A trois mois de l’échéance à l’adhésion effective des pays membre de cette organisation régionale, à la zone de libre échange, les avis restent partagés, quant aux intérêts à en tirer.
Pour le gouvernement congolais, l’option d’adhérer à la zone de libre échange du Marché commun pour l’Afrique orientale et australe (Comesa), d’ici la fin de l’année est levée. Lors du dernier Sommet de cette organisation, tenu à Kinshasa, en février dernier, les Chefs d’Etat et de gouvernement se sont accordés sur la pleine adhésion à cette zone, d’ici le 31 décembre 2014.
Cette zone soutient l’idée de la mise en œuvre effective de l’union douanière, pour « faciliter les échanges commerciaux » et « améliorer les conditions de vie des populations. »
La RDC, qui assure la présidence tournante de cette organisation régionale, se doit de prêcher par l’exemple, par rapport au respect de cette énième échéance.
C’est dans cette dynamique que le Secrétariat général du Comesa et la Direction générale des douanes et accises (Dgda) ont organisé, le mois dernier à Kinshasa, l’atelier national sur la transposition des instruments de l’union douanière du Comesa, au bénéfice des cadres de la Dgda, des institutions et organismes impliqués dans le commerce régional, de l’administration publique et de la Fédération des entreprises du Congo (Fec).
Deux tendances
C’est un secret de polichinelle. Le gouvernement congolais est bien décidé d’accélérer l’intégration du pays à cette zone de libre échange, qui consacre une douane à taux, soit zéro, soit très réduit et une tarification commune entre les Etats membres. Face à ce choix, deux tendances s’opposent, dans l’opinion. La première relève les avantages d’adhérer à une zone d’intérêt commun, dans un environnement économique qui s’internationalise, sans tenir compte des barrières nationales. La seconde, pessimiste, estime que, au niveau interne, la RDC ne dispose pas encore des piliers économiques efficaces, pour s’ouvrir dans une zone économique qui souvent, profite plus aux nations plus structurées et équipées. Elle juge de l’inopportunité de cette adhésion. Pour le ministre de l’Economie et Commerce, Jean-Paul Nemoyato, la RDC a beaucoup à gagner économiquement. Il voit des avantages douaniers, surtout pour les commerçants opérant dans l’Est de la RDC, dans les zones frontalières des pays membres du Comesa. Ces hommes d’affaires seront face à un espace économique élargi. « Les opérateurs économiques du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maniema et de la Province Orientale qui réalisent leurs importations et exportations via les pays de l’Est, vont bénéficier d’un certain nombre d’avantages douaniers, du fait d’un tarif extérieur commun appliqué à tous les pays [membres du Comesa]. Le coût de dédouanement des marchandises importées à travers cette région va naturellement baisser. Si le coût baisse, le prix de vente aux consommateurs va aussi baisser », expliquait-il la veille du sommet de Kinshasa. Selon lui, la RDC va également bénéficier d’un certain nombre d’infrastructures, grâce à un fonds commun mis en place.
Les préalables
Le point de vue du ministre sur les avantages douaniers dans cette zone n’est pas partagé par certains observateurs qui prédisent, cependant, un effet contraire. La douane congolaise est comptée parmi les plus grands pourvoyeurs d’un Etat qui tire près d’un tiers de ses recettes du commerce extérieur. Avec une grille tarifaire taillée à la mesure des intérêts de vingt pays membres du Comesa et une libre circulation des biens, il n’est pas évident que le secteur douanier congolais garde son statut de vache laitière de l’économie nationale. Du point de vue structures et infrastructures, socle de l’économie, la RDC reste encore à la traîne. Dans ce cas, elle est plus mal partie pour subir négativement cette intégration, au détriment d’autres nations. « En tant que vaste marché de 430 millions de consommateurs, le Comesa a lui-même une grande opportunité. La consommation est le moteur de la production, de la création des richesses. Il faut saisir cette opportunité, mais il ne faut pas la saisir dans n’importe quelle condition. Quand nous aurons organisé nos économies respectives, quand nous aurons assuré l’élargissement de nos marchés intérieurs respectifs, en ce moment là, nous irons les uns vers les autres avec le surplus de nos productions ou avec nos déficits de consommation », indique Michel Somwe, analyste économique. Il est de ceux qui soutiennent que le principal défi qui attend les Etats du Comesa est d’assurer, d’abord, l’intégration économique de leurs pays respectifs. Celle-ci suppose que « chaque nation organise en interne, au préalable, son secteur monétaire avant de venir en union ». « Pour conclure l’indépendance économique, les africains ont compris qu’ils doivent constituer un front commun. Le front commun est vide s’il n y a pas une intégration véritable, une sorte de fédération de nos intérêts respectifs », estime cet analyste. Comme lui, d’aucuns estiment que toutes les conditions économiques ne sont pas encore réunies pour que la RDC adhère à une union douanière qui profiterait aux pays plus industrialisés de la région comme le Kenya ou le Zimbabwe. La diversification de l’outil de production intérieur, particulièrement chez les moins performants, devrait donc être une condition nécessaire pour une intégration efficace.
Des rallonges
Précurseur de l’union douanière, cette zone de libre échange a été lancée en décembre 2008, au Zimbabwe. L’union douanière devait devenir effective en 2012. Cela qui n’a pas été le cas. Une rallonge de deux ans a été accordée aux Etats membres pour leur adhésion. Ce délai a expiré en juin dernier, sans que ces derniers ne soient prêts. L’échéance du 31 décembre 2014 a été arrêtée par les Chefs d’Etat et de gouvernement de la région, lors du dernier sommet à Kinshasa.