Les prix oscillent actuellement entre 3 000 et 3 500 dollars la tonne sur le marché mondial. L’offre restera encore longtemps déficitaire ce qui assure à moyen terme une stabilité des prix aux producteurs. La demande de cacao en provenance des marchés émergents a plus que doublé en Asie depuis la fin des années 1990 et devrait progresser à un rythme annuel de 10 % lors des cinq prochaines années, avec de nouveaux marchés (Chine et Inde) qui prennent le relais des marchés traditionnels. Il faut donc trouver de nouveaux pays producteurs émergents pour répondre à la demande mondiale.
La République démocratique du Congo dispose des atouts nécessaires pour être un grand producteur, et pourquoi pas pour rivaliser avec les principaux pays producteurs que sont le Ghana et la Côte d’Ivoire, avec environ 53 % de l’offre mondiale commercialisée. Le Ghana produit un cacao de première qualité qui fait figure de référence pour les marchés mondiaux. La Côte d’Ivoire produit 45 % du cacao mondial sur une surface qui représente seulement 1/6 de la superficie de la RDC.
Cependant, la filière cacao est peu développée dans notre pays et la production reste faible, sauf en Ituri où les plantations récentes sont encadrées par ESCO Kivu. L’Institut national d’études et de recherche agronomiques (INERA) (Yangambi) a sélectionné des clones d’élite qui peuvent atteindre une production de 2 tonnes/ha, contre 500 kg/ha dans les anciennes cacaoyères (une production de moyenne ou de médiocre qualité). Au Bas-Uélé, une firme suisse a signé un contrat d’investissement de 50 millions de dollars pour l’installation d’un parc agro-industriel afin d’y relancer la culture du cacao. Deux pépinières devaient être opérationnelles à partir d’août 2017 à Dingila et Buta pour encourager les habitants qui aimeraient se lancer dans cette culture. Les études de faisabilité ont démontré qu’un paysan pourrait gagner sur 1 ha cultivé 2 500 dollars, ce qui aurait un impact réel sur l’économie et le social.
Dans le Nord-Kivu, notamment à Beni, la culture du cacao autrefois prospère se reprend au détriment du café. La société ESCO Kivu commercialise le cacao. Des champs ont été abandonnés du fait de la guerre. Le prix d’achat du kg oscille autour de 2 dollars en fonction de la qualité. Les sociétés renforcent les capacités des planteurs grâce à une assistance technique et proposent des prix compétitifs à l’achat. Les planteurs s’en réjouissent. Mais la reprise est encore timide à cause de l’insécurité dans la région, comme l’explique Jacques Matumo, directeur d’ESCO Kivu.
Qu’importe, la culture du cacao supplante celle du café qui était la culture de rente phare dans le Nord-Kivu. Le cacao n’exige pas trop d’efforts pour réussir la récolte et vendre. », souligne Juvénal Kambale, un planteur de Béni. Avec le fruit de son travail, il parvient, dit-il, à faire étudier ses enfants, prendre en charge leurs soins médicaux et faire réaliser des projets, comme construire sa maison. La culture du cacao devient pour le moment attractive pour les paysans voire les grands producteurs.
Les sols de la RDC sont en général plus fertiles que ceux des pays d’Afrique de l’Ouest où l’utilisation d’engrais est devenue indispensable pour atteindre des rendements satisfaisants. Les conditions agro-climatiques sont favorables, de bons rendements pourraient être obtenus par des pratiques culturales respectueuses de l’environnement (qualité des plantules greffées, taille et entretien, utilisation de plantes de couverture, déchets organiques ou compost), expliquent des spécialistes.
La reprise, pas à n’importe quel prix !
D’après les mêmes experts, le réchauffement climatique pourrait avoir un impact négatif sur la croissance des plantes. En Ituri, on a planté 17 millions d’arbres ces dernières années. La déforestation préoccupe la REDD et les ONG de protection de la forêt. La stratégie vise à implanter les cultures de cacao en zones de savane ou sur d’anciennes zones forestières devenues jachères, avec un appui cartographique SIG pour délimiter les zones autorisées. Cette stratégie est aujourd’hui la seule possible pour protéger la forêt équatoriale, précisent-elles.
Techniquement, la culture du cacao ne requiert pas une importante main-d’œuvre. Les procédés d’usinage et de conditionnement ne nécessitent pas le recours à des technologies sophistiquées. Le planteur peut faire ce travail lui-même pour produire un cacao marchand de bonne qualité, par les petits paysans. Les spécialistes recommandent à l’État de définir une politique de développement de la filière et de mettre en place un cadre réglementaire favorable en termes de concurrence, fiscalité, protection de la forêt. La gestion opérationnelle de la filière devrait être assurée par une interprofession (avec la Confédération nationale des producteurs du Congo) regroupant tous les acteurs de la filière (producteurs, transformateurs, commerçants, banques…). Les priorités seraient la recherche, la politique de prix et de qualité, l’organisation des campagnes….