Hydrocarbures : avec Aimé Sakombi Molendo, le secteur entame sa véritable mue

Du 6 au 9 juillet 2024, le tout nouveau ministre des Hydrocarbures a effectué une mission de terrain dans le Kongo-Central. Loin d’être un fait anodin, ce déplacement est plutôt le point de départ d’une nouvelle ère dans la continuité de sa vision du renouveau commencée avec succès au ministère des Affaires foncières. Il promet de faire du secteur du pétrole et du gaz un moteur de croissance économique et de développement durable du pays.

Aimé Sakombi Molendo, ministre des Hydrocarbures.

LE CHOIX du vocabulaire utilisé par le ministre des Hydrocarbures, Aimé Sakombi Molendo, est significatif du pacte qu’il veut sceller avec toutes les parties prenantes dans l’exploitation pétrolière et gazière en République démocratique du Congo/RDC.  Et sa politique pour les hydrocarbures, c’est à partir « de la réalité des faits » qu’il veut la construire. Pas besoin donc des études internationales pour cela, laisse entendre un de ses collaborateurs : « Que disent les opérateurs, les dirigeants politiques et les populations ? Ce que veut le ministre Sakombi, c’est mener une action fondée sur les ressentis. »

Le secteur du pétrole et du gaz en RDC, c’est par l’écoute et la décision qu’Aimé Sakombi Molendo compte le réformer. Surfant sur les peurs, sur les représentations passéistes et alarmantes, le ministre des Hydrocarbures déroule son discours. « La province du Kongo-Central est la première province productrice de pétrole brut. Plus de 50 % des produits pétroliers transitent par le Kongo-Central. Normal que je consacre ma toute première visite de terrain à cette province », confie le ministre Sakombi. Et de rappeler la nécessité, pour la RDC, d’exploiter, de manière « responsable et durable », ses ressources en hydrocarbures pour le bien-être des populations et des générations futures.

Sakombi Molendo semble faire sien l’adage politique français qui dit qu’un ministre ne vient pas au gouvernement pour barrer la route, mais pour ouvrir un chemin. Pour lui, ouvrir un chemin, c’est aller tout droit vers des actions et des réformes importantes mais solides. 

Pour autant, il annonce déjà, à l’issue de sa mission au Kongo-Central, le réarmement de la gestion du Fonds Moanda pour plus de transparence et de traçabilité de l’argent de l’État (Trésor public), ainsi que la création éventuelle d’un fonds dénommé « Fonds pétrolier », à l’initiative du gouverneur de Province, Grâce Bilolo. « J’ai trouvé son idée pertinente. Nous allons l’enrichir en mettant à contribution nos experts respectifs pour produire un schéma », déclare, sans trop en dire, le ministre Sakombi.

Aujourd’hui, l’exploitation minière ou pétrolière, c’est assumer que tout le monde – opérateur, État, population, environnement – en tire profit, progresse au même rythme… Le gouverneur du Kongo-Central a dit au ministre des Hydrocarbures qu’il souhaitait voir sa province être impliquée davantage dans l’exploitation pétrolière. On reproche souvent à l’État de méconnaître les droits dus à la province sur l’exploitation pétrolière au large de Moanda. La gestion de la « manne » pétrolière est l’un des rares points sur lesquels la classe politique Ne Kongo et la mouvance de la société civile sont d’accord. « J’ai rassuré le gouverneur que nous devons absolument travailler ensemble puisque c’est la seule province qui produit du pétrole jusque-là dans le pays », indique Sakombi Molendo.

Relever le niveau de production nationale du pétrole, c’est affirmer la souveraineté de l’État. Cela passe par un état des lieux sans complaisance des sites d’exploitation et de production. Partout où il est passé, le ministre des Hydrocarbures a échangé avec les responsables des sociétés de logistique et de production pétrolière, les organisations de la société civile/OSC et la population pour recueillir leurs desiderata.

À Matadi, par exemple, il s’est rendu d’abord aux installations de la Société pétrolière de stockage Ango-Ango/SPSA COBIL), puis aux terminaux d’Ango-Ango de Sep Congo et de Lerexcom Petroleum/LP. À l’étape de Boma, Sakombi Molendo a visité les installations de la société ORITRANS Logistics. À Moanda (ou Muanda), il est allé au poste frontalier d’Incat, où la contrebande se porte bien à cause de l’existence des dépôts clandestins, avant de visiter les installations de la Société congolaise des industries de raffinage/SOCIR S.A, de SURESTREAM, de PERENCO-REP et de la CCTM. Il devait clôturer sa mission par une réunion avec autour de la table des représentants de l’État, des élus, des pétroliers et de la société civile. Sans doute, question de sceller un pacte social.

« Le secteur du pétrole et du gaz en RDC, c’est par l’écoute et la décision qu’Aimé Sakombi Molendo compte le réformer. Surfant sur les peurs, sur les représentations passéistes et alarmantes, le ministre des Hydrocarbures déroule son discours. »

Innovation, transparence, développement durable, c’est par ces mots qui fondent sa philosophie d’action que Sakombi Molendo veut redynamiser le secteur des hydrocarbures pour le sortir de la zone des turbulences et lui donner ainsi une réalité concrète, c’est-à-dire un pilier sur lequel l’économie du pays peut compter.

Méthodique, le ministre des Hydrocarbures a sous le manteau une feuille de route ambitieuse : attirer les investissements étrangers, moderniser les infrastructures et mettre en place une gestion transparente des ressources. 

Sans verser dans la démesure, voire dans la démagogie, Aimé Sakombi Molendo s’est fixé un objectif de fin mandat : faire jouer à la RDC son rôle stratégique dans la région. Mission difficile, certes, au regard des pesanteurs mais pas impossible.

