KINSHASA, L’armée congolaise, épaulée par les Casques bleus, inflige depuis quatre jours revers sur revers aux combattants du M23 dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où les rebelles ne contrôlaient plus lundi qu’un réduit aux confins du Rwanda et de l’Ouganda.
“Presque toutes les positions du M23 ont été abandonnées hier”, a déclaré le chef de la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la RDC (Monusco), Martin Kobler, par vidéo conférence au Conseil de sécurité de l’ONU, réuni en urgence à New York.
“Cela marque quasiment la fin militaire du M23”, a-t-il ajouté.
Les Forces armées de la RDC (FARDC) ont repris dans la matinée sans trop de difficultés la base militaire stratégique de Rumangabo, à une quarantaine de kilomètres au nord de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, riche en ressources naturelles et minières.
Tenue par le M23 depuis plus d’un an, cette base servait auparavant de centre de formation régional à l’armée. Elle constitue le dernier verrou ouvrant la route de Bunagana, à la frontière ougandaise, où les responsables politiques de la rébellion ont installé leur base il y a plus d’un an.
L’armée contrôlait en fin d’après-midi l’intégralité de la route menant de Goma à Rutshuru et Kiwanja, à 80 km plus au nord, après avoir éliminé une ultime poche de résistance à Kibumba (25 km au nord de Goma).
Les combats entre le M23 et l’armée avaient repris vendredi, après presque deux mois de trêve, et quatre jours après la suspension des pourparlers de paix entre les deux camps qui se déroulent à Kampala.
“Une poudrière”
L’ONU, l’Union européenne, les Etats-Unis et la France ont appelé à la reprise de ces négociations, mais le gouvernement, qui a répété à plusieurs reprises sa volonté d’anéantir la rébellion, ne donne pas l’impression de vouloir s’arrêter en si bon chemin.
“Je ne vois pas quelqu’un qui puisse se lever et nous dire où s’arrêter”, a déclaré à l’AFP le ministre de la Défense congolais, Alexandre Luba Ntambo.
Peu de temps avant, l’envoyé spécial américain pour la région des Grands Lacs, Russell Feingold, de passage à Paris et évoquant “une poudrière”, avait mis en garde: “Il y a d’énormes risques à continuer comme ça, en pensant que la solution militaire est l’unique réponse. (…) Cela risque d’attirer d’autres forces et pourrait conduire à une guerre croisée”.
L’ONU et Kinshasa accusent régulièrement – malgré leurs démentis – l’Ouganda et le Rwanda de soutenir les rebelles, dont les combattants, selon des sources militaires étrangères, seraient dorénavant moins de mille. En août, leur nombre était estimé à 1.700.
Le Mouvement du 23 Mars (M23) est né d’une mutinerie, en avril 2012, d’anciens rebelles essentiellement tutsi, intégrés dans l’armée en 2009 après un accord de paix.
Aucun commandant rebelle n’a pu être joint de toute la journée, alors que la communication du M23 est généralement abondante.
Les deux camps n’ont communiqué aucun bilan sur les victimes des combats.
“Fosses communes”
“A l’hôpital de Rutshuru, on a reçu une dizaine de blessés, dont un est décédé. Tous étaient des civils”, a indiqué un médecin sous le couvert de l’anonymat, ajoutant qu’une femme avait été tuée par balle dans la ville.
Selon le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha), quelque 22.500 nouveaux déplacés seraient arrivés près de Goma, la plupart ayant “fui Kibumba et ses environs depuis près de 10 jours au vu de la préparation des opérations militaires”.
Après l’annonce, dimanche, de la découverte de fosses communes à Kibumba, le ministère de la Défense a créé une commission d’enquête militaire chargée de faire la lumière sur ces charniers dans la zone évacuée par le M23.
“Par endroits, il y avait des insectes, ce qui veut dire qu’il n’y avait pas que des os”, a raconté un témoin à l’AFP, “j’ai vu des choses dégueulasses (…) trois ou quatre crânes d’enfants, des sous-vêtements et des vêtements de femmes.”
Pour le gouverneur du Nord-Kivu Julien Paluku, qui répercute en cela l’avis global de la population, l’offensive des FARDC doit se poursuivre. “Il y a eu trop de morts”, dit-il, les rebelles “doivent déposer les armes”.