Le climat se réchauffe, mais à quel point ? Pour le savoir, les scientifiques bâtissent des modèles qui visent à prédire le climat dans les années à venir. Or, le réchauffement climatique n’a pas lieu de manière linéaire. Ainsi, le début du XXIe siècle aurait connu une pause, appelée le « hiatus climatique », un ralentissement apparent qui ne fait cependant pas consensus. Un des paramètres qui influencent les températures sur Terre est la quantité de gaz à effet de serre émis par les activités humaines.
Ici, des scientifiques du CNRS, de l’université de Southampton et de l’Institut royal météorologique des Pays-Bas proposent une nouvelle façon de modéliser le climat. Pour ces travaux, ils ont utilisé une méthode de prévision statistique qui recherche des situations proches du climat actuel dans les modèles de simulations des XXe et XXIe siècles.
Les années 2018 à 2022 seront chaudes sur Terre et dans la mer. En utilisant cette méthode de prédiction des températures, les scientifiques prévoient que les années 2018 à 2022 seront particulièrement chaudes, « au-delà des valeurs induites par le réchauffement climatique anthropique seul », précise un communiqué du CNRS, qui ajoute que : « ceci est notamment dû à une faible probabilité d’épisodes de froid intense ». Le phénomène serait important à la surface des océans, en partie à cause des tempêtes tropicales induites par la chaleur. Pour justifier la fiabilité de leur modèle, les auteurs soulignent qu’il prévoit le « hiatus » post-1998. Le réchauffement prévu sur 2018-2022 renforcera la tendance à la hausse des températures à long terme. Des valeurs extrêmes sont à craindre. Ces résultats paraissent dans la revue « Nature Communications ».
Les records battus
Avec un mois de janvier record et des températures élevées depuis avril, 2018 a connu un premier semestre particulièrement chaud. Les records de chaleur battus ces dernières années s’inscrivent dans un contexte plus large de changement de climat. La première moitié de l’année 2018 compte déjà parmi les plus chaudes recensées par Météo-France, qui confirme cette tendance pour l’été, sans toutefois prévoir de vague de chaleur dans l’immédiat.
Jusqu’ici l’année a été « très chaude », selon un bilan présenté, avec d’abord un mois de janvier record depuis le début des relevés (1 900), puis une chaleur qui s’est installée « précocement », dès avril (3e mois d’avril le plus chaud recensé). La période du 1er avril au 10 juillet bat ainsi les records, « légèrement plus chaude » qu’en 2003. Au total, l’année 2018 figure dans le top 4 des premiers semestres en termes de température (les trois premières sur cette période 1er janvier-10 juillet étant par ordre croissant 2007, 2017 et 2014).
De nombreuses villes n’ont jamais connu autant de jours à plus de 25 °C de température maximale : Lille, Paris, Strasbourg, Chartres, Troyes… À Brest, la première décade de juillet (du 1er au 10) est déjà la plus chaude depuis le début des relevés (devant 2006 et 1976). « On est plutôt partis pour une année chaude, dans le contexte du XXIe siècle », souligne le prévisionniste François Gourand. Avec le changement climatique, « on ne vit pas du tout dans le même climat que nos parents », rappelle-t-il.
On ne vit pas du tout dans le même climat que nos parents. Et pour la suite, tout dépendra des efforts mis en œuvre pour réduire les émissions de GES dans l’atmosphère. Si rien n’est fait pour renverser la tendance actuelle, les vagues de chaleur seront à la fin du siècle cinq à sept fois plus nombreuses qu’aujourd’hui, souligne l’organisme national.
Les États du monde se sont mis d’accord à Paris en 2015 pour garder le réchauffement sous 2°C par rapport à la révolution industrielle. Mais leurs engagements, à condition qu’ils soient tenus, devraient quand même faire grimper le mercure de plus de 3°C. Si les émissions et concentrations gardaient leur trajectoire actuelle, le réchauffement pourrait atteindre 4°C en France à l’horizon 2071-2100, voire 5°C en été, selon Météo-France. Ce qui signifierait une vague de chaleur au moins aussi sévère que 2003 plus d’une année sur deux.