La réussite, c’est par une gestion transparente et responsable des revenus issus des hydrocarbures, insiste-t-il. Lui qui envisage déjà de mettre en place des mécanismes de suivi et de contrôle pour garantir que « les recettes seront utilisées de manière optimale en faveur du développement socioéconomique et non des particuliers ».

Comme mécanismes, il pense à des audits réguliers et indépendants des comptes du secteur pour renforcer la confiance des partenaires internationaux et des citoyens. « Pour gagner la confiance de ces derniers, nous devons leur montrer que chaque dollar généré est utilisé pour le bien-être de la nation », fait remarquer un des collaborateurs du ministre. Il en va de même pour l’impact environnemental des activités pétrolières. Le ministre des Hydrocarbures prévient que des études d’impact environnemental rigoureuses seront requises pour chaque nouveau projet, et des mesures de protection de la biodiversité marine et terrestre seront appliquées. Autant de défis immenses dont il mesure la portée mais tient quand même à les relever afin d’envisager avec optimisme l’avenir de ce secteur.

L’apport du secteur des hydrocarbures au budget de l’État est sujet à caution. Réarmer le secteur pour accroître les recettes, c’est désormais le leitmotiv du ministre Sakombi. C’est tout le sens qu’il donne au pacte social ou à l’entente cordiale avec les parties prenantes. Des mesures ou décisions s’imposent, il faudra les prendre, sans tabou.

La découverte de nouveaux gisements dans l’Océan Atlantique offre de nouvelles perspectives pour le pays. Dans certains milieux politiques, on réchauffe le vieux débat sur les retombées de l’exploitation minière et pétrolière. Ce débat porte essentiellement sur l’impact de la production des industries extractives sur les populations qui continuent de croupir dans la pauvreté. Combien rapporte réellement les hydrocarbures au Trésor public ? 

Pour rappel, la RDC est un pays à fort potentiel en hydrocarbures. Selon les experts, 85 % de ce potentiel national sont actuellement ni inexplorés ni inexploités. Presqu’un siècle après les premières explorations pétrolières, le pays ne produit actuellement qu’entre 20.000 et 25.000 barils de pétrole par jour et le secteur contribue qu’à environ 500 millions de dollars au budget de l’État.

« Innovation, transparence, développement durable, c’est par ces mots qui fondent sa philosophie d’action que Sakombi Molendo veut redynamiser le secteur des hydrocarbures pour le sortir de la zone des turbulences et lui donner ainsi une réalité concrète, c’est-à-dire un pilier sur lequel l’économie du pays peut compter. »

Doter d’abord le pays d’un cadre légal qui fixe les normes dans le secteur et adhérer à l’organisation africaine des producteurs de pétrole/APO, a été la première étape à franchir. Le pas a été fait avec la promulgation de la loi 15/012 du 1er août 2015. Le code des hydrocarbures fait obligation aux sociétés pétrolières et gazières de déclarer leurs recettes de production dans le Journal officiel ou dans un site officiel du gouvernement. Mais dans les faits, rien de tel. 

« Je veillerai personnellement au respect par les acteurs du secteur de la loi portant régime général des hydrocarbures et du règlement des hydrocarbures, socle de la bonne collaboration avec les pouvoirs publics », se veut rassurant Sakombi Molendo. Conscient que cela appelle à « renforcer les mesures d’application de la loi sur les hydrocarbures, simplifier les procédures administratives, mettre strictement en œuvre les recommandations des missions d’audit et promouvoir une bonne gouvernance ».

En juillet 2022, le prédécesseur du ministre Sakombi avait lancé 30 appels d’offre pour l’exploitation de 27 blocs pétroliers dans la forêt du bassin du Congo et trois blocs gaziers dans le lac Kivu. Selon les estimations du ministère des Hydrocarbures, l’exploitation de ce potentiel va produire environ 22 milliards de barils de pétrole et 66 milliards de m3 de gaz.

Nombre d’experts du domaine suggèrent au nouveau ministre des Hydrocarbures de surseoir à l’exécution de ces appels d’offre parce que, selon eux, ils ont été entachés d’irrégularités et de manque de transparence, et reprendre le processus selon les règles de l’art. 

Tout Moanda parle de la relance de la relance de la SOCIR S.A, une raffinerie de pétrole, laissée à l’abandon depuis son arrêt il y a plusieurs années. Les études de préfaisabilité ont été faites mais la décision politique de lancer un appel d’offres pour recruter une entreprise capable de relancer les activités tarde à venir.

Au ministère des Hydrocarbures, le nouveau ministre a reçu un accueil chaleureux. Les fonctionnaires et agents de l’État le cite parmi les bons ministres du gouvernement Sama pour avoir mené à bon port la réforme et la modernisation de l’administration des Affaires foncières. Il y a encore peu, personne n’aurait misé un penny sur cette administration légitimement classée dans le groupe de canards boiteux du gouvernement. En un temps record, Sakombi Molendo a su trouver les stratégies idoines pour ramener les cadres et agents de ce ministère aux fondamentaux de leur métier qui s’articulent autour de la gestion responsable de la terre congolaise, l’application équitable des us fonciers et la contribution honorable au budget de l’État.

Sa vision du renouveau suscite un vent nouveau qui gonfle les voiles de la gondole Hydrocarbures pour la pousser vers des rivages plus sûrs. Cadres et agents de son ministère attendent que son empathie lui permette de ramener la morale civique qui a déserté ce secteur et d’améliorer la paix sociale longtemps perturbée par des pratiques et décisions qui ont lésé l’État congolais. Jamais un sans deux.