LES MARCHÉS traversent une phase historique, et la toute récente « révolution » des petits porteurs contre les hedges funds, sur certains dossiers, donne un peu plus de relief à cet environnement. Qui dit anxiété des marchés, dit interventions des Banques centrales. Ces dernières ont toujours agi activement au rythme de la pandémie, pour apporter le soutien nécessaire à l’économie. Une bienveillance sans limite qui permet en ces temps de forte récession (la pire depuis les périodes de guerres) de limiter les faillites d’entreprises et de renforcer l’épargne des ménages.
Les craintes de production et de livraison du vaccin et les résultats trimestriels globalement mal accueillis ont encore suscité des dégagements sur les places financières la semaine dernière. Ces dégagements coïncident avec un retour de la volatilité, alimentée par la singulière « fronde » d’actionnaires individuels contre certains fonds baissiers.
Comme l’a souligné la Réserve Fédérale (Fed) lors de sa dernière réunion, le ralentissement de la reprise en cours et les risques de nouvelles mesures de restrictions sanitaires invitent à la prudence.Après leurs records de la semaine du 18 au 24 janvier 2021, les grands indices ont ainsi cédé du terrain, la semaine dernière, avec un regain de nervosité. En Asie, le Shanghai composite a enregistré une perte hebdomadaire de 2.8 %, le Nikkei de 3.4 % et le Hang Seng de 3.7 %. En Europe, les replis apparaissent moins significatifs pour les grands indices. Le CAC40 a abandonné 2 %, le Dax 2.2 % mais le Footsie 3.6 %. Concernant les pays périphériques de la zone euro, le Portugal a cédé 4.3 %, l’Espagne 3 % et l’Italie 1.6 %. Outre-Atlantique, le Dow Jones a reculé de 1.9 % sur la semaine, le S&P500 a perdu aussi 1.9 % et le Nasdaq100 1.8 %.
Marché actions
Concernant le marché des actions, zoom sur Jumia Technologies, première entreprise de technologie africaine cotée à Wall Street. Ce nouvel acteur du commerce en ligne, présent principalement sur le continent émergent, a été fondé en Allemagne par des dirigeants français.
La société garde tout de même une fibre africaine avec un investisseur principal sud-africain. Elle est souvent comparée à Amazon ou Alibaba : elle propose, en effet, une plateforme en ligne permettant de mettre en relation vendeur et acheteur et d’expédier des colis dans les pays continentaux, notamment ceux qui affichent les meilleurs taux d’utilisateurs internet, comme les pays du Maghreb, l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal.
Globalement, la proportion de la population africaine ayant un accès à Internet est très basse, à 39 % en 2020, contre une moyenne mondiale à 59 %. Ainsi toute amélioration dans ce domaine pourrait entraîner une forte croissance de l’entreprise sur le long terme, d’autant que le taux de pénétration du commerce en ligne est extrêmement faible, à peine 3 %.
L’année 2020 fut plutôt étonnante pour cette entreprise du numérique. Contrairement aux autres géants qui ont profité de la situation sanitaire pour voir leur croissance monter en flèche, Jumia a vu son chiffre d’affaires baisser de 15 %, l’Afrique n’ayant été que très peu touchée par le virus.
Néanmoins, l’entreprise est lancée sur le chemin de la rentabilité : l’EBITDA est passé de -181 millions d’euros (M€) à -123 M€, soit une baisse de 30 % des pertes et le BNA de -3.22€ à -1.79€. Jumia a notamment pu réduire ses dépenses de marketing de 55 % au troisième trimestre 2020.
Ce cheminement est assez classique pour le secteur : Amazon a mis des années avant de devenir rentable. Selon les analystes, le chiffre d’affaires de Jumia devrait bondir dans les prochaines années, 32 % en 2021 et 34 % l’année suivante, tout en continuant de se rapprocher du seuil de rentabilité. Sur le plan graphique, le titre a progressé de 39 % depuis le début de l’année pour se rapprocher des 60 dollars (USD), grâce notamment au commentaire de l’un de ses anciens détracteurs, Citron Research, qui vise les 100 USD d’ici la fin de l’année.
Quant au marché obligataire, malgré des tensions politiques en Italie, les spreads européens se sont maintenus sur la semaine écoulée. Le bund a produit un rendement de -0.54 % alors que le dix ans italien revient sur un niveau de 0.65 %. Les gestionnaires de la dette italienne se sont même montrés très actifs sur le marché primaire, cherchant des preneurs pour des emprunts à 5 et 10 ans pour 7 milliards d’euros. L’OAT française se stabilise sur -0.28 % ainsi que l’ensemble des titres souverains de l’Europe du Sud, comme le Portugal et l’Espagne qui voient leur dette respective générer un intérêt proche de zéro.
Aux États-Unis, les rendements du Trésor sont en repli alors qu’une série de mauvaises nouvelles a envoyé les investisseurs vers le refuge des obligations du gouvernement américain. Grâce à leur nouvel objectif d’inflation, les autorités monétaires américaines disposent désormais d’une marge de manœuvre bien plus grande pour maintenir leur orientation politique ultra-accommodante. Le Tbond a évolué légèrement, avec un rendement de 1.04 %, après un pic récent sur 1.15 %.
Marché des changes
Malgré une intervention de la Fed avec un biais toujours dovish, le billet vert reste bien orienté sur le court terme, validant ainsi sa phase de reprise technique. Il s’échange contre l’euro à 1.2150 USD. La parité majeure poursuit, de ce fait, son chemin en direction des 1.20 USD. En parallèle, le dollar a gagné aussi du terrain face au yen, une autre devise réputée refuge, à 104.2 JPY, contre un récent point bas à 102.70 JPY.
En Europe, la démission du chef du gouvernement italien Conte n’a que peu affecté l’euro. Cette résilience de la monnaie unique s’intensifie malgré la volonté de la Banque centrale européenne (BCE) de surveiller un excès de valorisation. Outre-Manche, la livre sterling conserve le sens haussier, avec un nouveau pic de trois ans face au dollar à 1.37 USD. Le trend ascendant se constate également sur les devises des antipodes (AUD et NLZ) qui profitent de la traction chinoise et d’un environnement optimiste pour se valoriser.
À propos des statistiques économiques, les statistiques européennes étaient peu nombreuses la semaine dernière et concentrées en grande partie sur l’Allemagne. L’IFO a déçu (90.1 contre 91.5 attendu) et les prix à l’importation n’ont progressé que de 0.6 % (consensus 1 %). En revanche, l’indice CPI progresse plus que prévu, de 0.8 % et le PIB de 0.1 % (8.5 % le trimestre précédent).
Pour la France, les dépenses de consommation ont grimpé de 23 % (-18 % précédemment) tandis que le PIB a reculé de 1.3 % alors qu’il était anticipé à -4 %.
Aux États-Unis, les données étaient mitigées. Les commandes de biens durables ressortent en hausse de seulement 0.2 %, l’indice manufacturier de Richmond à 14 (consensus 18), les ventes de logements neufs à 842K, contre 860K attendu et le PIB en hausse de 4 % pour le quatrième trimestre (consensus 4.2 % et 33.4 % au 3è trimestre). L’indice du Conference Board remonte à 89.3, les inscriptions hebdomadaires au chômage retombent à 847K tandis que les dépenses et revenus des ménages dépassent les attentes, à respectivement -0.2 % et +0.6 %.