5G : la France valide la loi anti-Huawei

Après avoir hésité, les autorités françaises viennent de se positionner contre le géant chinois des télécoms. La décision n’a pas été facile car il fallait choisir entre le partenaire économique que représente Huawei et les risques qu’il pourrait représenter pour le futur réseau 5G français. Mais qui a peur du géant chinois ?

C’EST UN REVERS pour le géant chinois des télécoms. Le Conseil constitutionnel en France a validé le vendredi 5 février 2021 les dispositifs législatifs « anti-Huawei », quoique contestés par SFR et Bouygues Telecom. Ces deux opérateurs sont donc contraints de retirer les antennes Huawei de réseau mobile 5G qu’elles ont déjà installées en France. Par exemple, Bouygues Telecom va ainsi devoir retirer 3 000 antennes Huawei d’ici à 2028 dans les zones très denses en population. Déjà, l’opérateur avait interdiction d’utiliser des antennes Huawei pour la 5G à Strasbourg, Brest, Toulouse et Rennes. Le Conseil constitutionnel français juge que le législateur a voulu préserver les réseaux mobiles « des risques d’espionnage, de piratage et de sabotage qui peuvent résulter des nouvelles fonctionnalités offertes par la cinquième génération de communication mobile » afin de « préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale ». « Ce faisant, ces dispositions mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation », a ajouté dans son communiqué le Conseil constitutionnel.

Affaire d’État

Il s’agit donc là d’une affaire d’État et de souveraineté nationale. SFR et Bouygues Telecom, les deux opérateurs français qui ont bâti pour moitié leur réseau mobile avec Huawei, avaient déposé des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) face au préjudice lié aux fortes restrictions imposées à l’équipementier chinois sur le marché de la 5G. La France n’a pas interdit explicitement le matériel Huawei pour le déploiement du futur réseau mobile, mais l’Agence nationale chargée de la sécurité informatique (ANSSI) a restreint très fortement, fin août 2020, les autorisations d’exploitation, conformément aux dispositifs de la loi du 1 août 2019. Le gouvernement français a fait savoir, début septembre 2020, qu’il n’était pas prévu « qu’il y ait des indemnisations » versées aux opérateurs « pour les décisions qui ont été prises » au sujet de Huawei, contrairement à d’autres pays.  Banni de plusieurs pays, Huawei, l’un des leaders mondiaux des équipements 5G, est dans le collimateur des États-Unis qui le soupçonnent d’espionnage potentiel au profit de Pékin. Ces accusations sont systématiquement niées par Huawei qui rappelle n’avoir jamais été pris en défaut de sécurité pendant ses trente années d’existence, tout en attribuant l’offensive dont elle fait l’objet à la volonté des États-Unis d’éliminer un puissant concurrent. L’administration de l’ancien président Donald Trump avait en effet fait pression sur les pays occidentaux alliés pour qu’ils renoncent à utiliser ses équipements. Après le Royaume-Uni mi-juillet 2020, la Suède est devenue fin octobre le deuxième pays d’Europe et le premier de l’Union européenne (UE) à explicitement bannir Huawei de la quasi-totalité de l’infrastructure nécessaire pour faire fonctionner son réseau 5G.

Une usine en France

Malgré ces restrictions, Huawei a décidé d’installer dans l’Est de la France un site de production d’équipements liés notamment à la technologie 5G, sa première usine de ce type hors de Chine. L’ouverture du site était initialement prévue courant février 2021. L’usine devra à terme employer 500 personnes pour la fabrication de solutions 4G et 5G. Située en Alsace, dans la petite localité de Brumath, près de Strasbourg, cette première usine européenne se limitera dans un premier temps à un effectif de 300 employés. D’après le South Morning China Post, la construction du site a été rendue possible grâce à un investissement initial de 200 millions d’euros. Le choix de la France n’a rien d’un hasard pour Huawei. Le groupe emploie déjà près d’un millier de personnes à travers plusieurs sites implantés à Sophia-Antipolis, Grenoble ou encore Paris. Ces sites sont néanmoins tous dédiés à la recherche et développement, tandis que l’usine de Brumath sera, pour sa part, dédiée à la production de technologies vouées à l’export partout en Europe. En choisissant l’Alsace, Huawei a choisi aussi un point stratégique sur le vieux continent, avec une proximité quasi immédiate avec l’Allemagne. Implanté en France depuis 2003, Huawei a annoncé récemment plusieurs investissements en France, dont l’ouverture d’un centre de recherche à Paris en octobre 2020, dans le cadre d’une campagne visant à démontrer sa volonté de s’y implanter durablement. Le site européen, qui devrait voir le jour courant 2023, permettra à Huawei de s’offrir un point d’ancrage sur les terres d’origine de ses deux principaux concurrents sur le marché des équipements de télécommunications, le suédois Ericsson et le finlandais Nokia. Avec l’objectif de produire l’équivalent d’un milliard d’euros d’équipements par an. 

Reste que les équipements 5G de l’équipementier chinois sont soupçonnés de représenter un risque pour la cyber sécurité des pays qui choisiraient d’y avoir recours. Il y a peu, la marque perdait en Europe son égérie publicitaire : Antoine Griezmann. Le footballeur français a choisi de ne plus collaborer avec Huawei, accusé d’apporter au parti communiste chinois son assistance technologique dans la surveillance des Ouighours, une minorité musulmane. En l’état, cette accusation pourrait bien être fondée. En effet, selon une directive instaurée en 2017, les grandes entreprises chinoises sont légalement tenues d’épauler le parti dans son effort en matière de renseignement.