La grande canicule du 4 au 18 août 2003 reste aujourd’hui « hors norme et inégalée » (avec un excès de mortalité estimé à 15 000 personnes). Mais la France, théâtre de huit vagues de chaleur entre 1947 et 1982, en a déjà traversé 30 depuis 1983 ! Depuis peu, elle subit aussi des épisodes plus tardifs dans la saison (fin août 2016, septembre 2016), et plus précoces, comme celui de mi-juin 2017, un « niveau de chaleur jusque-là jamais atteint avant un mois de juillet ».
Depuis le choc de 2003, les pouvoirs publics ont mis en place un plan canicule, associé à une vigilance météo et activé chaque été pour anticiper les effets sanitaires. Cette année, la période de veille saisonnière a pour la première fois été étendue jusqu’au 15 septembre.
Les variations de la température moyenne annuelle dépendent du changement climatique provoqué par les activités humaines, mais aussi de la variabilité intrinsèque du climat, qui rend les prévisions d’une année sur l’autre d’autant plus difficiles.
Pour affiner ces prédictions, une équipe de scientifiques a inventé un nouveau système de prévisions baptisé ProCast (Probabilistic forecast), basé sur une méthode statistique et des modèles climatiques existants. Pour 2018-2022, cet algorithme prédit « une période plus chaude que la normale » qui va « temporairement renforcer » le réchauffement, selon l’étude publiée dans « Nature Communications », qui souligne que le réchauffement climatique « n’est pas un processus lisse et monotone ».
En raison du changement climatique, la planète a déjà gagné 1°C depuis l’ère préindustrielle, ce qui correspond en moyenne à +0,01°C par an. Mais cette hausse peut être, selon les années, contrebalancée ou au contraire renforcée par la variabilité naturelle du climat. Selon l’étude, les risques d’épisodes de températures anormalement élevées de la surface de la mer seront également plus importants, situation propice aux ouragans.
Les chercheurs raisonnent en termes de moyenne annuelle. Pour l’instant, ils ne prédisent pas quelle saison sera particulièrement chaude, ni quelle région du globe sera particulièrement affectée, ni des tendances de précipitations ou de sécheresse, comme l’explique l’auteur principal de l’étude Florian Sévellec. Les trois dernières années ont déjà été les plus chaudes jamais enregistrées. Et malgré les engagements des États signataires de l’accord de Paris de 2015 à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, la planète se dirige vers un monde à +3°C par rapport à l’ère préindustrielle, avec son lot annoncé de sécheresses, ouragans ou territoires submergés par les eaux.
La Terre risque-t-elle de se transformer en cocotte-minute ? C’est un risque non négligeable selon une nouvelle étude publiée dans les comptes-rendus de l’Académie américaine des sciences. Et ce, malgré les engagements pris lors de l’accord de Paris. En cause : la hausse des températures que l’on connaît aujourd’hui pourrait provoquer une série de réactions en chaîne climatique accélérant énormément le réchauffement, quel que soient nos efforts pour le contenir.
La rétroaction, et l’effet cascade ; deux termes qui font frémir les climatologues car ils recouvrent des phénomènes qui peuvent être de grande ampleur et sur lesquels notre contrôle est quasiment nul. Par exemple : la fonte de la banquise du Groenland modifie la circulation des eaux de l’océan Atlantique, ce qui favorise en retour la fonte de la banquise : c’est une rétroaction.
Tout changer…
Les auteurs de cette nouvelle étude ont cherché à déterminer s’il y a un point de non-retour, une hausse de la température au-delà de laquelle, quoi qu’on fasse, un tel événement se produirait, et la terre se transformerait une cocotte-minute. Ils proposent ainsi une première estimation : + 2 degrés par rapport à l’ère pré industrielle ; c’est la limite haute de l’accord de Paris. Un objectif qui ne sera pas tenu si l’humanité ne commence pas sérieusement à mettre tout en œuvre pour lutter contre le réchauffement. Et pour cela, les chercheurs ne s’en cachent pas, il faudra changer en profondeur nos comportements, nos sociétés, et notre économie.