulants…, tous s’y côtoient. 

Dans la capitale, le secteur informel a désormais droit de cité. Le sociologue Jules Bilomba donne les raisons de son expansion : « Le développement du chômage urbain, conséquence logique de la crise économique, s’est accompagné de l’émergence du secteur informel. 

La nouvelle donne

La contribution du secteur informel au Produit national brut (PNB) est évaluée en moyenne à 20 % et hors secteur agricole à 34 %. Le commerce représente environ 50 % de sa production. La production manufacturière 32 %, les services 14 % et les transports 4 %. Selon les Nations unies, les pays africains doivent se proposer d’utiliser le secteur informel, source de créativité, d’esprit d’entreprise et terrain fertile d’apparition d’une éthique du travail. Cette éthique est fondée sur une forme nouvelle d’autonomie qui pourrait, en fin de compte, constituer la base solide d’un développement durable. 

D’où l’idée de repenser le processus évolutif spécifique de l’économie informelle qui est un facteur de développement. Le vrai problème qui se pose est celui de l’articulation des deux secteurs.