AIMÉ SAKOMBI MOLENDO : « Aujourd’hui, j’estime que nous avons posé les jalons d’une restructuration de l’administration foncière, et surtout de sa modernisation »

Depuis son entrée en fonction, c’est la première fois que le ministre des Affaires foncières prend l’initiative de s’épancher dans un média. Pourtant, cet exercice se fait habituellement les 100 premiers jours ou après un an de la prise de fonction. Entretien à bâtons rompus.

Il a placé l'année 2022 sous le signe de la Tolérance zéro pour traquer les inciviques enclins encore dans les vielles habitudes.

Business et Finances : Pourquoi avoir attendu si longtemps ?                               

Aimé Sakombi Molendo : Effectivement, je ne suis pas le genre de personnes qui parlent trop pour ne rien dire. J’ai reçu d’innombrables sollicitations des médias qui voulaient absolument que je m’exprime, mais j’attendais de disposer de suffisamment d’éléments probants pour enfin présenter un bilan à mes compatriotes. Aujourd’hui, j’estime que nous avons posé les jalons d’une restructuration de l’administration foncière, et surtout de sa modernisation. Sans verser dans une satisfaction béate, je me sens fier du travail réalisé et j’ai jugé que le moment était venu de rencontrer les questionnements de mes compatriotes. 

BEF : Deux ans et demi après, comment jugez-vous globalement votre action ?

ASM : Sans ambages, je dirai que ce bilan est positif. Certes les facteurs exogènes, comme la pandémie de Covid-19, ont eu un effet ralentisseur qui nous a été préjudiciable ; mais je considère que, malgré cela, nous avons réalisé de belles avancées en termes de mobilisation des recettes et des réformes qui   augurent des jours heureux pour notre administration.              

BEF : Quel était l’état des lieux de l’administration foncière à votre arrivée ?

Il fallait voir l’état du bâtiment qui abrite le cabinet du ministre ! Et le personnel était totalement démotivé, plus enclin à privilégier ses intérêts plutôt que ceux de l’État ! Le taux de recouvrement des recettes était largement en-déca des assignations, tandis que les pratiques déplorables de superpositions de titres étaient devenues la norme, sans compter d’autres pratiques inacceptables comme celle des biens dits « sans maître ». 

ASM : Il n’est un secret pour personne que l’administration foncière de notre pays a toujours eu une image déplorable. Les nombreux conflits qui engorgent les cours et tribunaux en sont la preuve la plus éloquente. Je savais donc que ce secteur était malade, mais malgré le fait que c’était un partenaire que je fréquentais régulièrement dans le cadre de mes activités professionnelles, j’étais loin de m’imaginer à quel point les Affaires foncières étaient malades ! 

Du point de vue administratif, il y avait toutes ces nouvelles unités sans affectation, les circonscriptions qui étaient parfois très éloignées de leurs administrés, la carence d’imprimés de valeur pour canaliser les paiements vers les caisses du Trésor public, le manque de logements pour la majorité de circonscriptions qui étaient soit locataires, ou squatteurs chez des particuliers… Bref, une administration vraiment malade.  

BEF : Vos prédécesseurs avaient pratiquement, tous, procéder à des nouvelles mises en place des cadres de l’administration foncière à leur entrée en fonction, pourquoi avez-vous choisi de ne pas le faire ?

ASM : Je ne vois pas les choses de la même façon. Comme je l’avais dit dans une de mes allocutions, je ne suis pas arrivé au ministère avec un wagon de conservateurs, de chefs de mission du cadastre ou de chefs de bureaux. De nature, je fais confiance aux gens ; et j’estime que souvent c’est l’environnement qui corrompt les hommes. C’est pourquoi j’avais résolu de donner sa chance à chacun, et de juger chacun selon son mérite. 

BEF : Vous reconnaissez que cette administration était réprimandable, alors comment avez-vous fait pour atteindre des résultats satisfaisants avec cette même équipe ?

