C’EST LA LOGIQUE républicaine. Sylvestre Ilunga Ilunkamba assure désormais, avec les membres du gouvernement, le traitement des affaires courantes jusqu’à la nomination du nouveau gouvernement. Un changement souhaité par Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, qui avait annoncé son intention d’une nouvelle équipe gouvernementale afin de suivre un nouveau chemin politique pour la dernière partie de son mandat jusqu’à la prochaine présidentielle.
Vendredi 29 janvier, dans une interview accordée à la presse présidentielle, au sortir de l’audience que le chef de l’État lui a accordée au Palais de la nation, le 1ER Ministre et chef du gouvernement, « avare des paroles verbeuses », s’est contenté de l’essentiel, s’abstenant d’épiloguer sur la situation politique de l’heure dans notre pays, qui a entraîné la chute de son gouvernement. Il a déclaré tirer les conséquences de cette situation. C’est pourquoi il a décidé, « en toute responsabilité et conformément à la constitution », de présenter la démission de son cabinet au président de la République, chef de l’État.
Au nom de son gouvernement, il a remercié Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo de « la confiance » qu’il leur a témoignée « dans le cadre de l’Accord de Coalition FCC/CACH ». Personnellement, il l’a remercié « en dépit des circonstances actuelles », de « la confiance » et de « la cordialité » qui ont caractérisé leurs relations au cours de son mandat de 1ER Ministre. Naturellement, il a aussi adressé ses remerciements, « last but not least », à Joseph Kabila Kabange, le prédécesseur de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, pour avoir proposé son nom comme candidat 1ER Ministre.
Discours de départ ?
Dans cette interview qui semblait avoir l’air d’un discours de départ de la Primature, Sylvestre Ilunga Ilunkamba a évoqué un célèbre chansonnier : « Il faut savoir quitter la table quand elle est desservie ». Mais, pour lui, il n’est pas question de quitter la table desservie chez lui pour aller continuer à manger chez le voisin. » Avouons-le, c’est fort de café. Reste que Sylvestre Ilunga Ilunkamba s’en va avec le sentiment d’avoir servi le peuple congolais à cette haute fonction. La preuve ?
Mardi 26 janvier, le 1ER Ministre adresse « sa » réponse (rédigée sur 11 pages) à Mboso Nkodia Puanga, le président du Bureau d’âge de l’Assemblée nationale, en réaction à la motion de censure contre le gouvernement. Pour rappel, le président du Bureau d’âge de l’Assemblée nationale lui a transmis en date du 23 janvier 2021 une motion de censure signée par 301 députés nationaux contre le gouvernement qu’il dirige et l’invitait à se présenter à la plénière prévue initialement le mardi 26 janvier 2021.
Loin de lui « l’idée de susciter ou d’engager une polémique stérile face à la détermination d’une certaine classe politique décidée de fouler aux pieds, non seulement le Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale, mais aussi et surtout notre Loi fondamentale », Sylvestre Ilunga Ilunkamba a décliné sa position en six points majeurs.
Il s’agit de : la portée du programme du gouvernement, l’investiture du gouvernement neuf mois après celle du président de la République, l’environnement économique et social de l’année 2020 affecté par la pandémie de Covid-19, la conduite des réunions du Conseil des ministres, les acquis du gouvernement à consolider, et le caractère paradoxal de la motion de censure.
Restant sur la défensive, Ilunga Ilunkamba précise que le programme du gouvernement a été défini de concert avec le président de la République et établi pour cinq ans, la durée de la législature. « Il serait donc biaisé de vouloir en établir le bilan général et de tirer des conclusions hâtives au terme de seulement 15 mois de son exécution. » Et du point de vue économique et même social, « il y a toujours un délai de réponse entre le moment où les mesures sont mises en œuvre et le moment où leurs effets commencent à se manifester ». D’après lui, « on ne peut donc s’attendre à trouver des réponses aux problèmes réputés structurels, dans un horizon conjoncturel ».
D’ailleurs, avant que son gouvernement ne soit investi, « nul n’ignore que les finances publiques ont été gérées de manière non orthodoxe ». Comme en témoignent les dérapages révélés lors du procès dit « de 100 jours ». Et d’ajouter qu’il avait « personnellement tiré la sonnette d’alarme au sujet de cette situation dès le mois de juillet 2019 », soit deux mois avant sa prise de fonctions. « Les caisses de l’État étaient quasiment vides, les réserves de change érodées et le franc congolais battait de l’aile. En outre, les Provinces enregistraient plusieurs mois d’arriérés de rétrocession, sans compter bien d’autres engagements de l’État, en souffrance. »
Les 15 mois que Sylvestre Ilunga Ilunkamba a passés à la primature à diriger l’action gouvernementale resteront sans doute marqués dans l’histoire de notre pays. Il a fallu d’abord corriger « les différents déséquilibres ». Ensuite, asseoir « les conditions indispensables à l’essor économique et social du pays ». Mais la survenue, dès janvier 2020, de la pandémie de Covid-19 est venue briser l’élan. Les effets néfastes du Covid-19 se sont répercutés sur l’économie et les finances publiques. Sur le plan social, la priorité du gouvernement a consisté à préserver la vie des RD-Congolais contre les effets de la terrible maladie. À cet effet, un plan de riposte a été mis en place, « exécuté du reste avec satisfaction ». Depuis mai 2020, le Programme multisectoriel d’urgence d’atténuation des impacts du Covid-19 (PMUAIC) est exécuté. Il comprend une batterie de mesures idoines sur les plans économique, financier, fiscal et commercial, visant à sauvegarder le tissu économique et à limiter la détérioration du bien-être social ».
Cadre macroéconomique
Sylvestre Ilunga a vanté le bilan de ses 15 mois de gouvernance sans vraiment le vanter. Il est fier « d’avoir réussi, en dépit des circonstances difficiles tant du point de vue national qu’international », à maintenir la stabilité du cadre macroéconomique, « gage de croissance et d’amélioration progressive des conditions sociales ». Fier aussi, malgré l’accélération des prix intérieurs entre avril et juillet 2020, induite par les mesures de confinement, l’inflation a été contenue à environ 15 %, tandis que le taux de change a été stabilisé autour de 2 000 francs congolais pour 1 dollar américain, depuis plus de six mois.
À ce propos, chapeau bas au Fonds monétaire international (FMI), à la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement (BAD), pour « leur confiance » en cette période difficile de la pandémie de Covid-19 et l’impérieuse nécessité à assurer la gratuité de l’enseignement de base. Reste qu’il faut sauvegarder l’élan avec le FMI afin de bénéficier d’un appui au titre de Facilité élargie de crédit pour 2021-2023.
Grâce à la mise en route du code minier révisé, surtout à l’application de la nouvelle clé de répartition de la redevance minière, certaines infrastructures de base ont été financées, d’importantes réserves financières au titre de Fonds minier pour les générations futures (FOMIN) ont été constituées. Et un Plan national de relance agricole a été mis sur pied. Il vise l’ensemencement de 7,5 millions d’ha avec 80 000 encadreurs pour l’ensemble des 26 provinces du pays, impliquant un total de plus de 14,5 millions de ménages… Diriger le gouvernement, c’est finalement une charge assez lourde, qui nécessité du courage, beaucoup de réussite, beaucoup de succès, pour notre pays qui n’est pas encore entièrement sorti de la situation de précarité.