L’ÉTUDE réalisée par le gouvernement sur les impacts sanitaires et socio-économiques du Covid-19 en République démocratique du Congo indique qu’au regard des structures de l’économie, de l’incidence de la pauvreté (73,1 %, selon la Banque mondiale) et des habitudes de consommation, les mesures de confinement ont du mal à être appliquées dans le pays.
Depuis l’identification du premier cas de contamination, le gouvernement prend des dispositions pour ralentir l’expansion du Covid-19 mais avec des moyens limités sur le plan sanitaire, notamment en termes de capacités d’isolement des personnes infectées et de dotation en équipements pour le dépistage et la prise en charge. L’Institut national de recherche biomédicale (INRB) ne dispose pas d’assez de kits de détection alors que leurs prix font l’objet d’une grande spéculation sur les marchés à cause de la forte demande actuelle. Ceci pose un sérieux problème dans la stratégie gouvernementale de riposte.
« Si la pandémie persiste, il serait possible de voir l’espérance de vie baisser. Le choc devrait donc agir négativement sur l’indice de développement humain de manière directe et indirecte, directe car l’état de santé est pris en compte dans le calcul de l’IDH et indirecte car le choc sanitaire ne peut qu’impacter négativement sur l’éducation, sur l’emploi et la productivité de l’économie qui sont aussi pris en considération dans la détermination de l’IDH », peut-on lire dans cette étude.
Au regard du caractère préoccupant de la pandémie du Covid-19 et des efforts déployés et à conjuguer pour y faire face, « on pourrait craindre que la prise en charge financière de la riposte agisse sur l’allocation des ressources budgétaires dans le secteur de la santé ». Par ses impacts négatifs sur le fonctionnement de l’économie, plus particulièrement sur le niveau de revenus des ménages et sur l’offre des produits agricoles et/ou alimentaires (production locale et importations), poursuit l’étude, la pandémie du Covid-19 devrait avoir une incidence sur le taux de morbidité, sur le taux de mortalité, et sur le taux de malnutrition aussi bien des adultes que des enfants ainsi que sur la proportion des enfants souffrant d’insuffisance pondérale et sur la proportion des enfants accusant un retard de croissance.
Fatalement, la pandémie portera atteinte à l’indice de développement humain du pays, pour lequel le pays a perdu 3 places dans le classement de 2018 à 2019 (179è place sur 189, contre la 176è place en 2018). « L’incidence de la crise sur les indicateurs de santé dépendra de la manière dont la pandémie va s’étendre et des mesures prises par le gouvernement pour restreindre sa propagation dans le pays ».
Impacts sur l’économie
De par ses effets sur le capital humain et sur le cadre de vie des hommes, la pandémie de Covid-19 aura une incidence sur le fonctionnement de l’économie à court, moyen et long termes. Mais les impacts ne sont pas les mêmes pour toutes les économies du monde étant donné qu’elles n’ont pas les mêmes structures et n’ont pas connu récemment les mêmes évolutions. La période allant de 2002 à 2019 constitue le plus long épisode de croissance positive ininterrompue de l’économie congolaise depuis l’accession du pays à l’indépendance. Mais aussi le plus long épisode de faible inflation, en moyenne et en variance. Toutefois, relève l’étude, l’économie est restée aux prises avec de nombreuses vulnérabilités, à cause essentiellement des problèmes de gouvernance et de sa structure dépendante du secteur extractif et des aléas de la conjoncture internationale. Deux principaux chocs ont affecté sa marche au cours des 13 dernières années. Ces deux chocs (2009 et 2016) offrent une grille d’analyse de la réaction de la RDC aux crises internationales.
Malgré sa riche dotation en ressources naturelles (terres arables, forêts, faune, flore, etc.) et minérales (cuivre, cobalt, diamant, or, étain, zinc, hydrocarbures, etc.), sa position géographique, son réseau hydrographique et son potentiel hydrique, la RDC demeure encore un pays sous-développé.
Au-delà des progrès affichés par la RDC de 2007 à 2019, son économie demeure peu diversifiée et assez vulnérable vis-à-vis des chocs exogènes. Selon cette étude, la forte dépendance vis-à-vis des industries extractives (près du tiers du PIB) expose le pays aux risques de retournement de la conjoncture internationale. « Sa chaîne de création de valeurs est très limitée et ne favorise pas une forte création d’emplois. La transformation structurelle reste le plus grand défi du pays ».
Représentant plus de 20 % du PIB national et occupant 60 à 70 % de la population, particulièrement celle vivant en milieu rural, l’agriculture congolaise est majoritairement traditionnelle, de subsistance et à faible rendement.
Elle fait face à des contraintes institutionnelle, technique et financière dont un personnel non qualifié et vieillissant, des infrastructures délabrées, une règlementation non respectée, et un sous-financement. La RDC ne met en valeur que 10 % de ses terres arables. Son potentiel halieutique est exploité à 30 %. L’élevage bovin ne représente que 2,5 % de son potentiel de production. « Il est donc possible d’accroître la production agricole et de garantir la sécurité alimentaire et nutritionnelle ». Comptée parmi les 10 pays de la méga biodiversité du monde avec 148 millions d’hectares de forêts tropicales, soit 10 % des forêts tropicales du monde, 50 % des forêts denses d’Afrique et 60 % des forêts des pays du Bassin du Congo, la RDC a le plus grand patrimoine forestier d’Afrique. Ses forêts abritent 50 000 espèces végétales, 409 espèces de mammifères, 1117 espèces d’oiseaux, 400 espèces de poissons, 216 espèces de batraciens, et 352 espèces de reptiles. La FAO situe son potentiel productif à 60 millions d’hectares de forêt qui autorisent une production de grumes de bois de 10 000 000 m3 par an. Cependant, souligne l’étude, le rendement réel de la forêt congolaise varie entre 3 et 10 m3 à l’hectare, soit 6 millions de m3 par an. Sa contribution au PIB est inférieure à 1 %.
Valeur ajoutée
En dépit de son riche potentiel et des performances affichées, le secteur minier congolais demeure peu développé en ce qu’il ne crée pas suffisamment de valeur ajoutée localement et d’emplois. Son potentiel fiscal est aussi sous-exploité. « Le secteur minier congolais demeure par ailleurs très vulnérable vis-à-vis des chocs exogènes ». Les baisses des cours mondiaux des matières premières enregistrées en 1973 (lors du 1er choc pétrolier), en 2009 (lors de la crise financière) et en 2014-2015 ont eu une incidence considérable sur la contribution du secteur à la croissance et au développement socioéconomique du pays.
La RDC renferme 3 bassins sédimentaires d’hydrocarbures liquides (bassin côtier, cuvette centrale et Grabens Albertine et Tanganyika). Les réserves du bassin côtier sont estimées à 5,69 milliards de barils avec une production marginale de 25 000 barils le jour (exportée dans sa totalité) alors qu’elle était de 33 000 barils en 1975. Les deux autres bassins disposent d’importantes réserves non quantifiées à ce jour.
Malgré cet important potentiel, la RDC est un importateur net de carburants. Sa production est encore faible par rapport à ses voisins, l’Angola, le Gabon, le Congo-Brazzaville, dont la production se trouve comprise entre 300 000 et plus de 1 million de barils par jour. Les besoins actuels en carburants de la RDC sont estimés de 700 000 tonnes par an, soit en moyenne 900 000 tonnes de brut léger par an.