ASM : C’est ce que je viens de vous dire. Je me suis attelé à assainir l’environnement pour enlever aux agents tout prétexte de mauvaise conduite. En même temps, j’ai instauré des mécanismes de contrôle suffisamment rodés pour dissuader les récalcitrants à tenter le diable. L’Acte d’engagement signé librement par tous les conservateurs des titres immobiliers et les chefs de division du cadastre a permis de placer ces responsables face à leurs consciences pour les pousser à faire, en toutes circonstances, le bon choix et à se montrer modèles.

D’autres mesures comme l’affichage obligatoire des tarifs des différents services, le mécanisme de la sanction positive et la sensibilisation ont permis de changer sensiblement les mentalités, et de transformer les Affaires foncières en une administration plus responsable.  

BEF : Lors de votre première allocution comme ministre, vous avez déclaré qu’avec vous, les Affaires foncières allaient entrer dans l’ère du renouveau. Qu’est-ce que ça voulait dire ?

ASM : C’était l’expression de ma volonté de faire des Affaires foncières une administration modèle ; ce qui supposait changer la mentalité du personnel, améliorer exponentiellement sa contribution au budget de l’État, et la propulser dans l’ère de la modernité. Cela évoquait aussi une détermination d’imposer une forme de morale foncière. C’est ce que j’ai voulu exprimer en prenant comme première mesure la suspension du concept des « Biens sans maître »

BEF : C’est bien d’organiser des séminaires et des ateliers, mais qu’en est-il des outils de travail ? On a l’impression que les Circonscriptions vivent encore à l’état primaire ?

ASM : Vous faites bien d’évoquer cet aspect des choses, et j’admire votre perspicacité. La modernisation passe absolument par l’acquisition d’équipements informatiques et numériques. C’est le cas d’ordinateurs, de drones et autres outils de mesurage… Mais il se pose des sérieux problèmes de sécurité pour ce matériel. La plupart des circonscriptions sont logées dans des conditions précaires qui ne garantissent pas cette sécurité ; sans compter les difficultés d’approvisionnement en énergie électrique. Mais comme on dit, Rome n’a pas été construite en un jour, nous allons procéder de façon méthodique selon les priorités ; et progressivement, nous réussirons à résoudre cette équation.

BEF : Justement, comment expliquez-vous que la plupart des Circonscriptions soient locataires alors que ce sont-elles qui distribuent les terrains ?

ASM : Les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés, dit-on. Cette réalité se vérifie malheureusement chez nous. C’est une situation dont nous avons hérité, et qui nous dérange. Pour des raisons évidentes liées au nouvel élan pris par les Affaires foncières et surtout à la projection qui cadre avec la vision du Chef de l’État portée par le gouvernement, de faire de ce ministère un des piliers de notre développement, nous sommes obligés de trouver des solutions définitives à ce problème. Le projet « Nkolo Mabele, Nkolo Lopango » qui ambitionne de doter chaque circonscription foncière d’un terrain et de bâtiments adaptés est une de nos priorités. 

BEF : Vous avez réussi à décrocher l’agrément pour l’École du cadastre, quelle est la vocation de cette école, et que prévoyez-vous pour son avenir ?

ASM : Effectivement, l’École du cadastre est l’alma mater, la matrice créée pour former les agents du cadastre, ne disposait d’aucun agrément pouvant octroyer à son diplôme une valeur en termes d’équivalence avec d’autres établissements académiques du pays. Je ne parle même pas de sa gestion et de son entretien qui étaient des plus déplorables ! 

Dans la nouvelle vision qui anime mon équipe et moi-même, cette structure est appelée à jouer un rôle primordial. Je compte m’appuyer sur elle pour le renouvellement des unités, mais aussi pour la mise à jour des connaissances de ceux qui sont actifs au sein du Cadastre foncier. Pour ce faire, une commission sera prochainement mise en place pour repenser le programme d’enseignement dispensé dans cet établissement. Il va sans dire que celui-ci devra s’adapter aux réalités technologiques d’aujourd’hui, ainsi qu’à l’évolution des lois et règlements fonciers.

BEF : Comment se porte l’administration foncière aujourd’hui ?

