Comment Maersk, CMA et PIL ont mis en container l’armement de la RDC

Une année après que la taxe du trafic maritime en provenance et à destination de la RDC a été revue à la hausse, les Lignes maritimes congolaises - ex-CMDC anciennement CMZ -, ne disposent pas toujours de navire de haute mer, en propre, alors que la guerre des containers se précise. 

 À TRAVERS l’arrêté ministériel n°028/CAB/VPM/MIN/TC/2017 du 7 août 2017, modifiant les taux définis par l’arrêté ministériel n°409/CAB/MIN/TVC/093/2012 du 28 avril 2012 applicables au trafic maritime en provenance et à destination de la République démocratique du Congo, José Makila Sumanda, vice-1ER Ministre et ministre des Transports et des Voies de communication, avait rendu l’espoir aux moussaillons du principal armement congolais. 

Hélas, faute de volonté politique ou par souci de sauvegarde des intérêts personnels chez les privés expats, les Lignes Maritimes Congolaises (LMC) continuent à louer, dans le cadre d’un partenariat – avec peu de publicité autour – avec le belge Marinvests, des navires au coût de 10 000 dollars le jour. En d’autres termes, les LMC dépensent environ 150 000 dollars à chaque voyage Anvers-Boma-Matadi. L’armateur public organise deux rotations le mois. À la suite de la hausse de la taxe du trafic maritime, les LMC taxent un container de 20 pieds (soit 28 t environ), 40 dollars ; celui de 40 pieds, 80 dollars ; voiture et minibus, 20 dollars ; voiture utilitaire (fourgon, pick-up, camion, camionnette, véhicule frigorifique, benne…), 35 dollars ; engins lourds et de génie civile, 70 dollars l’unité. Pour ce qui est des hydrocarbures, les LMC taxent le m3, 2 dollars ; les produits miniers exportés, 2 dollars la tonne, tout comme le cargo général (sac de ciment, sac de riz, etc.). 

L’on se rappellera que la Fédération des entreprises du Congo (FEC), principal patronat, s’était opposée, sans succès, à la nouvelle grille des LMC. Pour le Comité professionnel des agents maritimes de la FEC, l’application de cette mesure devrait continuellement entraîner la hausse de prix des biens et services d’importation. Cependant, la direction générale des LMC a estimé que les droits des trafics n’interviennent pas dans la structure de prix sur le marché intérieur mais dans le fret maritime payé par l’armateur et non par l’opérateur économique national. 

Et le fret n’est pas influencé par le marché intérieur d’un pays quelconque. D’après Jean-Marie Elesse, directeur-général adjoint des LMC, les droits de trafic visent les revenus que le transporteur tire de son activité sur le domaine maritime national et qui demeurent à l’étranger sans que la RDC puisse en profiter. Les devises générées par le commerce extérieur de la RDC échappent donc au circuit économique national, laissant à l’étranger une importante masse monétaire. Selon lui, l’opinion publique doit savoir que les droits de trafic constituent une rétribution pour jouissance d’un droit patrimonial appartenant à la RDC, notamment l’espace maritime. 

À défaut de cette rétribution, il y a enrichissement sans cause du bénéficiaire de la jouissance au détriment du titulaire du droit. Dans ce cas, le préjudice causé est réparé par restitution de l’indu et l’allocation des dommages et intérêts adéquats, sans omettre la sanction pénale pour violation des lois maritimes congolaises. 

Shipping royalty

« Nous nous référons ici à l’article 383 du Code maritime en RDC. Nous pouvons aussi considérer que les droits évoqués sont un mécanisme international de constitution, par récupération, des moyens nécessaires au développement du « domaine maritime » d’un État. Dans cette logique, l’arrêté ministériel d’août 2017 publié au Journal officiel a pour but d’aligner la législation congolaise sur celles en vigueur en Afrique de l’Ouest et du Centre », a précisé Jean-Marie Elesse. Dans de différents pays africains, explique-t-il, les mêmes transporteurs maritimes qui prestent en RDC payent les droits de trafic sans problème. 

