Mumba recadre les mandataires publics

Le gouvernement veut redonner aux unités de production du portefeuille de l’État un rôle capital dans la relance économique du pays grâce au paiement des dividendes de participation et contribuer ainsi au budget de l’État et à la création d’emplois. 

 

Mme la ministre du Portefeuille, Wivine Mumba Matipa, a signé pour ce faire le 23 avril deux contrats, l’un porte sur la performance et l’autre sur le mandat, en vue de faire des entreprises du portefeuille un centre d’intérêt financier pour l’État. Le contrat de performance intègre les principaux axes de la nouvelle approche de gestion, basée notamment sur « le résultat à impact visible, la bonne gouvernance et les exigences de la clientèle ou des usagers ». Le contrat de mandat, quant à lui, est l’acte par lequel l’État congolais donne à un mandataire le pouvoir d’agir, en son nom et pour son compte, au sein des organes statutaires d’une entreprise du portefeuille. 

Ainsi, en signant ce contrat, les mandataires publics doivent veiller à « la protection » et à « la sauvegarde » de tous les biens sociaux de l’entreprise. Ce contrat interdit à ces derniers de prendre une décision qui puisse conduire à « une diminution de la valeur du patrimoine » ou « rendre un bien de la société indisponible pour une longue durée ».

COPIREP, réforme déformée ? 

Force est de constater que le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP) a pratiquement été ignoré dans les engagements nouveaux entre l’État et les gestionnaires des entreprises publiques. Simple commission ad hoc au départ, en 2003, cet établissement public a pourtant géré 180 millions de dollars, dont 120 millions de crédits obtenus de la Banque mondiale pour rendre « plus compétitives » les entreprises du portefeuille, considérées comme des « canards boiteux ». Hélas, la réforme des entreprises publiques a tourné à la confusion.  « Je tiens à dire que nous ne pouvons pas dans ce domaine comme dans bien d’autres, aller d’études en études, des conseils d’experts en conseils d’experts, ce qui souvent n’est qu’une excuse pour ne rien faire ! », déclarait le président de la République, Joseph Kabila Kabange, devant les deux Chambres du Parlement réunies Congrès en 2014, alors que le COPIREP s’était enlisé dans les réformes depuis 2002. 

« Au 31 décembre 2010, la transformation juridique des entreprises publiques en SARL a été réalisée selon la volonté du gouvernement… », se félicitait le secrétaire exécutif du COPIREP de l’époque, Ilunga Ilunkamba, dans un rapport annuel de l’établissement public. Pour lui, toutes ces avancées n’étaient pas une fin en soi. La réforme des entreprises publiques vise en fait le redressement de celles-ci en vue de les rendre « viables, performantes et capables de fournir des services de bonne qualité à la communauté ». 

Le COPIREP soutenait, en effet, que l’État gagnerait 5 milliards de dollars l’an à travers les entreprises publiques transformées en sociétés commerciales. Rien de tel n’est venu. En 2015, l’État a même créé le Fonds spécial du Portefeuille pour poursuivre la réforme des entreprises publiques. Mais le financement du Fonds fait défaut. Et pourtant, en 2016, le ministère du Portefeuille via la régie financière a quasiment réalisé 100 % de ses assignations, soit 7,6 milliards de francs sur 7,7 milliards attendus. Mais Wivine Mumba note « une faiblesse de récupération des dividendes de l’État », [là où il est] actionnaire minoritaire à cause de la fiscalité nationale basée sur la déclaration du service. Elle déplore également « l’absence de missions de contrôle mixte entre la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD) et le service attitré du Portefeuille. 

Autres griefs ayant entraîné la minimisation des recettes de participation, selon la ministre du Portefeuille : la prise en compte de la libéralisation du secteur des assurances, longtemps monopole de la Société nationale d’assurances (SONAS) et le déficit énergétique qui a influé négativement sur la production, entre autres, des sociétés telles SODIMICO, SACIM et MIBA. Par ailleurs les créances de la REGIDESO et de la SNEL sur l’État ont causé un déficit de 30 milliards de francs. Le ministère du Portefeuille compte désormais organiser des missions d’encadrement et de suivi conjointes avec la DGRAD en vue de la mobilisation des recettes auprès des sociétés concernées. 