ASM : Il serait prétentieux d’affirmer que tout est rose aux Affaires foncières, mais indéniablement les choses vont mieux qu’hier. Les faits démontrent que nous faisons de notre mieux pour imposer le changement. Les brebis galeuses existent partout, et il y en a encore dans nos rangs. C’est pourquoi nous avons placé cette année sous le signe de la Tolérance zéro. Nous sommes déterminés à intensifier la traque de tous les inciviques qui perpétuent les vieilles habitudes.

A contrario, en vertu du principe de la sanction positive, nous avons créé avec mon collègue des Finances, un Prix dénommé « Trophée Mabele » qui récompense les circonscriptions les plus performantes en termes de mobilisation des recettes. Nous sommes persuadés que cette distinction agira comme un levier pour stimuler l’excellence, et modifier positivement notre productivité.

Je vous ai dit tout ce qui a été fait pour remobiliser le personnel. Nous avons mis en place des stratégies novatrices pour juguler le coulage et améliorer sensiblement le niveau de recouvrement des recettes. Les séminaires de renforcement des capacités des cadres et agents sont en cours d’organisation pour une mise à jour des connaissances en phase avec les réformes et les objectifs de maximisation des recettes et de changement des mentalités. 

Après le séminaire-atelier de Lubumbashi qui avait réuni tous les cadres fonciers de l’espace Grand Katanga, nous avons fait de même au Kongo-Central, et à Goma pour les deux provinces du Kivu. Et la caravane foncière est en route pour Kisangani où seront bientôt réunis les cadres et agents de l’ancien espace Oriental. 

Pour rapprocher l’administration des administrés, j’ai créé des nouvelles circonscriptions foncières dans les provinces de Kinshasa, du Haut-Katanga, du Maniema, du Nord et du Sud-Kivu, du Kwilu et du Kongo-Central. Pour une image positive de mon ministère, j’ai entrepris de rénover les bureaux abritant le cabinet du ministre, et les dispositions sont en cours pour doter chaque circonscription d’un terrain et de locaux propres. Et enfin, les grandes réformes promises sont effectives. 

BEF : À propos, vous avez déclaré vous-même que l’année 2021 était celles des réformes. Quels sont les objectifs visés par celles-ci ? 

ASM : Les réformes entreprises visent essentiellement la modernisation de notre administration avec comme effets la maximisation des recettes, l’amélioration du climat des affaires et la sécurisation des assujettis. Pour votre information, nous avons trouvé la contribution des Affaires foncières au Trésor public à 0,3 %, alors qu’à nos portes, certains de nos voisins émargent à plus de 10 %. Notre pari est donc de multiplier de façon exponentielle cet apport pour faire de l’administration foncière congolaise un acteur important du développement de notre pays. Concernant le climat des affaires, notre objectif était de diminuer considérablement les délais de traitement des dossiers à caractère commercial. Enfin, grâce aux mécanismes mis en place par les réformes, tous les assujettis seront sécurisés ; ce qui permettra de réduire drastiquement le flux de conflits fonciers qui engorgent, aujourd’hui encore, les cours et tribunaux de notre pays.  

BEF : La maximisation des recettes est un leitmotiv du gouvernement. Dès votre arrivée, vous avez marqué les esprits avec ce record de dépassement de 147 % des assignations au dernier trimestre 2019. Comment avez-vous réussi cette gageure ?

ASM : C’est la combinaison d’une détermination farouche et des stratégies subtiles qui a permis ce succès. J’ajouterai aussi la pression exercée sur le personnel à travers des missions de contrôle répétées. Je voulais marquer les esprits, administrer un électrochoc à cette administration moribonde, la secouer pour tirer d’elle le meilleur et imprimer dès les premiers jours une dynamique nouvelle. Et c’est ce qui a été fait. 

BEF : Débuté en fanfare, 2020 a connu un arrêt avec le Covid-19. Comment avez-vous vécu cela ?

