SELON LE Département américain du Commerce, la décision de placer Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC), le plus grand fabricant de puces en Chine et DJI, un célèbre fabricant de drones chinois, sur liste noire était liée au comportement de Pékin qui venait de décider d’exploiter une technologie civile à des fins militaires. Wilbur Ross, alors secrétaire au Commerce, affirmait également que les États-Unis auraient des preuves d’une activité entre SMIC et des entreprises industrielles militaires chinoises « préoccupantes ». Il est allé plus loin en précise que « le ministère du Commerce ne permettra pas que des technologies américaines puissent aider à renforcer l’armée d’un adversaire de plus en plus belligérant ».
La société SMIC a été placée sur liste noire aux côtés de DJI, de l’AGCU Scientech, de la China National Scientific Instruments and Materials et du groupe Kuang-Chi. Selon l’administration Trump, toutes ces entreprises auraient « permis des violations des droits de l’homme à grande échelle ». Mike Pompeo, le secrétaire d’État sous l’administration Trump, avait ajouté que « les États-Unis utiliseront toutes les mesures disponibles, y compris des actions visant à empêcher les entreprises et institutions chinoises d’exploiter les biens et technologies américains à des fins malveillantes ».
De son côté, Pékin avait appelé les États-Unis à faire marche arrière. Wang Yi, le conseiller d’État chinois et ministre des Affaires étrangères, a demandé solennellement à Washington de mettre fin à cette « suppression arbitraire des entreprises chinoises ». Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a même ajouté : « Nous demandons instamment aux États-Unis de cesser leur comportement d’oppression injustifiée sur les sociétés étrangères et notamment sur la Chine. » En tout, 77 entreprises font partie de la liste noire, dont 60 sociétés chinoises.
Au cours de 2020, Donald Trump a donné l’impression de vouloir compliquer la tâche à Joe Biden, son successeur à la Maison Blanche, qui a pris officiellement la présidence des États-Unis le 20 janvier 2021. On se souvient notamment du conflit autour de l’application TikTok. Donald Trump aura tout tenté pour faire interdire l’application détenue par ByteDance. Finalement, l’entreprise a pu poursuivre ses négociations avec Oracle afin de finaliser une opération de rachat qui devrait permettre à TikTok de continuer d’exister aux États-Unis.
Sanctions symboliques
Pour sa part, la Chine a infligé des premières amendes à Alibaba et China Literature, une filiale de Tencent. Des sanctions symboliques pour avertir les autres géants du web. Le gouvernement chinois est-il sur la même ligne que les États-Unis ? Au mois de novembre 2020, le gouvernement chinois a annoncé vouloir s’attaquer au monopole de ses propres géants du numérique. Une prise de conscience du pouvoir grandissant des BATX et d’autres géants chinois dont Meituan, Pinduoduo, ou encore JD.com.
Selon la réglementation mise en place par le gouvernement chinois, les deux entreprises risquent de prendre une amende de 500 000 yuans, l’équivalent d’environ 70 000 dollars. Inutile de dire que c’est totalement dérisoire compte tenu du montant de leur chiffre d’affaires. Selon un porte-parole de l’Autorité de régulation des marchés, cette sanction est là pour tirer la sonnette d’alarme. L’idée est de montrer aux autres géants du secteur que le gouvernement chinois est bien décidé à faire respecter cette nouvelle réglementation. Sont concernées dans cette affaire, les prises de participation d’Alibaba dans le grand centre commercial chinois Intown et l’acquisition par China Literature du studio de cinéma New Classics Media. Si la Chine avait fait appliquer sa réglementation à la lettre, elle aurait pu demander une rupture totale, conformément aux lois antitrust votées récemment. Un porte-parole de China Literature a répondu à cette annonce en précisant : « Nous suivons strictement l’ordre réglementaire pour être parfaitement en règle avec les exigences de conformité et d’autorisation du gouvernement ».
Une autre enquête est actuellement en cours, il s’agit de la fusion entre deux géants du streaming en Chine : Huya et Douyu, tous les deux soutenus par Tencent. C’est bien la première fois que la Chine inflige des amendes à ses propres entreprises nationales. Le gouvernement chinois veut s’attaquer aux comportements monopolistiques des grandes entreprises du web qui ont, selon lui, trouvé des failles réglementaires. Les amendes risquent de n’être que le début des sanctions. Si on compare avec la situation aux États-Unis, les autorités ont décidé d’aller beaucoup plus loin avec les GAFA, notamment Google et Facebook. Pour la première fois de son histoire, Facebook a été inculpé pour abus de position dominante. La Federal Trade Commission avait annoncé le 9 décembre 2020 la mise en examen de Facebook. Une décision qui va dans le sens du Congrès américain qui milite depuis plusieurs mois pour un « démantèlement des plateformes dominantes ». Voilà ce qui attend peut-être les géants chinois.