Comprimés ou cacahouètes ?

Dans des marchés, les produits pharmaceutiques sont vendus sur des étalages comme tout autre article, alors qu’ils devraient obéir à une stricte norme de conservation.

 

Des produits pharmaceutiques vendus en vrac au marché central.
Des produits pharmaceutiques vendus en vrac au marché central.

Devant un étalage de vente des produits pharmaceutiques, au marché central de Kinshasa, sur l’avenue Ruakadingi, le vendeur, un homme d’une cinquantaine d’années, nous pose la question : « vous cherchez des médicaments pour guérir quelle maladie ? ». Anti-inflammatoire, analgésiques, antibiotique,… sans être pharmacien, moins encore médecin, ce commerçant propose toute sorte de médicaments. Ces produits, étalés à ciel ouvert, ne sont pas à l’abri de la moiteur de la journée. « Nous vendons ces médicaments pour aider ceux qui en ont besoin, sur le champ, au marché. Au lieu qu’ils aillent les chercher loin de leur lieu de travail, ils peuvent se les procurer ici », se justifie-t-il. « Ce ne sont pas tous les médicaments que nous exposons.

Un non pharmacien n’a aucun droit de vendre des médicaments, ni de les manipuler, même pas un médecin.

Bristow

Pour le besoin de la conservation, nous gardons d’autres dans un carton », poursuit-il. Il note aussi qu’il achète ces produits, comme tout le monde, dans des dépôts pharmaceutiques, officiellement reconnus. A cinq pas de là, un autre vendeur fait de même. Plus loin, sur l’avenue Bas-Congo, où l’on retrouve l’essentiel des dépôts pharmaceutiques, des vendeurs écoulent des médicaments à l’extérieur de ces commerces. Des jeunes le font aussi à la criée. Cette curiosité nous attire des sollicitations. Un jeune homme avance vers nous et nous propose d’acheter un médicament destiné, selon lui, à faire avorter plus rapidement une grossesse de trois mois. « Nous sommes, entre-nous, des jeunes. Je te le propose à 10 dollars, sans ordonnance. Tu peux toutefois négocier », dit-t-il en réserve.

On retrouve, dans tous les marchés de la ville de Kinshasa, ces personnes qui ont choisi comme petit commerce, la vente des produits pharmaceutiques. Un circuit pourtant fermé aux profanes. Ils exercent ce commerce, au mépris des normes établies, sous la barbe des pouvoirs publics, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la santé des consommateurs. « Un non pharmacien n’a aucun droit de vendre des médicaments ni de les manipuler. Même pas un médecin », précise Jacques Muhindo, pharmacien au Centre hospitalier Monkole, dans la commune de Mont-Ngafula.

Le danger 

« Les médicaments ne sont pas à vendre comme des arachides. Ils sont conservés à une température bien recommandée de moins de 25 degrés, pour éviter toute altération », indique celui qui ne doute nullement que cette vente des produits pharmaceutiques, confondus aux cacahouètes, peut avoir des lourdes conséquences sur la santé de la population, exposée à une consommation de médicaments impropres. « Un médicament altéré ne produit aucun effet guérisseur dans le corps. Bien au contraire, il aggrave la situation du malade qui suit des cures sans effets», poursuit-il. Le grand danger, dans cette désolante réalité, est d’assister à l’aggravation de l’état du malade, sans faire allusion aux effets secondaires. Jacques Muhindo constate, par ailleurs, une défaillance dans le secteur pharmaceutique congolais, due à une mauvaise politique de contrôle. Il regrette le fait que l’inspection de la pharmacie ne fait pas correctement son travail de police, pour contrer ces dérapages.

Pour remettre de l’ordre dans ce secteur, le pays dispose, depuis 2012, du document définissant la politique nationale de la pharmacie congolaise. Ce document qui édicte des principes pour réguler ce secteur, peine à être appliqué. Ainsi, l’anarchie continue.

En principe, seul le ministère de la Santé est habilité à autoriser l’ouverture d’une pharmacie. Mais dans les faits, cette procédure n’est pas suivie. Il y a des personnes qui montent des pharmacies, comme des boutiques, sans la moindre autorisation. D’autres encore, reçoivent ce document auprès des autorités municipales pourtant non qualifiées.