L’AUTORITÉ de régulation du secteur de l’électricité (ARE) totaliser deux ans en juillet prochain depuis l’installation de ses animateurs. Malgré les difficultés, l’ARE est quand même parvenue à mettre en place les procédures pour encadrer la libéralisation du secteur de l’électricité en RDC. Sandrine Ngalula Mubenga, la directrice générale, est animée de la volonté de transparence, d’intégrité et de résilience. La crédibilité de son organisme en dépend.
D’après elle, les perspectives sont encourageantes : l’ensemble des dossiers soumis à l’approbation de l’ARE devrait constituer à terme un apport énergétique de plus de 2 500 MW, soit 22 000 GWh d’ici 2026. Il va falloir maintenir le rythme du fait de la croissance démographique estimée à 3.2 % mais aussi des impératifs technologiques, allusion au numérique qui garantit un approvisionnement fiable en électricité.
Les projets énergétiques en cours touchent principalement 7 provinces : Kinshasa,
Nord-Kivu, Lualaba, Haut-Uélé, Haut-Katanga et Maïndombe Ils concernent notamment la construction ou la rénovation des centrales hydroélectriques, photovoltaïques et thermiques à gaz méthane ainsi que des réseaux de transport et de distribution.
Une étude a identifié une centaine de sites où il est possible de construire des barrages hydroélectriques. Ceci permettrait de construire ainsi des petites centrales écoresponsables dans les provinces et d’assurer une distribution plus équitable de l’électricité à travers le pays.
Question de vision
Certes, le marché est ouvert, mais le problème de fond réside dans la capacité de nouvelles unités de production. Le projet Grand Inga suscite encore des interrogations car le nerf de la guerre, c’est la mobilisation tous azimuts des fonds nécessaires.
Mais en attendant sa réalisation, les spécialistes préconisent des « solutions intermédiaires », notamment les énergies renouvelables. Selon des opérateurs miniers, « tout est question de vision ». Politique, cela s’entend. Certes, le marché est très ouvert parce qu’il y a déficit de producteurs. Mais le futur est dans la capacité de nouvelles unités de production, font-ils remarquer. C’est pourquoi, pensent certains spécialistes, il ne faudra pas abandonner la piste des micros-centrales plus proches de l’exploitation minière.
Tous les obstacles « structurels et anachroniques » identifiés, mis ensemble, rendent difficile la relance du secteur afin de lui faire jouer son rôle de moteur de développement, de relance économique. Dans tous les cas, le succès dépendra de l’engagement de chaque acteur à assumer sa part de responsabilité. Il y a donc nécessité d’une politique énergétique « conséquente et volontariste » par rapport à l’objectif 2030.
Cela, en vue d’identifier les solutions concrètes pour la relance du secteur et les opportunités d’investissement. Il s’agit de mettre en relation des partenaires potentiels et élaborer une feuille de route avec des actions précises pour assurer la croissance du taux de desserte en électricité et satisfaire les besoins de tous les acteurs sociaux et économiques ; et enfin, pour « jeter les bases solides pour un nouveau départ ».
« Le déficit énergétique est à la base du faible taux de transformation locale des minerais du pays. Pour transformer localement, il faut suffisamment de l’énergie. Rien que dans le Katanga, aujourd’hui, il y a un déficit d’au moins 1 200 MW. Seul l’État peut y répondre. Ça fait des années que l’on parle d’Inga ! On ne voit pas la volonté politique de faire avancer ce projet. »
Reste que la demande d’électricité est très forte dans le secteur des mines. Pour cela, y a-t-il nécessité de continuer à importer l’énergie électrique via des opérateurs privés ? Rien à faire, le déficit énergétique auquel est confronté la République démocratique du Congo est à la base du faible taux de transformation locale des minerais du pays.
Sans électricité, pas de mines
Dans le code minier révisé, il est fait mention de transformer le plus possible les minerais. Mais pour transformer localement, il faut suffisamment de l’énergie. Rien que dans le Katanga, aujourd’hui, il y a un déficit d’au moins 1 200 MW. Seul l’État peut y répondre. À la Fédération des entreprises du Congo, on rit sous cape : « Ça fait des années que l’on parle d’Inga ! On ne voit pas la volonté politique de faire avancer le projet Inga.
Le déficit énergétique est un manque à gagner pour l’industrie en général, et le secteur minier en particulier en RDC. Les miniers au Katanga ont besoin d’au moins 1 500 MW supplémentaires. Face aux difficultés, les exécutifs provinciaux (Lualaba et Haut-Katanga) encouragent les initiatives privées, en se fondant sur la loi 14/011 du 17 juin 2014. Point n’est besoin de rappeler que l’énergie est un ingrédient de taille dans le développement du pays. Il faut donc investir dans ce secteur.
Au cours des travaux de la 3è édition de la Conférence minière de la RDC à Kolwezi en septembre 2018, l’état de la situation sur le déficit énergétique était à l’ordre du jour. L’apport des opérateurs miniers et les partenariats entre la Société nationale d’électricité (SNEL) et les sociétés minières avaient été passés à l’analyse, en vue de dégager les perspectives d’avenir.
Dans tous les cas de figure, le gouvernement devra chercher par tous les moyens à combler le déficit énergétique qui pénalise l’industrie minière et l’empêche de vendre, notamment les minerais de cuivre et de cobalt au prix fort. Ce n’est pas le potentiel qui manque. Il est même immense en RDC. Mais il y a un paradoxe entre les ressources énergétiques naturelles et le trop faible taux d’accès à l’électricité, avec de grands écarts entre la campagne et le milieu urbain.
Pour passer de 9 % de desserte actuel à 32 % en 2030, il faudra mobiliser 32,5 milliards de dollars dès à présent, ce qui est un ambitieux objectif et un grand challenge. Quatre promoteurs privés ont finalisé leurs projets de construction de centrale hydroélectrique pour la production de 40 MW, principalement dans l’Est du pays. Des obstacles majeurs retardent encore l’entrée d’autres promoteurs privés dans le secteur : la faible incitation à l’électrification faute d’études et de dossiers bancables dans les zones d’implantation, le manque d’instruments juridiques et financiers d’atténuation des risques et des difficultés d’accès au crédit financier, et l’inaccessibilité des ménages à faible revenu au raccordement au réseau (frais élevés).
20 Mds de perte en 2025
Dans le Grand Katanga, la SNEL détient quasiment le monopole dans la production, le transport et la distribution de l’énergie électrique. D’après Éric Monga, le numéro un de la FEC/Haut-Katanga, le déficit énergétique pourrait occasionner un manque à gagner de près de 20 Mds de dollars pour les minings d’ici 2025.
Le Plan stratégique de développement minier 2016-2021 visait le développement d’un secteur minier « compétitif et durable », socle d’un pays émergent et du bien-être de la population congolaise et d’assurer la bonne gouvernance du secteur et le développement des infrastructures d’appui au secteur minier et environnemental. Mais le déficit énergétique peut servir d’un cas de force majeure pour les entreprises minières et justifier le non-versement de certains droits, taxes et redevances. La redevance minière couvre la grosse part des prévisions des recettes non fiscales, soit plus 85 %.
Des projets de développement de minicentrales hydroélectriques sont en cours de réalisation au Katanga et en Ituri pour fournir l’énergie nécessaire dont ont besoin les miniers pour faire tourner leurs machines à plein régime. Ces projets concrets sont portés par des développeurs indépendants, tels Sombwe, Tembo Power, CTL, Kibali Gold… Mais les miniers ne sont pas maîtres de leur destin.