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A ROUTE qui mène à la COP26 est encore longue, mais les nouveaux développements aux États-Unis et à l’international sont très positifs. Ce sommet, qui devait initialement avoir lieu en novembre 2020, a été repoussé du fait de la pandémie de Covid-19. S’il avait eu lieu à la date prévue, il aurait été pratiquement impossible d’imaginer que les négociations aient pu aboutir. En effet, avancent des experts, les États-Unis qui jouent un rôle clé dans ce domaine, étaient alors plongés dans l’incertitude et occupés avant tout à relever leurs propres défis intérieurs. Et le report du sommet à novembre 2021 donne au président nouvellement élu la possibilité d’œuvrer à la mise en pratique de ses engagements en matière de climat, ce qui, à son tour, offre à cet événement de meilleures chances de satisfaire aux exigences climatiques.
Outre le fait de réengager les États-Unis dans l’Accord de Paris sur le climat, Joe Biden a affirmé vouloir adopter l’objectif du zéro émission de gaz à effet de serre en 2050 et de décarboniser le secteur énergétique d’ici 2035, ce qui n’est pas une mince affaire lorsque l’on sait que près du quart de la production d’électricité provient du charbon et 38 % du gaz naturel. Le nouveau président américain s’est également engagé à redynamiser l’action des États-Unis au niveau des négociations internationales, et il a choisi John Kerry, l’un des architectes de l’Accord de Paris, comme représentant spécial pour le climat.
Discussions politiques
Parallèlement à ce bouleversement sismique des États-Unis, la décision de la Chine d’adopter l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060 est importante. Cet engagement annoncé en septembre 2020 aura également un impact sur les politiques qui font l’objet de discussions au sein d’autres grandes économies émergentes comme celle de l’Inde. Le Japon et la Corée du Sud se sont aussi fixé des objectifs en vue d’atteindre la neutralité carbone. Tous ces développements sont le reflet d’un changement marqué de la situation qui prévalait il y a quelques mois seulement, lorsque l’Europe était le seul grand bloc économique à s’être engagé sur la voie de la neutralité carbone.
Malgré cela, les négociations qui auront lieu lors de la COP26 à Glasgow ne seront certainement pas « faciles » et les difficultés les plus importantes viendront non pas de l’adoption des objectifs de neutralité carbone à long terme, mais du cheminement qui devra être suivi jusqu’en 2030. Les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont clairement indiqué que pour maintenir les chances de limiter la hausse de la température à 1,5° C (Celsius), les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de 50 % d’ici à 2030. Or cet objectif est extrêmement ambitieux et il exigera que des décisions politiques courageuses soient prises à très court terme.
Les actions du secteur privé seront déterminantes pour la création d’une dynamique d’ici à la COP26. Un nombre croissant d’entreprises ont affiché leur ambition d’atteindre la neutralité carbone: selon la campagne des Nations unies Race to Zero 2, elles sont déjà 1 400 dans le monde. Et dans ce domaine, le secteur financier jouera un rôle central. Ainsi, BMO Global Asset Management travaille sur les deux fronts, à savoir un, s’engager auprès des entreprises dans lesquelles il investit afin qu’elles adoptent des stratégies ambitieuses de lutte contre le réchauffement climatique, et deux, parvenir à la neutralité carbone de tous les investissements d’ici 2050.
Les affaires portées en justice sur le changement climatique ont augmenté ces dernières années, faisant des tribunaux les lieux de la lutte contre le changement climatique dans le monde, souligne le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Selon un rapport du PNUE publié récemment, les affaires liées au climat ont presque doublé au cours des trois dernières années et obligent de plus en plus les gouvernements et les entreprises à mettre en œuvre leurs engagements en faveur du climat, ainsi qu’à poursuivre des objectifs plus ambitieux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Le rapport coproduit avec le Centre Sabin pour le droit sur le changement climatique de l’Université Columbia (États-Unis) montre que les litiges climatiques sont devenus plus courants et plus efficaces dans le monde. En 2017, 884 poursuites judiciaires avaient été déposées dans 24 pays. En 2020, les poursuites avaient presque doublé, avec au moins 1 550 affaires liées au changement climatique déposées dans 38 pays (39 si l’on tient compte des tribunaux de l’Union européenne).
Un levier clé
Le rapport note que les litiges climatiques se concentrent dans les pays à revenu élevé, et la tendance pourrait se développer davantage dans les pays du Sud. Le rapport répertorie les cas récents en Colombie, en Inde, au Pakistan, au Pérou, aux Philippines et en Afrique du Sud. Les profils des plaignants sont également de plus en plus diversifiés, avec des ONG et des partis politiques rejoints par des jeunes, des personnes âgées, des migrants et des peuples autochtones. « Les citoyens se tournent de plus en plus vers les tribunaux pour avoir accès à la justice et exercer leur droit à un environnement sain », a déclaré Arnold Kreilhuber, directeur au PNUE. « Les juges et les tribunaux ont un rôle essentiel à jouer dans la résolution de la crise climatique. »
Certaines des tendances récentes des litiges climatiques identifiées par le rapport comprennent : les violations des « droits climatiques », c’est-à-dire les affaires reposent de plus en plus sur les droits humains fondamentaux, y compris le droit à la vie, à la santé, à l’alimentation et à l’eau ; l’incapacité des gouvernements à faire respecter leurs engagements en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ; le « Greenwashing » et non-divulgation, lorsque les messages d’entreprises contiennent des informations fausses ou trompeuses sur les impacts du changement climatique.
Dans les années à venir, le PNUE s’attend à ce que les litiges climatiques se multiplient devant les instances nationales et internationales. L’agence onusienne relève notamment les entreprises qui signalent de manière erronée les risques climatiques, les gouvernements qui ne s’adaptent pas aux événements météorologiques extrêmes et les affaires engagées pour faire appliquer les décisions judiciaires antérieures. Le PNUE s’attend également à une augmentation des cas concernant les personnes déplacées par les effets du changement climatique.
« Le litige climatique est un levier clé pour maintenir les gouvernements et les entreprises sur la bonne voie dans la lutte contre le changement climatique », fait remarquer Michael Burger, le directeur exécutif du Sabin Center for Climate Change à l’école de droit de l’Université Columbia. « Et c’est un outil puissant pour les obliger à rendre compte de leur incapacité à le faire. Les tribunaux peuvent égaliser les déséquilibres de pouvoir dans la société et donner force à l’État de droit ».