Comme il est recommandé dans les différentes assises internationales, le transporteur maritime doit participer au développement du secteur maritime des pays où il escale, spécialement lorsqu’il s’agit d’un pays en développement. Sous d’autres cieux, les droits de trafic sont nommés « redevance armatoriale » ou « shipping royalty » ou encore « commission de développement du secteur maritime ». C’est l’idée force de la Charte africaine des transporteurs maritimes de 2010 que les mêmes transporteurs tenteraient de violer en RDC, souligne-t-il. 

Mais combien de tonnes des marchandises ou de conteneurs, les LMC ont-elles transportés depuis août 2017 ? Alors que la SCTP, l’OGEFREM, SEP-Congo et divers intervenants publics aux ports maritimes ont rendu publiques leurs productions jusqu’au mois de juin, l’impasse sur les LMC est totale. 

Conteneurisation 

Toutefois, selon la Banque centrale du Congo (BCC), qui se fonde sur les statistiques fournies par la SCTP, 756 containers ont été traités en août 2017 au port public de Kinshasa, contre 1 339 en décembre de la même année, soit un total annuel de 6 417 containers, dont 487 vides. De janvier à juin 2018, le port public a enregistré 11 727 containers dont 2 129 vides. 

Dans le port maritime de Matadi, la SCTP n’a pas donné des chiffres sur des containers, mais sur le tonnage des marchandises traités : 136 368 t en août 2017, quand le gouvernement avait levé l’option de revoir à la hausse le taux de la taxe sur le trafic maritime en faveur des LMC. Et puis 98 635 t en septembre, 153 371 t en octobre, 127 498 t en novembre, 128 968 en décembre. Soit un total de 1 435 241 t en 2017. En janvier 2018, le port de Matadi a manutentionné quelque 90 693 t de marchandises, 131 151 t en février, 110 922 t en mars, 97 799 t en avril, 124 197 t en mai et 125 170 t en juin. Et pour le port maritime de Boma où accostent les navires transportant les véhicules : 17 455 t en août 2017, 2 968 t en septembre, 4 632 t en octobre, 9 609 t en novembre, 8 666 t en décembre. Soit, un total annuel de 119 884 t en 2017. 

Et pour l’exercice 2018, le port de Boma a manutentionné 1 580 t en janvier, 6 242 t en février, 3 411 t en mars, 5 523 t en avril, 6 939 t en mai et 8 253 en juin. Point de précision cependant sur l’apport des activités des LMC sur toutes ces réalisations. 

Expert maritime, auteur de « Le guide de la conteneurisation et du transport multimodal », paru en 2011 aux Éditions Shipping Guides/Ghana, Gabriel Mukunda Simbwa n’accorde guère de chance de survie à l’armateur public face aux enjeux internationaux actuels. « Depuis le retrait des armements européens des conférences maritimes, le glas venait de sonner pour les armements africains qui n’ont pas pu faire face à la libre concurrence devant désormais régner dans l’industrie maritime mondiale », note-t-il. 

Et d’ajouter : « Les armements africains tels que Black Stars du Ghana, CMZ de l’ancien Zaïre (RDC), SITRAM de la Cote d’Ivoire et CAMSHIP du Cameroun ont été liquidés car n’ayant pas été capables de sortir la tête hors de l’eau suite à la concurrence féroce des armements de grandes puissances maritimes sur diverses lignes. Après l’élimination du circuit de l’Afrique, les géants de la conteneurisation se sont jetés sur l’Afrique, comme un fauve sur une proie, pour y asseoir le contrôle et l’exploitation du fret entrant et sortant de l’Afrique. » 

L’expert maritime congolais relève que le commerce international se réalise à 80 % par voie maritime. Les biens produits dans certains pays du monde sont transportés à l’aide des navires vers les pays de consommation. D’où tout l’intérêt de la conteneurisation. « C’est une activité qui consiste à transporter les marchandises au moyen des conteneurs par voie routière, maritime ou par la navigation intérieure. La conteneurisation permet donc le transport multimodal des marchandises : les différents modes de transport peuvent être combinés pour réaliser le transport porte à porte », note-t-il.