Alors que la Direction générale des impôts (DGI) espère recouvrer auprès des entreprises du portefeuille de l’État des restes constatés au 13 février 2017, soit 276 802 milliards de francs, une note du ministère du Budget renseigne que lesdites entreprises (établissements, services de tous secteurs confondus) ne participent qu’à peu de choses au budget de l’État. Dans le cadre du budget 2017, les recettes provenant des entreprises publiques et établissements publics sont de l’ordre de 11,7 milliards de francs, soit environ 8 millions de dollars. 

Les recettes des participations relevant du ministère du Portefeuille sont encadrées par la DGRAD. La ministre du Portefeuille compte faire plus. Pour cela, Wivine Mumba tient à obtenir des dirigeants de chaque société relevant du Portefeuille de l’État un engagement ferme de tenir à leurs obligations. Elle veut aussi revitaliser la DGRAD qui collecte les recettes de participation.

Entreprises transformées en SA 

En moyenne, les dividendes attendues de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES) oscillent autour de 200 000 dollars ; de la Société congolaise des hydrocarbures (SONAHYDROC, ex-COHYDRO), autour de 115 000 dollars ; de COBIL, environ 300 000 dollars ; de la Société nationale de chemin de fer (SNCC), moins de 18 000 dollars, autant pour la Société congolaise des Poste et télécommunications (SCPT, ex-OCPT). La Régie des voies aériennes (RVA), 285 000 dollars, hormis les recettes du Go Pass qui constituent un fonds spécial. Les Lignes maritimes congolaises (LMC, ex-CMDC), un peu plus de 40 000 dollars ; la SONAS, plus de 150 000 dollars. 

La Société commerciale des transports et des ports (SCTP, ex-ONATRA) est la plus grande contributrice des entreprises publiques en termes de recettes de participation, plus d’un demi-million de dollars en moyenne. En 2016 déjà, la SCTP a largement dépassé ses assignations en termes de recettes de participation, environ 3 millions de dollars. 

Curieusement, l’État n’attend rien de l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM), la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN) qui pourtant devrait ouvrir ses portes courant juillet. La FIKIN, ce n’est pas que les activités foraines. L’établissement gère aussi un complexe immobilier qui a pris de la valeur ajoutée avec les nouvelles constructions chinoises. La Société des mines d’or de Kilo-Moto (SOKIMO, ex-OKIMO) a cessé de contribuer dans les recettes de participation alors qu’elle a conclu des joint-ventures « juteuses » comme par exemple Kibali Goldmines.

Établissements et services publics 

La situation est davantage cahoteuse pour la vingtaine d’autres entreprises publiques transformées en établissements ou services publics en 2009. Ils ne versent, non plus, aucun rond à titre de dividendes dus à l’État. Il s’agit notamment de l’Office national du tourisme (ONT), l’Institut national de sécurité sociale (INSS), l’Office des routes (OR), l’Office des petites et moyennes entreprises (OPEC), l’Institut national de la statistique (INS), la Radio-télévision nationale congolaise (RTNC), l’Institut national de préparation professionnelle (INPP), l’Office national du café (ONC), l’Institut d’études et de recherches agronomiques (INERA), l’Institut des jardins zoologiques et botaniques du Congo (IJZBC), l’Institut de musée national du Congo (IMNC), l’Office national d’élevage (ONDE)  et l’Institut congolais de la conservation de la nature (ICCN) mais aussi du Centre d’évaluation, d’expertise et de certification des matières précieuses et semi-précieuses (CEEC) et du Fonds de promotion de l’industrie (FPI). 

Tous bénéficient pourtant de substantiels appuis financiers non seulement de l’État mais aussi des partenaires extérieurs. De 26 entreprises d’économie mixte reprises par le Portefeuille, la MIBA n’étant pas listée, il se compte du bout du doigt celles qui versent leurs dividendes dont ENGEN et BCDC. Par contre, rien n’est prévu pour le GHK devenu Pullman Hôtel ou encore pour Karavia.