Brouille entre la RVA et le Renatelsat

Pour garantir la bonne navigabilité dans l’espace aérien national, la Régie des voies aériennes s’est dotée d’équipements propres. Ce qui n’est pas sans soulever le mécontentement des agents du Réseau national de télécommunications par satellite.

L’affaire est ombrageuse à l’image de la gestion de deux entités. Difficile d’avoir le réel montant de ce que paie la Régie des voies aériennes (RVA) au Réseau national de télécommunications par satellite (RENATELSAT). Sinon que l’on en est encore à la guerre des tranchées entre les deux services publics, en attendant une probable médiation du ministère de tutelle, celui du Portefeuille. De quoi s’agit-il en fait ? Afin de s’assurer de la bonne navigabilité dans l’espace aérien congolais, la RVA recourait quotidiennement aux services de RENATELSAT, mais aussi du METELSAT pour ce qui est des données météos du pays. La RVA était ainsi une source de revenus pour ces deux établissements publics. Maintenant que la RVA s’est dotée de ses propres instruments de contrôle de la navigation aérienne, le RENATELSAT est comme sans ressources.

La raison du plus fort 

Tout ou presque oppose désormais la RVA au RENATELSAT. La  RVA est à la fois entreprise du Portefeuille de l’État et compte spécial. Ici, les dirigeants – pour reprendre l’expression d’une ancienne ministre du Portefeuille – « font tout à leur tête ». Tandis qu’au RENATELSAT, l’on « vivote des aumônes » avec des arriérés des salaires en termes d’années dans l’arrière-pays. La RVA contribue au budget de l’État. Elle a versé au Trésor public via la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation (DGRAD) 23,2 millions de francs en 2016, à titre de recettes de participation,  et a des assignations de 431.1 millions de francs pour l’exercice 2017.

En tant que compte spécial, la RVA gère les recettes du Go-Pass. Elle collecte et consomme à son gré… en fait, selon ses besoins. Pour 2017, ses prévisions sont de 31,1 milliard de francs. La RVA a mis un terme à sa réforme initiée par le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP), en refusant de céder de nouveau les postes-clés aux experts en gestion de la firme française ADPI. Son directeur général, Abdallah Bilenge, s’est opposé, en se servant du banc syndical comme bouclier, aux ukases de la ministre du Portefeuille de l’époque, Louise Munga. Aucune sanction n’est venue. Qu’il est ainsi difficile d’imaginer une démarche, soit-elle de l’autorité administrative de tutelle, pour ramener la RVA au statu quo ante avec le RENATELSAT !

La transformation du RENATELSAT d’entreprise publique en service public par le COPIREP n’a fait qu’amenuiser sa rentabilité, et donc sa viabilité. Elle a apporté plus de misère que de pistes de solutions de redressement. Le gouvernement Tshibala s’est engagé à verser à ce service public une subvention de 828.765.408 francs. Placé sous la tutelle du ministère des Médias et de la Communication, le RENATELSAT devra également bénéficier, en 2017, en compagnie des médias publics, Radio Télévision nationale congolaise (RTNC) et Agence congolaise de presse (ACP), d’un appui de 755.275.885 francs. Ces financements ne sont que cautère sur jambe de bois. Ce dont le RENATELSAT a besoin, selon des experts maison, c’est d’une bonne dizaine de millions de dollars pour améliorer au niveau des standards mondiaux ses prestations. L’essor financier du RENATELSAT a longtemps été lié à un ambitieux projet des télécommunications qui, hélas, selon toute vraisemblance, a été expédiée dans la corbeille du COPIREP.

Dans sa politique de résilience de l’économie de la République démocratique du Congo, l’État avait, en effet, en février 2007, levé l’option de créer un réseau GSM ayant pour vocation de mettre en œuvre le service universel à travers des projets de couverture du monde rural. Pour des raisons non expliquées, ce projet a été abandonné par l’État, son initiateur. Un expert-maison contacté par nous, en marge de la cérémonie de remise et reprise au ministère des Poste, Télécommunications et Nouvelles technologies de l’information et de la communication (PT&NTIC) ,suite à l’avènement du gouvernement Badibanga, a laissé entendre que « ce sont plutôt les pressions des compagnies privées, tenant à se déployer dans l’arrière-pays, qui ont fait capoter le projet ».

Service universel

Pourtant, ce projet était déjà entré dans sa phase de recherche de financements. Le RENATELSAT s’était engagé à participer à hauteur de 30 % au capital de RURATEL. Cet expert fait comprendre que des intérêts particuliers se sont toujours opposés à l’opérationnalité d’un service GSM public en RDC. Du temps de la transition politique 1+4, rappelle-t-il, les fréquences de l’Office congolais des poste et télécommunications (OCPT), étaient cédées à des privés pour empêcher la mise en fonctionnement de CELCO, une firme GSM public, fruit d’un joint-venture dans lequel l’ex-OCPT représentait les intérêts de la RDC. « Le ministre Prosper Kibwey qui tenait à ce projet, a fait l’objet de menaces de mort si fortes qu’il a dû capituler… », confie cet expert. Qui poursuit : « Même une recommandation du cabinet du chef de l’État sur les fréquences de l’OCPT est restée lettre morte jusqu’à ce jour ».

Pourtant, le succès de RURATEL était garanti avec une grosse clientèle assurée. Le COPIREP qui avait ce projet dans son canevas, avait estimé la population de la RDC à 84 millions d’habitants en 2015. La ville de Kinshasa devrait regrouper, à elle seule, plus de 10 % de la population, les 7 autres grandes villes du pays, dont Mbuji-Mayi, Kolwezi, Lubumbashi, représenteraient jusqu’à 19 % de la population.

Privatiser ?

Hélas, le projet semble avoir été définitivement enterré. Et à l’image des autres entreprises publiques transformées, la question d’une privatisation du RENATELSAT se pose tel un serpent de mer. Certains experts voient dans les missions du RENATELSAT des enjeux si stratégiques que confier ce service à des privés reviendrait à saborder la souveraineté de la RDC. L’État pourrait, par contre, solliciter une assistance financière pour le RENATELSAT à l’instar de l’Observatoire volcanique de Goma (OVG). Les partenaires extérieurs  dont la Banque africaine du développement (BAD) financent, en effet, à coût d’une dizaine de millions de dollars, la construction d’une ligne téléphérique à montée réduite dans la région de Goma, au Nord-Kivu. L’apport attendu du gouvernement n’est que de 650 millions de francs. Autre projet à caractère scientifique financé par un don de l’Union européenne à hauteur de 2.5 milliards de francs porte sur l’étude géodynamique du lac Kivu, sécurité et sureté chimique dans la région des Grands lacs. Un projet que pouvait bien  gérer le RENATELSAT. Hélas.