Un groupe d’experts indépendants a été mis en place, le 9 mars 2015, par les Nations unies pour évaluer « tous les aspects de l’action de l’OMS » face à l’épidémie Ebola. Entretemps, des malades guéris sont frappés par un énigmatique syndrome.
Ce groupe de sept experts, présidé par la Britannique Barbara Stocking, ancienne présidente d’Oxfam Grande-Bretagne, a rendu le 11 mai son rapport. Le retard et surtout les défaillances de l’OMS dans la gestion de l’épidémie y sont dénoncés. L’épidémie d’Ebola a fait plus de 11 000 morts en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia, les trois pays ouest-africains les plus touchés.
Le rapport pointe tout d’abord le retard à l’allumage de la machine OMS. L’organisation mondiale de la Santé a déclaré l’épidémie d’Ebola une « urgence de santé publique mondiale » seulement le 8 août alors que des avertissements précoces avaient été lancés depuis les mois de mai et juin. Le groupe d’experts ne comprend toujours pas pourquoi ces alertes n’ont pas abouti à une réponse adéquate et sérieuse.
Autre dysfonctionnement, et non des moindres, concerne la riposte internationale qui n’a pris de l’ampleur qu’en septembre, lorsque l’ensemble du système des Nations unies a réagi et qu’une autre structure, la Mission des Nations unies pour la lutte contre Ebola, a été créée. Ainsi, l’OMS n’a pas « cherché le soutien d’autres agences de l’ONU » et des ONG spécialisées dans l’humanitaire. Si cela avait été fait à un « stade précoce », cela aurait pu faire « éviter la crise » qui a conduit à la nécessité de la création de ces structures, indique le rapport.
Mise à l’index dans le rapport, l’OMS, dont les Etats-membres se réuniront en Assemblée générale annuelle le 18 mai, tente de faire bonne figure. « C’est nécessaire d’avoir un examen indépendant, mais le comité n’a pas encore eu le temps de faire les confrontations dans les pays touchés. Mais pour nous, c’est absolument nécessaire que ce rapport soit prêt avant l’assemblée mondiale de la Santé afin que les Etats membres puissent évaluer les conclusions et formuler des recommandations », a déclaré Harris Margaret, porte-parole de l’organisation.
En dehors des dénonciations, des accusations et des manquements, le document fait aussi des propositions concrètes. Il demande notamment de renforcer la capacité opérationnelle de l’OMS en mettant sur pied un fonds d’urgence ainsi qu’une force internationale d’intervention sanitaire qui pourrait être mobilisée immédiatement.
Il est également recommandé à l’organisation de mettre en place une équipe pluridisciplinaire qui serait déchargée de ses autres fonctions pour mieux répondre à l’urgence. Enfin, une structure de commandement claire et unique au sein de l’agence doit être créée le plus tôt possible.
Guéris d’Ebola mais frappés par un mal mystérieux
Alors que la pire épidémie d’Ebola qui ait jamais frappé l’Afrique de l’Ouest est en nette décroissance, indique Claire Arsenault, des malades en ayant réchappé sont maintenant victimes de problèmes de santé inexpliqués. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les services de santé enquêtent pour comprendre les effets à long terme du virus sur les survivants.
Alors que le pire semble derrière eux, les pays les plus touchés par l’épidémie d’Ebola qui sévit depuis fin 2013, sont à présent confrontés à un mal mystérieux qui frappe les patients guéris. En 16 mois, le virus a contaminé quelque 26 000 personnes selon le dernier bilan de l’OMS qu’elle estime elle-même sous-évalué. Plus de 10 800 personnes en sont mortes alors qu’un peu plus de 15 000 malades se sont heureusement rétablis.
Mais depuis plusieurs semaines, ces « miraculés » présentent des troubles qui affectent notamment les yeux. Certains souffrent d’une cécité totale ou partielle, d’autres ont des problèmes d’audition, des douleurs des articulations, des maux de tête… Ces effets secondaires attribués au virus peuvent être très handicapants assez en tout cas pour alerter l’OMS et les autorités sanitaires des pays touchés.
« Nous devons être conscients que des complications peuvent survenir » après un traitement contre la fièvre hémorragique, a reconnu la docteure Matchidiso Moeti, responsable de l’OMS pour l’Afrique. En réalité, ces troubles ont été signalés dès octobre 2014 à Kenema dans l’est de la Sierra Leone, un des trois pays les plus durement frappés avec le Liberia et la Guinée.
À Kenema, une responsable de l’OMS, Margaret Nanyonga, rapporte que des survivants d’Ebola souffrent de « troubles de la vision ». Parlant d’un « syndrome post-Ebola », elle estime même que la moitié des anciens malades rencontrent des problèmes de vision pouvant aller jusqu’à la cécité. Elle évoque elle aussi les douleurs articulaires ou musculaires ou encore des cas de fatigue extrême.
Manquements graves dans la communication
Devant ce constat, Margaret Nanyonga insiste : « Il nous faut comprendre pourquoi ces symptômes persistent et déterminer s’ils sont provoqués par le virus, par son traitement ou encore par les mesures de désinfection ». Alors qu’aujourd’hui de semblables effets secondaires apparaissent dans d’autres localités touchées par Ebola, les autorités sanitaires n’ont pas encore pu creuser la question tant leurs forces étaient entièrement mobilisées pour traiter les malades et tenter de juguler l’épidémie.
Les soignants qui ont pris en charge les milliers de patients d’Ebola ne baissent pas la garde tant l’afflux d’anciens malades souffrant de complications est important. Selon l’OMS, cela toucherait entre 30 % et peut-être jusqu’à 50 % des survivants, hommes, femmes et enfants confondus. Le recensement des cas est toujours en cours « afin de mieux connaître l’impact du virus et de son traitement sur les milliers de survivants ». Sachant que très peu de malades ont reçu des traitements encore expérimentaux, l’explication devra probablement être cherchée ailleurs.
Prise de court par l’ampleur et la vitesse de propagation de l’actuelle épidémie, l’OMS a reconnu récemment « des manquements graves dans la communication sur les risques et une confusion des rôles et des responsabilités ». Elle a promis des réformes qui devraient lui permettre de mieux faire face la prochaine fois.
D’ici là, dans les pays où a sévi Ebola on panse les plaies comme on peut. Les services de santé déjà démunis avant la crise sont maintenant exsangues. Une situation d’urgence qui a poussé l’Organisation non gouvernementale Oxfam à lancer un appel à la Banque mondiale à lever 1,7 milliard de dollars pour aider les pays affectés par Ebola à améliorer leurs infrastructures sanitaires.
« Cet argent est le minimum pour permettre à tous les habitants du Liberia, de Sierra Leone, de la Guinée et de Guinée-Bissau* d’accéder à des soins librement. Les gouvernements et les donateurs doivent revenir sur des années de négligence avec un plan d’investissement sur 10 ans pour développer un système de santé universel et s’assurer que ces pays pourront faire face à une nouvelle épidémie », expose Oxfam dans un communiqué.