La Minoterie de Matadi (MIDEMA) est une société d’économie mixte dont le capital social est détenu à 51,43 % par le groupe américain Seaboard Corporation, représenté par sa filiale Seaboard Overseas Limited, et à 40 % par l’État et les 8,57 % restants répartis entre les privés. En tant qu’entreprise du Portefeuille de l’État, la MIDEMA doit verser au Trésor public ses dividendes via la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD). Hélas, à l’image de la plupart des sociétés d’économie mixte, la MIDEMA n’honore pas ses obligations à terme échu.
Ces trois dernières années, elle n’a rien versé à l’État en termes de dividendes. Le ministère de l’Agriculture lui réclame au bas mot 2,3 milliards de francs, soit environ 2.5 millions de dollars à titre de droits et redevances depuis 2014. Ce que ne reconnaît pas l’entreprise. Et dans sa position, la MIDEMA serait soutenue, a-t-on appris, par des représentants de l’État en son sein et même par certains membres du gouvernement. Et pourtant, l’ardoise de la MIDEMA pourrait davantage s’alourdir avec la révision programmée courant 2017 des arrêtés n°188/CAB/MIN/AGRI/2013 et n°1016/CAB/MIN/FINANCES/2013 du 3 septembre 2013 portant fixation des taux, droits, taxes et redevances à percevoir à l’initiative du ministère de l’Agriculture, en conformité avec le tarif douanier.
Concurrence déloyale
Selon nos sources, la MIDEMA accuserait l’État de « passivité » face à la concurrence déloyale des produits made from Lufu. En 2015, la MIDEMA aurait même résolu de mettre en congé une partie de 300 agents. Mais la décision n’a pas été appliquée suite aux assurances de l’alors ministre de l’Économie, Modeste Bahati Lukwebo, à une délégation de la Minoterie conduite par son directeur général, Ralph Moss. D’après la MIDEMA, le gouvernement s’était engagé à la protéger face à l’essaim de petites et moyennes minoteries à Kinshasa et au Kongo-Central à travers le Cadre permanent de concertation économique (CPCE), structure créée par le chef de l’État pour examiner les problèmes posés par les opérateurs économiques en vue d’y trouver des solutions durables.
La Minoterie de Matadi a, en effet, deux principales activités. Elle transforme du blé en farine (froment, semoule, etc.). Elle a monté, pour ce faire, une usine de 27 000 m2 ramifiée à deux lignes de 20 moulins chacune et d’une vingtaine de silos dont le célèbre silo jumbo d’une capacité de 15 000 tonnes. La capacité totale de stockage de l’usine est de 31 000 tonnes. Si en 1973, la capacité de production de la MIDEMA était de 6 000 sacs de farine de 45 kg par jour, soit 180 000 par mois, elle a monté, en 1983, à 10 300 sacs par jour, soit 309 000 par mois, puis 12 300 sacs par jour, soit 360 000 par mois en 1993, ensuite à 21 900 sacs par jour, soit 630 000 par mois en 2006 avant de retomber dans une production journalière de 15 000 sacs de froment de 45 kg.
La seconde activité de la minoterie porte sur l’alimentation animalière. La MIDEMA dispose d’une grande unité de production d’aliments pour bétail et volaille.
Présence américaine
L’usine Feedmill de Kinshasa appartient, en effet, à la MIDEMA. Elle compte, en effet, parmi les rares entreprises congolaises à exporter des produits finis vers l’Union européenne et les États-Unis. Elle se ravitaille en intrants notamment en Argentine.
Plus de quarante ans depuis qu’elle est opérationnelle, la Minoterie de Matadi demeure l’une des principales industries agro-alimentaires de la R-DC. Constituée par l’acte authentique du 14 octobre 1968, la MIDEMA a été agréée et promulguée par l’ordonnance n° 69-044 du 25 février 1969. La convention d’établissement négociée avec l’État a été approuvée par le président de la République suivant l’ordonnance n° 70-305 du 19 novembre 1970. Mise en chantier en 1971, la MIDEMA est devenue opérationnelle avec la mise en exploitation le 25 mars 1973 de l’usine située à Matadi, dans le Bas-Congo.
La société était la principale filiale de la Continental Milling Corporation de New York jusqu’en décembre 1992. L’investissement initial de 5 millions de dollars s’élève actuellement à plus 25 millions de dollars. Tandis que son capital social est de 2.5 millions de dollars, la grande majorité des investissements ont été réalisés sur fonds propres. La MIDEMA tenait une position quasi-monopolistique du temps de la IIè République. Selon ce député de la majorité, les relations sont devenues on ne peut plus sulfureuses au fil des années entre la MIDEMA et l’État co-propriétaire , à tel point que l’américain Seaboard qui est actionnaire majoritaire (51,43 %) dans le capital de la minoterie, a monté une grande minoterie sur l’autre rive du Pool Malebo, au Congo d’en-face, à Pointe-Noire.
Le « grand moulin », comme on l’appelle, est d’ailleurs l’unique minoterie du pays. Les autorités de Brazzaville ont, en effet, accordé un régime de faveur à Seabord. Cette société bénéficie, en pratique, d’une politique de découragement et limitation de l’importation de farine. En RDC, la nouvelle minoterie privée, African Milling, broie, par contre, du noir depuis qu’elle est opérationnelle, début 2015, à Lubumbashi, dans la province du Haut-Katanga. Le projet a nécessité, selon l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, un investissement de 25 millions de dollars. Le courant fait défaut pour tourner à plein régime le moulin. African Milling est dotée d’une capacité de production de 300 tonnes par jour, quasiment la même proportion que la MIDEMA. Il y a encore quelques mois, Rahim Dhrolia, le patron d’African Milling, a laissé éclater, devant la presse internationale, son ras-le-bol sur « les promesses répétées des autorités » pour lui fournir un courant permanent et de bonne qualité.
À l’époque, six mois après l’installation de l’usine, la Société nationale d’électricité (SNEL) ne l’avait pas toujours raccordée à son réseau. Pour des observateurs, la minoterie se serait retrouvée en situation de victime collatérale de la guéguerre politique entre le pouvoir en place et l’ex-Gouv du Katanga qui ne cachait plus ses intentions politiques de briguer le mandat présidentiel. S’ensuivra une forte pénurie du maïs dans la région et une surchauffe des prix sur le marché. Moïse Katumbi Chapwe réapparaîtra en Moïse le libérateur, en offrant un important lot de sacs de farine de maïs de 25 kg à un prix modique. La cote de popularité du manager du TP Mazembe remonta en flèche. Pour se dédouaner dans l’opinion, le gouvernement s’est employé, comme en réaction, à importer du maïs dans toute la région, Zambie, Tanzanie, Kenya, etc. La MIDEMA qui espérait un coup de pouce pour produire davantage, n’a pas obtenu la moindre faveur.