ASM : L’apparition de la pandémie à coronavirus à la mi-mars 2020 a considérablement chamboulé nos prévisions et notre action. L’adaptation aux mesures barrières et le confinement ont eu, comme pour tout le monde, des réactions en chaîne qui ont été très difficiles à gérer. Surfant sur le succès de fin 2019, nous avions pris toutes les dispositions pour maintenir le cap, et faire mieux en 2020. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nous avons redéfini notre stratégie pour limiter les dégâts d’une part ; et de l’autre, réfléchir sur les grandes réformes sensées propulser les Affaires foncières dans l’ère de la modernité.

BEF : Malgré ce verrou sanitaire, on vous a vu sur terrain dans les Kivu et au Kongo-Central ; quel était l’objectif ?

ASM : Ces missions de service procédaient d’un planning défini en fonction des priorités. Je tenais personnellement à faire le terrain pour remobiliser les troupes foncières, leur expliquer de vive voix ma vision et les stimuler à privilégier la maximisation des recettes. Ces missions étaient aussi des opportunités pour expliquer le basculement vers la dématérialisation des dossiers et des paiements, la numérisation du cadastre… Comme le Haut-Katanga et le Lualaba, les deux Kivu et le Kongo-Central figurent parmi les provinces qui réalisent le plus de recettes foncières et immobilières ; c’est ce qui justifie la priorité leur accordée.

ASM : La dématérialisation des dossiers et des paiements était une de nos priorités parce qu’elle permet de limiter au maximum les contacts humains qui sont à la base des arrangements faits le plus souvent en défaveur de l’État. C’est ainsi que nous avions défendu en Conseil des ministres le projet sur la bancarisation de toutes les opérations foncières et immobilières d’un montant égal ou supérieur à l’équivalent en francs congolais de 10 000 dollars. Aujourd’hui, avec mon collègue des Finances Nicolas Kazadi Kadima, nous avons signé un arrêté interministériel qui impose le respect strict de cette disposition par tous.Dans le même registre, nous avons également proposé et acquis le relèvement des parts proportionnelles sur les opérations d’inscription, réinscription et radiation hypothécaires qui sont passées respectivement à 1 %, 1 % et 0,5 %. Mieux, pour encadrer le flux généré par ces droits, nous avons défendu et obtenu l’ouverture d’un Compte centralisateur dédié à ces fonds…

BEF : Quelles sont ces réformes et quel sera leur impact sur la maximisation des recettes ?

Nous avons lancé la campagne de titrement des biens du domaine privé de l’État pour éradiquer définitivement la pratique dite des « Biens sans maître » qui a favorisé la spoliation des biens de l’État. À ce jour, nous avons délivré 429 certificats d’enregistrements et 215 contrats aux entreprises comme la Gécamines, la Congolaise des Voies Maritimes, la Sonahydroc, la SNEL, la SONAL, les Lignes Maritimes Congolaises, Kisenge Manganèse, la Caisse d’épargne du Congo… Et ce n’est qu’un début ! Cette étape sera suivie de la campagne de conversion des titres qui permettra à chaque détenteur d’une parcelle de bénéficier de documents numérisés, avec comme conséquence la fin de la tricherie qu’était la superposition des titres. 

BEF : Avec ces différentes réformes, à combien estimez-vous l’augmentation des recettes générées par votre ministère ?

ASM : Dans un premier temps, on peut évaluer une progression des recouvrements de l’ordre de 25 % à 30 % la première année. Puis, cela va augmenter exponentiellement au fil du temps, particulièrement après la numérisation du cadastre qui va permettre de déterminer avec exactitude le nombre de parcelles sur toute l’étendue du pays. Au finish, notre objectif est de porter à 10 % la contribution des Affaires foncières à l’assiette fiscale publique.

BEF : On note également un cheminement avec l’ANAPI concrétisé par la création de la Cellule de traitement des dossiers à caractère commercial. De quoi s’agit-il exactement ?

ASM : En effet, dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires, le Doing Business, nous avons conclu un partenariat avec l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI) en mettant en place une cellule formée pour accélérer les mécanismes de traitement des dossiers à caractère commercial. À ce sujet, nous avons organisé un atelier de formation de tous les agents de cette cellule pour leur donner les outils techniques nécessaires à la réalisation de cet objectif. Dorénavant, les investisseurs ne se plaindront plus de la lenteur administrative causée par les services des Affaires foncières. Au contraire, ils seront servis en priorité, et avec le plus grand dévouement.

