L’OUGANDA et la République démocratique du Congo ont convenu d’exploiter conjointement le pétrole enfoui dans le lac Albert, ex-Mobutu, qui leur sert de frontière naturelle. Mais Kinshasa a pris du retard. Le projet de loi autorisant la ratification de l’Accord de coopération pour l’exploitation des hydrocarbures et l’exploitation des gisements communs entre la RDC et l’Ouganda figure parmi les matières qui pourraient être traitées par l’Assemblée nationale durant cette session de septembre. On l’espère.
Ce projet remonte pourtant à plus de 5 ans. Et rien ne rassure qu’au cours de cette session essentiellement budgétaire, ce projet de loi sera examiné. Atteindre un quorum suffisant pour voter une loi sera le principal défi de cette session qui devrait se clôturer juste une semaine avant les élections présidentielle et législatives prévues le 23 décembre prochain. Nul doute que la majorité des députés s’en iront en campagne dans l’espoir de briguer un nouveau mandat.
Budget dédié au pétrole
Le gouvernement ougandais dispose d’un budget quadriennal de 15 à 20 milliards de dollars, uniquement pour l’industrie du pétrole. Cela représente trois à quatre fois, la capacité de mobilisation des recettes de la RDC. Selon Gabriel Mbaga Obiang Lima, le ministre équato-guinéen des Hydrocarbures, l’Ouganda pourrait déposer sa candidature pour adhérer à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).
Dans la région frontalière avec la RDC, l’Ouganda dit disposer des réserves de 6,5 milliards de barils, soit le quart de son potentiel, dont 1,5 milliard de barils immédiatement exploitables. La zone pétrolière éventuellement exploitable se situe au niveau du Lac Albert où un complexe pétrolier est en construction.
Le projet est jugé stratégique par les autorités ougandaises qui ont confié les opérations de forage et d’extraction au trio sino-anglo-français CNOOC, Tullow Oil et Total, alors que le volet raffinage et première transformation a été confié à un consortium comprenant General Electric.
Le pipeline de Hoima-Tanga
Plutôt que la RDC, l’Ouganda s’est associée à la Tanzanie en vue du partage des technologies et de la construction du pipeline de Hoima-Tanga sur près de 1 445 km partant du lac Albert à la côte tanzanienne sur l’océan indien. Le projet nécessite 3,55 milliards de dollars et sa construction a été confiée au trio CNOOC, Tullow Oil et Total. Un bémol : la raffinerie pétrolière que compte installer Kamapala prendra du retard. Elle devrait être prête courant 2018 mais le consortium russe RT Global Resources qui devait la financer, construire et exploiter, s’est retiré du projet.
Mais le gouvernement ougandais rassure qu’un repreneur est déjà en pipeline pour achever les travaux début 2020. Il a signé un autre contrat de construction de la raffinerie pétrolière qui traitera, dans un premier temps, le brut du bassin albertine, avec un consortium dénommé Albertine Graben Refinery Consortium. Ce consortium est mené par l’Américain General Electric et compte comme coactionnaires deux autres firmes étasuniennes, Yaatra ventures et Intra-continent Asset Holdings, ainsi que l’italien Saipem. Il sied de préciser que les deux parties sont toujours en pourparlers sur « certains détails qu’il va falloir régler au préalable », selon des officiels ougandais.
Mais il est déjà acquis que dans la joint-venture, Albertine Graben Refinery Consortium devrait disposer de 60 % des parts dans la raffinerie, et les 40 % restant, répartis comme suit : 33 % à l’Ouganda et 7 % à la Tanzanie. Toutefois, le gouvernement ougandais se dit disposer à ouvrir l’actionnariat à d’autres États de la sous-région. Sans un appel de pied à l’intention de la RDC.
Mais d’ores et déjà, le gouvernement ougandais a attribué des licences à des compagnies internationales assorties d’une obligation d’accélérer l’exploration dans le Graben en vue de se lancer au plus tôt dans la production. À quoi tient donc cette précipitation à laquelle se livre subitement l’Ouganda?
Du côté RDC, certains observateurs avertis redoutent que Kampala ne mette Kinshasa devant un fait accompli, passant outre le principe de l’exploitation conjointe et les autres protocoles d’accord convenus à Ngourdotto sur l’or noir.
L’Angola, il sied de le rappeler, a fait fi de l’accord de partage de la production du pétrole dans la zone d’intérêts communs, ZIC, de 2006 et pompe actuellement seul du brut en empiétant même le plateau continental de la RDC.