Du matériel aratoire pour la propreté de la capitale

Dans le cadre de la salubrité publique, le gouvernement vient d’acquérir via le BCECO des équipements auprès de l’entreprise Standard Company pour environ 26 000 dollars. Reste une inconnue : qui va gérer ces équipements ? 

Le Bureau central de coordination des projets (BCECO) n’a guère été explicite sur la nature du matériel aratoire attendu de Standard Company. Selon un agent de l’Hôtel de ville de Kinshasa, « il pourrait s’agir de pelles, pioches, râteaux, etc. ». Bref, des outils rudimentaires. Quant à l’entreprise Standard Company, elle passe plutôt pour une illustre inconnue dans l’opinion publique. Autre incertitude : quelle est la structure qui va bénéficier de ce matériel aratoire pour assainir la capitale ? 

Il y a six mois, le gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta Yango, envisageait de recruter 3 000 jeunes pour former une armée de videurs de poubelles dans la capitale, en dehors de la Régie d’assainissement et des travaux publics de Kinshasa (RATPK). Mais le gouvernement a créé le Fonds d’assainissement de Kinshasa (FONAK). Selon le ministre d’État et ministre de l’Économie, Joseph Kapika Dikanku, le FONAK sera alimenté par l’Office congolais de contrôle (OCC), l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM), la Direction générale des douanes et accises (DGDA) et le Fonds de promotion de l’industrie (FPI). Au terme de la réunion qui s’est tenue le 6 septembre 2017, entre les membres des gouvernements central et provincial de Kinshasa sur la taxe d’assainissement de la capitale, une commission mixte a été mise en place afin de déterminer le pourcentage à verser, les modalités et la périodicité. 

Rénovation de la ville

Pourtant ces quatre services ont de sérieux soucis de trésorerie. Hormis la DGDA, leur participation au budget de l’État, ces trois dernières années, en terme de recettes des participations, est nulle. D’ailleurs, plus de six mois après sa création, le FONAK est resté aphone, sans action à impact visible. Autant que le nouveau portefeuille d’aménagement du territoire et de la rénovation de la ville, confié à l’ECT-MP Félix Kabange. C’est d’ailleurs le directeur de cabinet du chef de l’État, Néhémie Mwihilanya, qui a supervisé la dernière grande évacuation des immondices dans le centre-ville de Kinshasa. 

Toutefois, le gouvernement central donne l’impression de s’emmêler les initiatives. Dans le budget 2017, la taxe rémunératoire annuelle sur les établissements dangereux, insalubres et incommodes a été considérablement réduite à 17,4 milliards de francs contre 28,1 milliards en 2015. La rubrique « Protection de l’environnement » a été créditée d’une enveloppe de plus de 128 milliards de francs. Combien le gouvernement a-t-il déboursé à ce jour pour ce faire ? Rien n’a été dit à ce sujet. Les lois de finances publiques 2017 et 2018 enjoignent la DGRAD d’intensifier le recouvrement de la taxe rémunératoire annuelle, d’implantation et de pollution auprès des pétroliers, des miniers (Entités de traitement et de transformation ainsi que les activités connexes des détenteurs de titres miniers), et des transporteurs (aériens, fluviaux, maritimes, lacustres et terrestres).  Hélas, c’est une girouette à 180° que vient d’opérer le gouvernement dans sa politique de protection de l’environnement. L’assainissement en RDC est un droit constitutionnel, selon la loi fondamentale, dans son article 53 : « Toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L’État veille à la protection de l’environnement et à la santé des populations ». Voilà deux ans, jour pour jour, que le gouvernement et l’Hôtel de ville de Kinshasa se renvoient la responsabilité de la salubrité, sinon de l’insalubrité de la capitale.  

80 % pour les Finances, 20 % pour la Ville  

Dans une correspondance datée du 12 août 2015, le 1ER Ministre, Augustin Matata Ponyo, avait désapprouvé les termes de l’entente issue des réunions d’experts convoquées par le ministre des Finances, Henri Yav Mulang. « Au regard de l’état actuel de la trésorerie et des perspectives électorales, le gouvernement de la République n’est pas en mesure de prendre en charge la quotité mensuelle lui proposée, dans le cadre de cofinancement de la première phase de mise en œuvre de la pérennisation du PARAU. Aussi, afin de permettre à l’exécutif de la ville de se préparer en conséquence, j’autorise la prise en charge d’un mois, par le Trésor public, à dater de ce 21 août 2015 », écrivait-il.  

Pourtant, au terme des réunions marathon entre experts du ministère des Finances et de l’Hôtel de ville de Kinshasa, fin juillet-début août 2015, il s’est dégagé la nécessité d’accorder une période transitoire d’un an à l’exécutif urbain avant de permettre à la RAPTK de se charger des immondices de la capitale. Durant cette année transitoire (du 21 août 2015 au 21 août 2016), les deux parties ont convenu de décaisser 800 000 dollars par mois, à raison de 80 % par le ministère des Finances et 20 % par l’Hôtel de ville de Kinshasa, pour la poursuite de l’assainissement des 9 communes (Gombe, Barumbu, Kinshasa, Lingwala, Bandalungwa, Ngiri-Ngiri, Bumbu, Kasa-Vubu et Kalamu) dont les immondices étaient évacuées dans le cadre du projet PARAU-PAUK. 

Rien n’est venu, dans l’entretemps, toutes les décharges publiques ont débordé d’immondices. Et la puanteur s’exhalait d’une commune à une autre. La primature a, en effet, estimé que la part du gouvernement (640 000 dollars) a déjà été versée, une et une seule fois, fin août 2015. Et, dans un communiqué, sous seing du directeur de cabinet du 1ER Ministre, José Sele Yaghuli – actuellement directeur général du fisc – rendu public, le 19 novembre 2015, il a été rappelé que « l’assainissement, la collecte et l’évacuation des immondices dans toutes les provinces reviennent aux gouvernements provinciaux ». Mais aussi, que Kinshasa bénéficie déjà d’un traitement de faveur parce que 1,4 million de dollars par mois sont mobilisés pour l’assainissement de 5 communes et du boulevard Lumumba. 

Quand le BCECO s’emmêle

Réponse du berger à la bergère. Le gouverneur de la ville, de retour d’une mission à l’étranger, soutient sur le plateau d’une télévision locale que l’argent des immondices était disponible au BCECO. Et André Kimbuta va plus loin en faisant savoir que l’accord de cofinancement intervenu entre le gouvernement à travers le ministère des Finances et l’Hôtel de ville a, en effet, pris compte des contraintes financières respectives et proposait, pour ce faire, le financement du projet par un prélèvement sur ses crédits d’investissement inscrits dans le budget de l’État. Quant à la somme de 1,4 million de dollars évoqué dans le communiqué de la primature, André Kimbuta déclare urbi et orbi qu’il s’agit plutôt de fonds qui ne sont pas gérés par l’Hôtel de ville mais par le BCECO. 

En clair, la primature, devant des tas d’immondices qui s’élèvent ça et là, a, en fait, repris la gestion des décharges publiques mais uniquement dans son volet financier. Et le BCECO entre en action. D’après le Bureau central de coordination des projets, l’exécutif urbain, avec l’appui du gouvernement, a mis en place le Programme de gestion des déchets solides (PGDS). Lequel est placé sous la gestion technique de la RATPK. Mais c’est le BCECO qui en assure la mise en œuvre. Une procédure bien trouble. Tant pis pour personne. Le BCECO disait mettre à la disposition du PGDS quelque 150m3 de gasoil dans les installations de SEP par le biais d’un tiers. Depuis rien n’est venu. Et le dossier a été clos.