BEF : Vous encouragez la création de l’Ordre national des géomètres, que va-t-il comprendre et quel impact va-t-il avoir sur la maximisation des recettes ?

ASM : À l’instar des avocats ou des médecins, il était important que les géomètres disposent d’un cadre contraignant capable de les sanctionner en cas d’abus. Vous êtes sans ignorer que le cadastre foncier travaille avec des géomètres lorsqu’il faut créer des lotissements. Ces spécialistes s’occupent de déterminer les limites de chaque parcelle ou concession foncière, mais il appert que la plupart de ces géomètres se permettaient de relever des données fausses pour avantager certains acquéreurs de terre, quand ils ne rognaient pas carrément sur les terrains d’autrui. Ces faits graves sont parmi les causes de la multiplication des conflits fonciers qui engorgent les cours et tribunaux congolais, et menacent sérieusement la paix sociale.

Pour mettre fin à ce désordre, il m’a paru impérieux d’encourager l’organisation de ce corps de métier. Dorénavant, tout géomètre qui trempera dans des combines douteuses, s’expose à la sanction de ses pairs. Il va de soi que nous comptons énormément sur cette nouvelle structure pour diminuer sensiblement les conflits, mais aussi permettre à l’État de rentrer dans ses droits en récupérant tous les espaces frauduleusement attribués. La campagne de numérisation du cadastre permettra de régler cette question.

BEF : Vous avez fait la même démarche pour réunir les experts immobiliers. En quoi cette structure va-t-elle impacter le rendement au niveau des Affaires foncières ?

ASM : Les bénéfices sont nombreux. D’abord, il faut retenir que la mise en place de la Chambre d’experts immobiliers se fait concomitamment avec la mise à jour de la Mercuriale des valeurs immobilières en République démocratique du Congo.

L’objectif de toutes ces structures est d’évaluer et de déterminer la valeur des biens fonciers et immobiliers sur toute l’étendue de notre pays. Ce qui facilitera les transactions et permettra à l’État de mieux encadrer ses recettes fiscales en cette matière.

Dorénavant, l’expertise immobilière est un préalable incontournable pour toute transaction foncière ou immobilière dont la valeur vénale est égale ou supérieure à l’équivalent en francs congolais de 10 000 dollars. Cette exigence va définitivement mettre fin à la pratique de minoration des prix qui occasionnait un coulage important des recettes sur ces opérations. Aujourd’hui, l’État est sûr de récupérer ce qui lui est dû, avec comme conséquence directe une augmentation exponentielle des recettes.  

BEF : Est-ce que ces réformes ont commencé à produire des résultats ?

ASM : Effectivement ! On a noté une tendance haussière des recouvrements sur l’ensemble des circonscriptions pour l’exercice 2021, avec une mention spéciale à Lubumbashi-Est, Gombe et Limete qui ont respectivement dépassé leurs assignations de 235 %, 207 % et 143 %. 

Cette tendance se confirme avec les chiffres consolidés Affaires foncières-DGRAD (Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations, ndlr) du mois de janvier 2022 sur la ville de Kinshasa qui marquent une augmentation de 243 %. Nous sommes convaincus que ces résultats seront accélérés avec la signature, par le 1ER Ministre, du décret relatif au Document de Politique nationale foncière.

BEF : C’est quoi justement le Document de Politique nationale foncière ? 

ASM : Le DPFN est la première phase du processus de la réforme foncière engagée depuis 2012 en vue de doter la RDC de nouveaux instruments d’administration de la terre, en phase avec les réalités et les enjeux actuels. Il est le fruit d’un large consensus entre les experts de la Commission nationale de la réforme foncière (CONAREF) et les différentes forces vives de la société autour des principes devant guider dorénavant la gestion du sol congolais. Ce document, sorti du grand atelier de validation organisé en novembre 2021 au Pullman Hotel de Kinshasa, a été ensuite adopté par le Comité de pilotage de la réforme foncière et le gouvernement où je l’ai défendu avec succès lors de 49è réunion du Conseil des ministres. 

