LA CÉRÉMONIE de présentation du rapport annuel est un moment fort pour passer des messages du secteur. C’est Yves Cuypers, le Directeur général de la Banque Commerciale Du Congo (BCDC) qui l’a dit. Et cette année, il n’a pas dérogé à la tradition.
Tout ce que Kinshasa compte comme gratin dans les secteurs financier et économique, ou presque, était réuni pour cet événement. Il y avait aussi des officiels (membres du gouvernement, parlementaires, etc.) et des clients de la banque. Pendant une cinquantaine de minutes, Yves Cuypers a captivé l’attention de l’auditoire dans un style oratoire qui lui est propre.
D’entrée de jeu, il a tenu à rappeler qu’à l’instar de l’année 2016, l’exercice 2017 s’est déroulé dans un contexte réglementaire instable et dans un environnement économique dégradé. « Le redressement économique amorcé l’été dernier et confirmé à la fin de l’année dernière a permis de respecter l’ensemble des ratios de la banque, qu’il s’agisse de la couverture des risques, de la préservation de la liquidité, de la conservation des fonds propres et d’obtenir un résultat net positif », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Il est désormais impératif que le front réglementaire se stabilise et que la banque opère sa révolution numérique indispensable dans un contexte de mondialisation accrue. »
Le challenge de 2017
On retiendra utilement que c’est avec quatre paramètres directement liés à l’environnement réglementaire et économique interne que la BCDC a abordé l’exercice 2017. Le rapport annuel qui lui est dédié s’articule autour de trois principaux volets. D’abord, un descriptif de l’environnement économique et monétaire de l’année 2017. Puis, la présentation des principaux indicateurs du bilan et de la performance de la BCDC.
À ce propos, le DG de la banque a confirmé que celle-ci a atteint tous ses objectifs. Enfin, la relation avec les banques internationales. Un thème très sensible auquel le secteur bancaire congolais porte la plus grande attention.
D’après Yves Cuypers, dès le début de l’année 2017, il est apparu évident que la BCDC n’allait pas pouvoir renouveler les résultats de 2016, obtenus notamment grâce à un profit de change historique largement supérieur à ce qu’elle avait pu budgétiser. Par ailleurs, le coût de refinancement auprès de la Banque centrale du Congo (BCC) pour constituer et alimenter la réserve obligatoire obligeant la banque à emprunter des francs, a dégradé la marge d’intérêts. Et sa position conservatrice concernant le développement des opérations de crédits au regard de la période d’incertitude dans laquelle le pays était entré n’était pas de nature à suppléer le manque à gagner prévisible sur le poste profit de change.
Le quatrième paramètre, impactant l’activité du secteur bancaire en 2017, a souligné Cuypers, a été évidemment tout ce qui a trait à la gouvernance des établissements de crédit et aux politiques dites de « conformité ». L’importance de cet aspect dans l’activité de la BCDC en 2017 s’est traduite par une mission de l’Association Congolaise des Banques (ACB) qui s’est rendue en juin 2017 au département d’État américain afin d’expliquer aux Américains qui est la banque, ce qu’elle fait et comment elle travaille.
« Une occasion privilégiée de rassurer ce grand partenaire mais également de confirmer qu’en matière de réglementation et de conformité, nous n’avons pas eu d’autre choix, sous peine de sanctions directes, que de nous conformer à l’ensemble des règles édictées par toutes les instances de contrôle internationales », a-t-il dit.
Ainsi, le DG de la BCDC a voulu passer un message, celui de la sensibilisation à l’importance pour le système bancaire national de se conformer aux exigences internationales. Il a rappelé le rôle de l’ACB en la matière, et surtout la place importante que la BCDC y tient.
Gestion prudentielle
Une des particularités de cette édition porte sur la présentation plus développée du rapport financier dans ses aspects de la gestion prudentielle et l’adéquation des fonds propres. C’est dans ce contexte général que le budget 2018 s’inscrit sur le même schéma que celui de 2017, c’est-à-dire gérer et réduire les risques, gérer et préserver la liquidité, s’adapter aux nouvelles normes réglementaires, développer les multiples aspects de la gouvernance et de la conformité en particulier – qui devient un sujet de plus en plus important – tout en continuant à dégager un résultat positif.
Yves Cuypers a rappelé qu’après un fort dérapage du franc congolais qui a ouvert l’année à 1 230 CDF pour 1 USD, la dévaluation s’est poursuivie pour passer à 1 500 CDF vers le 30 juin, puis à 1 700 CDF au mois d’août 2017. Avec une certaine stabilité à 1 550 CDF depuis le mois d’octobre, le marché monétaire est entré depuis la fin de 2017 et le début de 2018 dans une période d’accalmie.
