IL EST UN FAIT que le niveau des recettes publiques est faible lorsqu’on considère leur mobilisation au premier semestre de l’année. Cette situation est due, primo, au cadre légal et réglementaire ; secundo, aux défaillances
administratives, techniques et managériales ; et tertio, à l’absence d’investissements performants de collecte des deniers publics. Pour relever le niveau des recettes de l’État, il faut donc prendre des mesures secteur par secteur.
À chaque type de cause correspond des mesures propres et une stratégie d’atténuation.
Les projections pour 2021
Lors de la présentation du projet de Budget 2021 aux députés à l’Assemblée nationale, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre a brossé un tableau de l’état des lieux des finances publiques. Globalement, a-t-il souligné, l’environnement économique international au cours de cette année 2020 reste marqué par les effets néfastes de la pandémie de Covid-19, à telle enseigne que le taux de croissance du Produit intérieur brut mondial (PIB) devrait se situer à -4,9 %. Le recul de l’activité économique serait de l’ordre de -3 % dans les pays émergents et de -3,2 % en Afrique subsaharienne.
En termes de perspectives, les estimations du Fonds monétaire international (FMI) font état d’un possible relèvement de l’activité économique mondiale à un taux de 5,4 % en 2021, pourvu qu’il y ait une hausse progressive de la consommation et de l’investissement sous l’effet de réponses adéquates et concertées des gouvernements pour la maîtrise de la pandémie de Covid19. Dans cette optique, la croissance des pays avancés est projetée à 4,8 % en 2021, celle des pays émergents à 5,9 % et celle des pays en développement à 3 %. L’Afrique subsaharienne en particulier pourrait atteindre un taux de croissance de 3,4 % l’année prochaine.
Sur le plan national, les experts projettent un taux de croissance de 3,2 % en 2021, tributaire principalement du relèvement de la production minière consécutive à une bonne évolution des cours des matières premières.
Le taux d’inflation, estimé à 21,5 % à fin 2020, est projeté à 8,8 % fin 2021. Pour y arriver, Sylvestre Ilunga Ilunkamba a annoncé que le gouvernement compte poursuivre la mise en œuvre des mesures de stabilisation du cadre macroéconomique arrêtées notamment dans le cadre du Pacte de stabilité signé en août dernier entre les ministères du Budget et des Finances ainsi que la Banque centrale du Congo (BCC).
La stabilité du taux de change observée depuis plusieurs semaines, grâce à la mise en œuvre des mesures de stabilisation, devrait se poursuivre jusqu’en 2021 où le taux fin période est projeté à 2.013,4 FC pour 1 dollar, a insisté le 1ER Ministre et chef du gouvernement.
Les plus importantes de ces mesures sont notamment le faible recours au financement monétaire (planche à billets) du déficit du Trésor public grâce à l’appui budgétaire du FMI et de la Banque africaine de développement (BAD) ; l’amélioration de l’offre de devises découlant de l’augmentation attendue des recettes en devises, provenant principalement des exportations des produits miniers…
Afin de renforcer le niveau des réserves internationales, qui représentent actuellement 2,6 semaines d’importation, le gouvernement entend poursuivre le partenariat avec le FMI en vue d’obtenir un soutien à la balance des paiements.
S’agissant de l’exécution de la loi de finances de l’exercice 2020, la situation du premier semestre a été décrite en long et en large lors de la présentation devant les députés nationaux du projet de loi de finances rectificative de l’année en cours. Pour rappel, l’exécution du budget à fin juin 2020 renseigne globalement un niveau des dépenses effectuées à hauteur de 4 804,5 milliards de nos francs, contre une réalisation des recettes de 4 588,5 milliards de FC. La situation, à fin août 2020, renseigne que les recettes ont été réalisées de la manière suivante : a) Budget général : 5 668,0 milliards de FC, soit un taux de réalisation de 49,4 % ; b) Budgets annexes : 140,3 milliards de FC, soit un taux de réalisation de 68,9 % ; c) Comptes spéciaux : 491,4 milliards de FC, soit un taux de réalisation de 72,7 %.
Les recettes du Budget général réalisées au cours de la période sous revue comprennent les recettes internes de 4 142,1 milliards de FC et les recettes extérieures de 1 525,9 milliards de FC. Les recettes internes sont constituées des recettes courantes réalisées à hauteur de 4 082,2 milliards de FC et des recettes exceptionnelles enregistrées à concurrence de 59,9 milliards de FC.
Recettes mobilisées
La ventilation des recettes courantes mobilisées à fin août 2020 se présente comme suit : a) les recettes des douanes et accises, 1 203,3 milliards de FC, soit un taux de réalisation de 39,5 % ; b) les recettes des impôts, 2 001,9 milliards de FC, indiquant un taux de réalisation de 49,1 % ; c) les recettes non fiscales, 768,6 milliards de FC, dégageant un taux de réalisation de 45,2 % ; d) les recettes des pétroliers producteurs , 108,4 milliards de FC, soit un taux de réalisation de 36,8 % ; e) les recettes extérieures réalisées au cours de la période sont constituées, quant à elles, des recettes d’appuis budgétaires de l’ordre de 431,9 milliards de FC, pour un taux de réalisation de 76,8 % ainsi que des recettes de financement des investissements d’un import de 1 094,0 milliards de FC, traduisant un taux de réalisation de 69,7 %.
Ces investissements, a fait savoir le 1ER Ministre, comprennent les dons projets de l’ordre de 879,0 milliards de FC et les emprunts projets chiffrés à 215,0 milliards de FC.