Partant du principe selon lequel « le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’État », il définit les nouvelles orientations qui garantissent, entre autres, l’amélioration de la sécurité juridique des droits fonciers et immobiliers, le renforcement de la sécurisation de la tenure foncière coutumière collective et individuelle, la décentralisation de la gouvernance foncière, la mise en place des mécanismes de collaboration et de coordination intersectoriels, la rationalisation du régime fiscal, le renforcement du régime de protection des terres.  Pour la première fois, depuis 50 ans, la RDC peut s’enorgueillir de disposer d’une balise qui oriente et régit l’administration de sa terre. Cet acquis ouvre la voie à l’étape suivante de la réforme qui est la proposition de la nouvelle loi foncière…

BEF : On ne peut pas terminer cet entretien sans vous poser la question de la Baie de Ngaliema, car vous êtes sans ignorer qu’il y a controverse autour de cet emplacement. Qu’en est-il exactement ?

ASM : Avant tout, je dois relever le fait que cet espace du littoral de la baie de Ngaliema est une zone inconstructible qui nécessite des études spécifiques très coûteuses avant sa mise en valeur. Vous remarquerez que, depuis l’indépendance, cet endroit n’a jamais été officiellement loti. En mai 2018, le gouvernement avait discuté et adopté, en Conseil des ministres, le projet d’aménagement de La Corniche de Kinshasa pour y ériger une cité moderne avec création de plusieurs milliers d’emplois et un impact touristique largement profitable à la capitale congolaise. Je n’étais pas encore ministre. 

Selon le principe de la continuité de l’État, j’ai hérité de ce dossier. Cet espace étant l’objet d’une occupation anarchique, il était question d’examiner les documents parcellaires détenus par ces occupants pour déterminer leur authenticité ; et le cas échéant, calculer les montants des indemnisations en vue d’une expropriation pour raison d’intérêt public, conformément à la loi en vigueur dans notre pays. 

Nous avons, mon collègue de l’Urbanisme et de l’Habitat et moi-même, enjoint les occupants d’arrêter les travaux de construction sur ce site. Mais à notre grand étonnement, ceux-ci font la sourde oreille et accélèrent les constructions nuitamment pour placer le gouvernement devant un fait accompli. Ce qui est intolérable ! La force restant toujours à la loi, il a donc été décidé de démolir toutes les constructions érigées sur ce site de la Baie de Ngaliema. Le Gouverneur de la ville est chargé de l’application de cette décision. Voilà les faits !  

BEF : Un mot pour terminer ?

ASM : Je profite de cette tribune pour réitérer ma détermination de lutter pour l’éradication de toutes les antivaleurs dans l’administration foncière. Loin d’être un slogan, la Tolérance zéro est un engagement qui doit déboucher sur un changement radical des mentalités, et des résultats dignes d’un grand pays comme le nôtre. Nous allons enrichir le contenu du trophée Mabele, pour générer une émulation encore plus grande dans toutes les circonscriptions foncières afin de faire exploser les recettes. 

Je suis un adepte de la Christo politique qui est l’exercice de la politique par des hommes qui craignent Dieu. Au risque de me faire prendre pour un naïf, ce que je ne suis vraiment pas, je n’arrête pas de dire à mes agents qu’en trichant dans leur travail, en lésant volontairement des pauvres assujettis pour des intérêts égoïstes, ils s’exposent eux-mêmes, mais aussi leurs familles, à la colère de Dieu ; car tout se paie ici-bas !

Dans l’exercice de mon travail, je fais de mon mieux pour être juste, respecter les droits de chacun et agir selon ma conscience. C’est pourquoi je ne prête pas le flanc à toutes les provocations stériles qui sont déversées dans certains médias ou sur les réseaux sociaux parce que j’ai ma conscience tranquille.

Avec toutes les réformes engagées, et la numérisation du Cadastre à venir, nous allons certainement donner le contenu qu’il faut à la vision du Chef de l’État, le Président Felix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, relayée par le gouvernement à travers son programme, qui fait du foncier l’un des piliers du développement de la RDC.