LA COMPAGNIE aérienne française prévoit la suppression de 6 560 emplois sur 41 000 (CDI équivalents temps plein) en son sein et 1 020 postes sur 2 420 chez Hop !, sa filiale. C’est la décision qui est sortie des réunions avec les représentants du personnel des deux compagnies. Air France a pourtant bénéficié d’un plan d’aide de l’État de 7 milliards d’euros, dont 4 milliards de prêts bancaires garantis à 90 % par l’État et 3 milliards de prêts directs de l’État, avec en contrepartie des engagements sur l’amélioration de sa rentabilité et de la politique du groupe sur le plan environnemental.
Une centaine de salariés et sous-traitants manifestaient la semaine dernière devant le siège social de la compagnie aérienne à Roissy-en-France pour dénoncer le plan social actuellement présenté aux représentants du personnel. La compagnie a fait savoir aux syndicats qu’elle comptait supprimer près de 7 500 emplois d’ici 2022, soit plus de 16 % de ses effectifs. Les détails de ce plan social devaient être officiellement présentés aux salariés le vendredi 3 juillet.
Les syndicats en colère
La CGT Air France est « très en colère ». « Nous sommes très en colère parce que nous considérons que les 7 milliards qui sont attribués à la direction d’Air France doivent servir à garder les emplois. Or cet argent va servir à licencier des salariés. Le gouvernement a annoncé en mai qu’il débloquerait 7 milliards d’euros pour venir en aide à l’entreprise », a déclaré Karine Monségu, le co-secrétaire générale du syndicat CGT Air France. Et elle poursuit : « La CGT s’oppose catégoriquement à toute suppression de postes et je rappelle qu’une suppression d’emploi chez Air France induit entre trois et cinq suppressions d’emploi au niveau de la sous-traitance. Donc c’est un véritable cataclysme. »
Devant le siège social de la compagnie, les salariés ont laissé éclater leur colère, gilets sur le dos, drapeaux en main et pancartes accrochées aux grilles sur lesquelles on pouvait lire : « Casse sociale de l’oncle Ben, non merci. » Un peu plus de la moitié des suppressions de postes pourraient être absorbées par les départs à la retraite prévus pour les trois prochaines années, selon un document de travail envoyé aux syndicats en amont de la réunion.
C’est fait. La filiale régionale d’Air France Hop! va supprimer plus de 1 000 emplois. Des salariés de la filiale régionale d’Air France se sont rassemblés le vendredi 3 juillet à Morlaix, site que la compagnie compte fermer, et devant le siège à Nantes où se déroulait une réunion lors de laquelle la direction a confirmé la suppression d’un millier d’emplois.
La suppression des effectifs dans cette filiale, née en 2013 de la fusion des compagnies Brit Air, Régional et Airlinair, va toucher 40 % des quelque 2 400 emplois. Plusieurs dizaines de représentants du personnel venus de toute la France étaient présents depuis l’aube devant le siège social nantais dont le portail a été cadenassé dans la nuit pour bloquer l’accès au bâtiment.
« Disparition programmée »
Un comité social et économique (CSE) extraordinaire s’y est tenu pendant moins de deux heures mais plusieurs cadres n’ont pu y accéder en raison du portail cadenassé et d’un feu de palette et de pneus allumés par la petite cinquantaine de représentants de salariés venus de toute la France.
Un seul représentant des salariés, Joël Rondel, le secrétaire du CSE (CGT), est entré pour participer à la réunion. Les autres représentants du personnel ont décidé unanimement de ne pas participer à cette réunion lors de laquelle la compagnie a détaillé son plan, afin de protester contre la « disparition programmée » de la compagnie.
« Aujourd’hui, on dénonce les 1 022 suppressions d’emploi, on dénonce l’arrêt de certaines lignes, on dénonce le transfert d’activité de notre périmètre vers Transavia » (compagnie low-cost), a expliqué Joël Rondel. Parmi ces postes supprimés, 328 concernent les pilotes (PNT), 286 le personnel navigant commercial (stewarts et hôtesses), 291 sont les personnes à la maintenance et 119 sont des employés des services supports administratifs.
Deux fermetures de sites sont prévues : celui de Morlaix et celui de Lille. Emelyne Fronteau, pilote Hop! et présidente du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) de la compagnie affirme ne rien avoir appris de plus à l’issue du CSE. Selon l’AFP, à Morlaix, où 300 emplois sont menacés avec la fermeture du site, quelque 150 à 200 personnes s’étaient rassemblées devant le site Hop! alors que se tenait le CSE à Nantes. « Le site de Morlaix a toutes les capacités pour poursuivre. Le sentiment, là, c’est de la colère », a déclaré Valérie Scattolin, élue au CSE UNSA et coordinatrice hygiène sécurité environnement sur le site de Morlaix, depuis 23 ans au sein de la filiale. « C’est incompréhensible, on ne peut pas comprendre les arguments exposés », explique-t-elle.
Matthieu Jolivet, contrôleur production sur le site maintenance de Morlaix, depuis 20 ans dans l’entreprise, a confirmé les propos de Valérie Scattolin.
« On trouve ça inacceptable, du fait qu’aujourd’hui l’activité est réelle, pour preuve, dans le hangar il y a deux avions en maintenance, d’autres avions sont prévus derrière. Même si aujourd’hui il y a une crise nationale, économique, et une réflexion sur l’écologie, je pense clairement que l’aviation a un futur, et forcément la maintenance aussi… », a indiqué Matthieu Jolivet.