LES TROIS groupes ont également décidé la création d’un poste de secrétaire général de l’alliance, qui sera chargé de coordonner ces projets sous l’autorité de Jean-Dominique Senard, le président de Renault. Ces décisions semblent marquer un nouveau départ pour ce partenariat paralysé depuis le déclenchement de l’affaire Ghosn il y a un an. Ces décisions ont été prises lors d’un conseil de l’alliance qui s’est tenu au siège de Renault à Boulogne-Billancourt près de Paris.
Ce conseil créé en début d’année à l’initiative de Jean-Dominique Senard, et qui est convoqué une fois par mois, réunissait les principaux dirigeants de l’alliance. Étaient notamment présents à Paris, outre Senard, Makoto Uchida, le nouveau directeur général de Nissan ; Osamu Masuko, le président de Mitsubishi ; Clotilde Delbos (nommée récemment après le limogeage de Thierry Bolloré), la directrice générale par intérim de Renault ; Takao Kato, le directeur général de Mitsubishi et Ashwani Gupta, le directeur des opérations de Nissan.
« On a une liste de grands programmes. On a décidé de nommer un secrétaire général de l’alliance, qui aura une mission de coordination et d’accélération de ces projets », a indiqué un dirigeant proche de l’alliance. Il a évoqué « une personnalité de très haut niveau », « issue des équipes » de l’alliance et ayant l’expérience des trois entreprises.
Les nouveaux projets lancés concernent en particulier « la programmation commune des véhicules, le dispositif industriel, les programmes de connectivité, la convergence des technologies », a précisé ce responsable. Ils viseront à mutualiser davantage les coûts entre les trois entreprises de l’alliance afin d’améliorer leur rentabilité.
Patron adulé
Concernant l’affaire Ghosn, libéré sous caution 130 jours plus tard, l’ex-patron de l’alliance encourt aujourd’hui jusqu’à 15 ans de prison. Il est depuis assigné à résidence à Tokyo dans l’attente de son procès et continue de nier tout en bloc. Sur le fond de l’affaire, l’ancien patron tout-puissant de l’alliance dont il a été l’artisan à partir de 1999 argue, à propos de sa rétribution, que Nissan ne lui avait nullement promis contractuellement un montant déterminé de rémunération post-retraite. « L’obligation de déclarer des revenus différés est légalement discutable et en tout état de cause cela n’aurait pas dû entraîner une arrestation », juge Nobuo Gohara, un avocat japonais non impliqué dans le dossier mais qui l’analyse depuis le début, et dont le raisonnement est proche de celui des principaux défenseurs de Carlos Ghosn. « Si l’on se place du point de vue des actionnaires de Nissan, le fait de ne pas retranscrire les montants exacts de rémunération des dirigeants, même différés, fausse leur vision de l’entreprise et leurs décisions d’investissement. Si le montant était décidé, cela devait figurer, c’est le point clef », estime au contraire l’avocat Yasuyuki Takai, ancien inspecteur de l’unité spéciale d’enquête du bureau des procureurs de Tokyo.
Concernant l’abus de confiance, l’ex-patron de l’alliance assure que les fonds versés par Nissan à des distributeurs automobiles d’Oman et d’Arabie saoudite l’ont été avec le consentement d’autres dirigeants du groupe et pour des prestations effectivement réalisées au bénéfice de Nissan. Il jure qu’il ne s’agissait pas de récompenser des amis, ni d’obtenir de leur part des rétro-commissions déguisées, comme l’affirment les enquêteurs. « La question est: est-ce que les paiements effectués sont ou non légitimes? Si l’entreprise a jugé qu’ils l’étaient, il n’y a pas délit », questionne Nobuo Gohara. « Mais si, comme le disent les procureurs, il existe des preuves montrant une entente préalable entre Carlos Ghosn et ces distributeurs, c’en est un », rétorque Yasuyuki Takai.
Reste que Carlos Ghosn et ses avocats sont persuadés que les poursuites à l’encontre de leur client reposent « sur une collusion entre Nissan et les procureurs », avec la bénédiction du gouvernement japonais, dans le but de tuer dans l’œuf un projet de fusion de Renault et Nissan. « Le cas Ghosn fut un énorme choc mondial qui révèle de très gros problèmes dans le fonctionnement de la justice japonaise », abonde Nobuo Gohara. « Cette affaire n’aurait jamais dû exister. On ne peut que penser que le but ultime était d’arrêter Carlos Ghosn », tranche-t-il.