LA CNUCED redoute même un nouvel effondrement en 2021, ce qui empêcherait une reprise durable de l’économie mondiale. Les investissements directs étrangers (IDE) étaient de 30 % en dessous du creux atteint lors de la crise financière mondiale de 2009. Cette chute s’est concentrée dans les économies développées, où les flux d’IDE ont chuté de 69 % pour atteindre seulement 229 milliards de dollars. « C’est le niveau le plus bas des 25 dernières années », fait remarquer James Zhan, le directeur de la division de l’investissement et des entreprises à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED).
L’assèchement des flux d’investissements vers l’Europe a eu lieu de façon très inégale. Ils y ont diminué de deux tiers en 2020, passant de 373 milliards de dollars à seulement 110 milliards de dollars. Parmi les 27 membres de l’Union européenne (UE), 17 ont vu leurs IDE diminuer, dont l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche et la France. Les investissements vers la Suède ont par contre doublé, passant à 29 milliards de dollars, et ceux vers l’Espagne ont augmenté de 52 %.
Inde et Chine résilientes
Une forte baisse a également été enregistrée aux États-Unis (- 49 %, à 134 milliards de dollars). D’une manière générale, les flux d’IDE ont fortement diminué dans quelques grandes économies occidentales, mais aussi en Russie. Dans le même temps, le déclin dans les économies en développement a été plus limité, avec un recul de 12 %, pour un montant estimé de 616 milliards de dollars. La part des économies en développement dans les investissements internationaux a ainsi atteint 72 % en 2020, la plus élevée jamais enregistrée.
L’Inde et la Chine ont observé une tendance contraire, en résistant mieux à la crise économique liée à la pandémie de Covid-19. Par exemple, la Chine, qui s’est rapidement relevée de la pandémie, arrive en tête du classement des plus grands bénéficiaires. Les flux d’IDE vers la Chine ont augmenté de 4 % pour atteindre 163 milliards de dollars, faisant du pays le premier bénéficiaire mondial en 2020. En 2003, ils étaient de l’ordre de 53 milliards de dollars. « La dépendance mondiale à l’égard des chaînes d’approvisionnement des entreprises multinationales en Chine pendant la pandémie a également soutenu la croissance des IDE dans ce pays », souligne James Zhan, ajoutant que « la poursuite de la libéralisation dans certains secteurs a stimulé les nouveaux investissements ».
L’Inde tire également bien son épingle du jeu : les investissements y ont augmenté de 13 % (57 milliards de dollars), portés par l’attractivité de son secteur numérique. D’une manière générale, l’Asie est le continent qui a mieux « résisté à la tempête ». Les IDE n’ont diminué que de 4 %, pour atteindre un montant estimé à 476 milliards de dollars en 2020. Mais dans certains pays d’Asie du Sud-Est, les flux se sont contractés de 31 %, à 107 milliards de dollars, en raison d’une baisse des investissements vers les principaux bénéficiaires de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).
Plus largement, la situation et la baisse des flux des IDE entre les régions en développement ont été inégales, avec -37 % en Amérique latine et dans les Caraïbes, et de -18 % en Afrique. Sur le continent africain, ils sont passés de 46 milliards de dollars à 38 milliards de dollars en 2020. « L’impact négatif de la pandémie sur les IDE a été amplifié par la faiblesse des prix et de la demande des matières premières », souligne la CNUCED.
À ce propos, l’agence onusienne note que la baisse des prix du pétrole brut, associée à la fermeture des sites d’exploitation pétrolière au début de la pandémie de coronavirus en raison des restrictions de mouvements, a pesé lourdement sur les IDE vers le Nigéria. Les flux entrants vers ce géant économique d’Afrique de l’Ouest sont ainsi passés de 3,3 milliards de dollars en 2019 à 2,6 milliards de dollars. De son côté, le Sénégal a été l’une des rares économies à enregistrer des flux d’entrée plus importants en 2020, avec une augmentation de 39 %, passant à 1,5 milliard de dollars, grâce à la hausse des investissements dans le secteur de l’énergie.
Reprise durable en 2022
« Les flux mondiaux d’investissements directs étrangers (IDE) vont rester faibles en 2021 », souligne la CNUCED, dans une économie mondiale qui reste prise à la gorge par la pandémie de Covid-19. La CNUCED prévoit une nouvelle baisse de 5 % à 10 % par rapport à l’année écoulée. Mais une forte activité de transaction dans les industries technologiques et pharmaceutiques devrait soutenir les flux d’investissements liés aux fusions et acquisitions. Maintenant, même si les flux globaux d’investissements dans les économies en développement semblent relativement résilients, les annonces de nouveaux projets ont diminué de 46 % (-63% en Afrique ; -51% en Amérique latine et dans les Caraïbes ; et -38 % en Asie) et le financement de projets internationaux de 7 % (-40 % en Afrique).
Or, selon la CNUCED, ces investissements sont cruciaux pour garantir une reprise durable. Une façon pour l’agence onusienne de rappeler que les projets d’investissement internationaux ont tendance à avoir une longue période de gestation et réagissent aux crises avec un certain retard, tant sur la pente descendante que dans la reprise. « Selon moi, le déclin des IDE mondiaux atteindra son point le plus bas en 2021, et la vraie reprise va démarrer en 2022 », a fait valoir James Zhan.
Les risques liés à la dernière vague de la pandémie, le rythme du déploiement des programmes de vaccination et des mesures de soutien économique, la fragilité des situations macroéconomiques dans les principaux marchés émergents et l’incertitude quant à l’environnement politique mondial en matière d’investissement continueront tous à affecter les flux d’IDE en 2021.