Ce fut la première fois qu’une équipe de l’Afrique noire allait jouer la Coupe du monde de football ou le Mondial. Un moment d’émotion vraie à l’époque où la télévision en couleur venait de faire son entrée dans les ménages au Zaïre. Cette année-là, c’est-à-dire en 1973, les Léopards du Zaïre se qualifièrent pour la phase finale de la Coupe du monde de football de 1974 en République fédérale d’Allemagne ou le Mundial 1974. En 1974, au Caire en Egypte, ils remportèrent la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN), baptisée « Moseka » par les Zaïrois, à l’issue d’une finale épique rejouée face à la Zambie (2-2 et 2-0) et après une demi-finale âprement disputée face au pays organisateur (3-2). Le héros de cette croisade aura été Ndaye Mulamba, le joueur aux 9 buts, un record jamais égalé dans une phase finale de la CAN.
À l’époque, Les bookmakers avaient déjà parlé de « l’apogée du football zaïrois ». Ils ne s’étaient pas trompés. Depuis, le onze du Zaïre-RDC n’est plus remonté sur le toit de l’Afrique ni n’a participé à une phase finale du Mondial. Dans les années 1960-1970, la RDC-Zaïre avait des footballeurs de légende. Une véritable génération spontanée ! Après une humiliation des Lions face aux Blacks Stars du Ghana, surnommés les « Brésiliens d’Afrique », le président Mobutu prit la décision de bâtir une équipe « imbattable », sur laquelle il avait la main haute. Il fit faire le rappel des joueurs pros évoluant en Europe, notamment dans le championnat belge.
Ainsi des joueurs comme Freddy Mulongo, Paul Bonga Bonga, Kasongo Mwana, Julien Kialunda, Muwawa… vinrent renforcer l’ossature locale constituée de Pierre Kalala, Robert Kazadi, Jeef Kibonge, Jean Mange, Nicodème Kabamba, Ngenibungi et bien d’autres joueurs de qualité technique supérieure.
Avec cette dream team, la RDC remporta, face au même Ghana réputée « première nation de football d’Afrique », sa première CAN, en 1968, en Ethiopie. L’unique but de la victoire fut l’œuvre de l’attaquant de pointe, Pierre Kalala, surnommé « Yaounde » ou « le bombardier ». Le héro de cette campagne d’Ethiopie fut sans conteste le joueur Mungamuni, encore en vie. Il fut surnommé « l’homme d’Asmara » grâce à ses prouesses.
À l’ombre des aînés, il y eut des jeunes prodiges qui ont vraiment porté le onze national au faîte de la gloire. C’est la génération de l’inamovible capitaine Raoul Kidumu, Emmanuel Kakoko « dieu de ballon », Adelar Mayanga « Good Year », Jean Kembo « Monsieur but », Ndaye « Mutumbula ou diable », Ntumba « Pouce », Mana « le ventilateur », Mavuba « le sorcier noir », Lobilo « docteur », Buanga, Kabasu Babo, Tshinabu Brunch…
Ces joueurs d’exception qui n’avaient rien à envier aux artistes brésiliens ou ghanéens, ont marqué leur époque avec ce doublé historique : qualification au Mondial et CAN 1974. L’un d’eux, le défenseur central, Buanga Tshimenu, petit frère du gardien Robert Kazadi, fut désigné « Ballon d’or africain » en 1974 par la Confédération africaine de football (CAF). La débâcle au Mondial 1974 – trois défaites face à l’Écosse (2-0), Yougoslavie (9-0) et Brésil (3-0) – sonna le glas pour les Léopards. Eux qui devaient leur succès à l’encadrement technique du sélectionneur yougoslave, Blagoje Vidinic, et à la marque d’attention « paternelle » du président de la République. Pour rappel, Mobutu leur offrit des villas dans la Cité Salongo nouvellement construite dans la commune de Lemba et des voitures VW Passat à la suite de leur qualification au Mondial 1974. Et il les honora de la médaille de chevalier de l’Ordre national de Léopard.
Santos et Kabongo
Il a fallu attendre les années 1980 pour vivre une nouvelle épopée avec les Léopards. Ce fut la génération de Santos Muntubile, Eugène Kabongo, Gaston Mobati, Kiyika Soucouss, Jacky Kingambo, Mayele Ayel et bien d’autres. Muntubile et Kabongo furent les mentors de cette flopée de joueurs pétris de talent. Ils étaient passés professionnels en Belgique puis France après des exploits au championnat national. Leur apport aux côtés des joueurs locaux n’a pas suffi pour faire qualifier le Zaïre au Mondial 1986 face au Maroc de Badou Zaki de grand jour à Lubumbashi. « Un match mémorable ! Il y eut un mort par arrêt cardiaque à la suite du penalty raté par l’avant-centre Kabongo, qui avait la qualification au bout de sa semelle », rappelle cet autre observateur. Malgré le talent avéré, « cette équipe de rêve » n’a pas eu non plus la chance de remporter une CAN, selon des bookmakers. « C’est ce qui leur a manqué. Un peu comme Didier Drogba avec l’équipe de la Côte-d’Ivoire. »
Puis, survint, comme un météore, la génération d’Emeka Mamale. « Ce petit génie sorti de terrains sablonneux de Lemba a rempli de joie et fait rêver toute une nation par son talent ». Avec Jean Kasongo, surnommé « Korando » à cause de sa vitesse, et les autres, Mamale fit monter le onze national sur la 3è marche du podium de la CAN 1998, à la suite d’un match entré dans l’histoire face au Burkina Faso (4-3), pays organisateur. Le sélectionneur de l’époque s’appelait Watunda dit « Prof ». Un Congolais du cru. Ce fut un événement majeur dans le pays car le onze national venait d’être rebaptisé « Simba » à l’avènement au pouvoir d’État de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) sous la conduite de Laurent-Désiré Kabila en mai 1997. Mamale était devenu l’égérie de la nation, mais il n’a pas su exploiter son talent en vue d’une carrière professionnelle véritable après un passage éclair en Afrique du Sud et en Corée du Sud. Korando, lui, brilla avec le FC Sfax de la Tunisie avant d’évoluer au Bundesliga en Allemagne avec le club Wolsburg. Sans un véritable encadrement technique et moral, les Simba, puis encore les Léopards, étaient devenus un sujet de polémique au pays. De 1998 jusqu’en 2014, ils n’avaient plus atteint le cap de demi-finale de la CAN. Pourtant, des joueurs de classe comme Chris Shabani Nonda, Trésor Lualua, Biscotte Mbala, Rum Matumona Zola, Trésor Mputu… ont marqué de leur empreinte cette sélection nationale. Ils se qualifiaient difficilement à la phase finale de la CAN et se faisaient régulièrement sortir en quarts de finale.