Une accalmie bienvenue, a-t-il dit, sur le front du cours de change, car elle a eu un impact important sur la réserve obligatoire de la BCDC qui l’a budgétairement fortement pénalisée en 2017. Cela a représenté pour la banque un coût additionnel de 4,6 millions de dollars. Comme pour l’exercice 2016, mais dans des proportions moindres, les opérations de change de la banque ont contribué au maintien de son produit net bancaire pour un montant global de 16 millions de dollars, contre 23 millions de dollars en 2016 qui avait été, a-t-il rappelé, une année exceptionnelle.
C’est l’ensemble de ces mesures prudentielles et de bonne gestion qui a permis à la BCDC d’être conforme à son objectif initial et de gérer à la fois sereinement l’ensemble de ses risques. Elle est ainsi passée au niveau de ses provisions d’un budget de 6 millions de dollars à 9 millions provisionnés en 2017. Cette mesure prudentielle et conservatrice ne l’a cependant pas empêchée de dégager un résultat net de 8,3 millions de dollars.
Objectifs atteints
Dans ce contexte à la fois tendu et incertain, la BCDC a atteint tous ses objectifs. Le premier a consisté à couvrir l’ensemble des risques, qu’il s’agisse des crédits ou des risques opérationnels, fiscaux, juridiques et réglementaires. Le deuxième s’est focalisé sur la préservation de la liquidité de la banque, compte tenu d’une possible méfiance de certains déposants troublés par un environnement instable. Ceci n’a heureusement pas eu lieu, ce qui témoigne de la bonne perception qu’ont les clients de la BCDC, s’est félicité le DG.
Le troisième objectif visait à préserver les fonds propres prudentiels. Un enjeu fondamental car, au-delà de la couverture des risques, il est impératif, non seulement de conserver ses fonds propres mais de dégager un résultat positif, a expliqué. Enfin, le quatrième objectif a été d’obtenir un résultat positif après impôt. Il s’élève à 8,3 millions de dollars.
Aujourd’hui, il y a seize banques commerciales en activité en RDC. En 2012, on comptait vingt-deux. « Il n’est donc pas simple d’exercer notre métier », a lancé le DG de la BCDC. « Nous avons donc été prudents et nous avons eu raison car le renchérissement des mesures prudentielles risquait de perturber notre exercice. Les mesures prévues ont été reportées car toutes les banques n’auraient pu répondre immédiatement à ces nouvelles exigences quand bien même sont-elles justifiées ».
La norme du capital minimum de 30 millions de dollars, qui devait entrer en vigueur le 31 octobre 2017, a été reportée au 1er janvier 2019. Quant à la norme de 50 millions de dollars de capital minimum, les banques sont en attente de la date à laquelle elle entrera en vigueur. Celle-ci ne pouvant être désormais fixée qu’après 2020.
L’ensemble du personnel de la BCDC a également contribué à ce résultat avec, par exemple, l’acceptation d’une stabilisation des rémunérations entre 2016 et 2017 sans que la marche de l’entreprise n’en soit entravée pour autant. Au contraire même. Car la banque est solide sur tous les fronts, y compris le front social avec le maintien des effectifs et des provisions nécessaires à la couverture de nos engagements sociaux.
Pour preuve, la renégociation de la convention collective d’entreprise qui a été amendée et validée par l’Inspection du travail au mois d’octobre 2017, permet désormais l’ouverture de la banque le samedi matin. Ainsi, la semaine de six jours est effective.
Pour Yves Cuypers, trois piliers du métier de banquier et de leur interaction dynamique s’articulent : l’actionnariat, le système financier international et les nouvelles technologies. On retiendra aussi que l’année 2017 aura été plus que satisfaisante pour la BCDC, au regard des incertitudes évoquées plus haut. Pour rappel, la BCDC est le banquier de référence en RDC depuis 1909. Elle connaît, comprend et mesure les besoins de financement des principaux opérateurs économiques et met à leur disposition des compétences éprouvées au niveau international.
Au final, l’année 2017 aura été plus que satisfaisante au regard des incertitudes évoquées. Celles-ci ne doivent évidemment pas se prolonger indéfiniment au risque de finir par reporter le retour à un cycle de croissance économique dans lequel la banque s’inscrira et, par conséquent, renforcera la solidité de ses fondamentaux et donc la confiance du marché.