La renommée des « Schools of Economics » françaises masque de surprenantes lacunes dans l’enseignement de cette discipline. L’examen attentif des programmes révèle en effet que du lycée aux grandes écoles, l’univers de la finance, des banques et des marchés est tout simplement ignoré.
Tout laisse à penser que la science économique n’a pas pu ou voulu s’adapter à la mondialisation et à son corollaire, l’omniprésence de la finance. La recherche actuelle se focalise sur des aspects périphériques de l’économie au détriment de la vue d’ensemble.
Aux Etats-Unis, l’économie est financée à 60 % par les marchés et à 40 % par les banques. En Europe, les proportions sont inversées. Il faut voir dans l’insuffisance des marchés européens la raison majeure de l’absence d’entreprises européennes dans le peloton de tête des Gafa et autres licornes américaines. L’épargne européenne, pourtant considérable, s’investit pour une large part en dehors de l’Europe. Ce n’est donc pas sans raison que les autorités monétaires européennes donnent priorité au développement des marchés européens de capitaux.
Faute de moyens financiers adéquats, nos start-up et de trop nombreuses PME/ETI ratent le coche du développement. Les unes sont rachetées et les autres abandonnent des projets d’investissement pourtant prometteurs. Quant aux grandes entreprises, l’insuffisance des marchés européens les contraint à chercher ailleurs les ressources nécessaires.
Dans le même temps, alors que l’importance du financement se décline quasi quotidiennement dans le monde, nos étudiants apprennent que les banques ont perdu leur rôle premier qui est celui de l’intermédiation, que la titrisation a créé la crise des subprimes, que les marchés sont instables et doivent être régulés.
Les étudiants d’écoles de commerce sont formés aux calculs statistiques, alors que, de leur côté, les élèves ingénieurs s’immergent dans le Plan Comptable Français.
De la politique subtile de la BCE, de la notion de risque, de la complémentarité des banques et des marchés, de l’Union bancaire, du financement de la dette souveraine, pas un mot.
Quant à l’euro, deuxième monnaie mondiale, il est traité à l’aune d’une théorie des années soixante… conduisant au constat de sa non-viabilité.
Comment en est-on arrivé-là, pourquoi ce décalage entre le monde réel et la chose enseignée ? Pourquoi le silence sur ce facteur essentiel du développement qu’est le financement par les marchés ?
L’explication la plus plausible est que la théorie économique n’a pas suivi la globalisation. Dans l’ordre ancien, le territoire économique était fermé et le commerce extérieur, marginal. La vie économique se déroulait ainsi essentiellement en vase clos, sous le contrôle étroit du pouvoir étatique.
Progressivement et d’une manière irréversible, l’économie s’est internationalisée. Les chaînes de production et de valeur ont éclaté.
Parallèlement, les Etats ont perdu de leur pouvoir, et notamment celui de fixer le cours des monnaies, un pouvoir à présent dévolu aux marchés.
Notons que la dévaluation apparaît encore dans les manuels comme le moyen de corriger les différentiels de productivité. Et il n’est dit mot de son impact théorique fortement réduit du fait de la forte composante de produits importés dans les exportations.
La difficulté à modéliser cette économie devenue globale pourrait ainsi expliquer les silences des programmes d’enseignement. Il y a néanmoins urgence à mieux préparer les diplômés à la compréhension de l’environnement financier des entreprises et du monde contemporain.
L’Ecole centrale de Pékin a d’ores et déjà commencé, avec l’introduction de conférences sur le thème de la banque et des marchés.