Joseph Kabila ne veut pas laisser la MIBA mourir de sa plus belle mort

 À chacune de ses visites au Kasaï-Oriental, le président congolais place toujours la relance des activités de la filière diamant au centre de ses entretiens avec les notables de la province. Volonté politique affichée ou simple promesse électorale, s’interroge-t-on dans cette ville en ruines ?

 

La Minière de Bakwanga (MIBA) est en faillite. C’est le moins que l’on puisse dire. Au terme de sa tournée à Kananga (Kasaï-Central) et à Mbuji-Mayi (Kasaï-Oriental), le président Joseph Kabila Kabange a indiqué clairement vouloir relancer les activités de la MIBA, l’entreprise publique productrice de diamant. Cette société est en difficultés d’exploitation depuis plusieurs années et son redressement nécessite des moyens conséquents à mettre à sa disposition. On se souvient que le président Kabila avait notamment fait don de 10 millions de dollars à la MIBA, avant que cela ne requalifiés d’emprunt par le gouvernement Matata.

L’une des conditions posées par Mwana Africa/SIBEKA pour la relance de la Minière est l’introduction de la MIBA en Bourse. La proposition a été finalement rejetée. Pourtant, la commission ad hoc sur la MIBA a officiellement recommandé au gouvernement l’harmonisation des rapports entre les deux actionnaires, comme préalable à toute initiative de relance de la MIBA. Jadis, la MIBA avec le diamant était, après la Gécamines pour le cuivre, la principale entreprise minière du pays. Société mixte, la MIBA est détenue à 80 % par l’État congolais, et à 20 % seulement par la société belge SIBEKA. Les parts de la SIBEKA ont été rachetées en 2006 par Mwana Africa. Cette société est dirigée par Kalaa Mpinga, le fils de l’ancien dignitaire du régime Mobutu, Mpinga Kasenda.

Pendant plusieurs années, la production de la MIBA a été exclusivement envoyée à Britmond, l’une des filiales de De Beers, ayant le monopole de la production de l’entreprise. Après la chute de Mobutu, une partie des actifs a été reprise par la Sengamines, une société créée avec la participation du Zimbabwe, mais elle a disparu depuis.

Dans le Kasaï-Oriental, la relance de la MIBA est une intention de prière quotidienne car la province et la ville de Mbuji-Mayi particulièrement vit au rythme de cette société. Spécialisée dans l’exploitation et la commercialisation du diamant industriel, elle accuse une dette sociale de 150 millions de dollars. Plusieurs plans de redressement ont été envisagés et appliqués pour la reprise optimale des activités minières dans cette entreprise parapublique. Mais ils se sont soldés par un résultat négatif. Pour l’américain EDS, le redressement de la MIBA passe par un démembrement grâce auquel plusieurs entreprises minières, plutôt compétitives, naîtraient avec des projets de développement social.

Gestion trouble

L’ancien dirigeant de la MIBA, décédé, Gustave Luabeya Tshitala, avait mûri un tel projet. Mais il n’a pas eu le temps de le concrétiser parce que défenestré par le ministre du Portefeuille de l’époque, Jeannine Mabunda. Depuis, la MIBA, « la vieille dame » a connu une succession des comités de direction qui, tous, se caractérisent par une gestion plutôt trouble. Dans l’un de ses rapports, l’ancienne ministre du Portefeuille, Louise Munga, déplorait des « actions disparates » et la « navigation à vue »… La MIBA est donc dans la nécessité de se doter d’un plan de relance « réaliste » en vue d’obtenir les financements nécessaires susceptibles d’assurer son développement durable. Plus de six comités de gestion se sont succédé depuis dix ans. Celui qui est en place actuellement a juste une année de travail. Le trio (Adalbert Otshomapita, Agnès Kabongo et Octavie Mulaya) à la tête de l’entreprise regrette cependant que la proposition de la société américaine EDS ne soit pas assortie d’un montage financier qu’elle compte mettre en œuvre pour la relance de la MIBA.

Contrairement à Mwana Africa, l’actionnaire minoritaire de la MIBA dont les propositions ont été balayées par le gouvernement Matata. Pourtant, l’offre de recapitalisation proposée par l’investisseur congolais a été soutenue par des milliers d’agents. Il semble que l’État, actionnaire majoritaire, n’a jamais été mis au courant de la transaction entre SIBEKA et Mwana Africa. Depuis, la SIBEKA propose à l’État un montage financier pour la relance de la MIBA : céder la gestion de la MIBA pendant 3 ans à une société spécialisée, sélectionnée par appel d’offres international, Mwana Africa/SIBEKA  se réservant le droit de soumissionner. Conditionnalité rejetée par le gouvernement.

En effet, durant une dizaine d’années, la gestion de la MIBA était téléguidée de Bruxelles. Le prix de vente officiel négocié par la SIBEKA oscillait entre 7 et 11 dollars le carat alors que, sur le marché, le diamant brut coûtait entre 25 et 35 dollars le carat. Cette opacité a continué même à l’époque où SIBEKA assumait la direction de la société jusqu’en avril 2009, coïncidant avec l’absence de production de diamant par la MIBA. Les réserves du diamant en RDC sont évaluées à 145 millions de carats. Si la production passe à 17 millions de carats par an, elles s’épuiseront dans quelque 9 ans.