Concernant les dépenses, leur exécution en grandes lignes, au titre de budget général, se situe à 5 949,2 milliards de FC, soit un taux d’exécution de 51,8 %. L’exécution des budgets annexes et des comptes spéciaux s’est effectuée en équilibre avec le niveau de réalisation de leurs recettes correspondantes.
Les grandes masses des dépenses du budget général effectuées à fin août se déclinent comme suit : a) dette publique et frais financiers, 423,5 milliards de FC, renseignant un taux d’exécution de 78,9 % ; b) rémunérations, 3 121,7 milliards de FC, dégageant ainsi un taux d’exécution de 93,1 % ; c) biens (matériels et prestations, environ 783,7 milliards de FC, affichant ainsi un taux d’exécution de 53,2 % ; d) transferts et subventions, 417,4 milliards de FC, indiquant un taux d’exécution de 26,1 % ; d) dépenses d’investissement, 1 173,8 milliards de FC, renseignant un taux d’exécution de 27,5 % et constitués d’investissements sur ressources propres de 79,8 milliards de FC et d’investissement sur ressources extérieures de 1 094,0 milliards de FC ; e) dépenses exceptionnelles, 28,9 milliards de FC, soit un taux d’exécution de 11,7 %.
L’exécution du plan de trésorerie à fin août 2020 renseigne un déficit global de 731,96 milliards de FC. Ce déficit a été financé jusqu’au mois de mars 2020 essentiellement par les avances de la Banque centrale du Congo pour un montant de 320,54 milliards de FC et, ensuite, par l’appui budgétaire du FMI à concurrence de 352,12 milliards de FC et par les bons du Trésor pour 59,93 milliards de FC.
Globalement, d’après Sylvestre Ilunga Ilunkamba, les perspectives budgétaires à fin décembre 2020 préfigurent l’exécution d’un budget déficitaire.
Exécution des dépenses
Au cours de la période sous revue, le gouvernement a procédé à l’exécution des dépenses contraignantes telles que le paiement des salaires, le remboursement de la dette publique, la rétrocession aux administrations financières et le transfert de ressources aux provinces. Pour faire court, les actions suivantes ont été menées au cours de la période. Primo, la gestion globale de la pandémie de Covid-19, dont la stratégie a été mise en place dans le cadre du comité multisectoriel de la riposte au Covid-19. Le 1ER Ministre a déclaré que la stratégie du gouvernement a permis au pays d’assurer le contrôle de la pandémie, depuis l’apparition du premier cas importé jusqu’à ce jour. Ces efforts ont permis à l’État d’améliorer la prise en charge et d’enregistrer les moins des cas possibles. Du taux de létalité de plus de 11 % au début de l’épidémie, la stratégie du gouvernement a permis de maintenir le taux à 2,5 %.
Secundo, la poursuite de la mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement primaire par la prise en charge, à partir de janvier dernier, de 100 088 enseignants non payés ainsi que de 58 735 nouvelles unités à partir du mois d’octobre. Tertio, l’accélération des opérations de neutralisation des groupes armés et apparentés par les FARDC en vue de la pacification de l’Est du pays ainsi que la prise en charge de la situation des militaires engagés au front.
Quarto, la redynamisation de la diplomatie congolaise et le renforcement de notre coopération au sein de l’Union africaine (UA) et dans la région des Grands Lacs. Quinto, le parachèvement des travaux du Programme d’urgence des 100 premiers jours du chef de l’État, comprenant a) la construction et la réhabilitation des routes et des voiries urbaines ; b) la poursuite des travaux des saut de mouton ; c) l’adduction d’eau et l’électrification en milieux rural et urbain ; d) la réhabilitation et l’équipement des écoles et des centres de santé à Kinshasa et en provinces.
Et sexto, des actions urgentes de production agricole et d’approvisionnement de Kinshasa en denrées de première nécessité dans le cadre du Programme agricole d’urgence et d’intervention post-Covid-19 et du Programme volontariste agricole. D’autres investissements ont été réalisés sur financements extérieurs. Il s’agit notamment de l’aménagement de la route Tshikapa-Mbuji-Mayi ; la réhabilitation de l’aéroport de Goma ; la pose de la fibre optique sur l’axe Muanda -Kinshasa ; du développement du système de santé ; la réhabilitation des infrastructures socioéconomiques dans quelques provinces.
Le CBMT 2021-2023
Le cadre budgétaire à moyen terme 2021-2023 a été élaboré par le gouvernement conformément à l’article 13 de la loi relative aux finances publiques. Il contient la prévision de 2021 à 2023, l’évolution de l’ensemble des dépenses et des recettes du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées. Il dégage aussi le solde des opérations financières, de même que l’évolution de l’endettement. De manière succincte, la trajectoire des finances publiques définie dans ce document laisse entrevoir, pour le pouvoir central, un solde nul pour l’exercice 2021, un gap de 2 509,8 milliards de FC pour l’exercice 2022 et de 2 595,2 milliards de FC pour l’exercice 2023.
Au niveau des provinces comme des entités territoriales décentralisées, l’évolution des dépenses et des recettes postule des soldes nuls dans la programmation budgétaire 2021-2023. Pour Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le financement des gaps dégagés au niveau du pouvoir central appelle le gouvernement à multiplier davantage les efforts pour l’amélioration de la fiscalisation de l’économie et la lutte contre l’évasion fiscale. Il appelle également à la levée de fonds sur le marché financier local et extérieur dans le cadre de la stratégie de la dette à moyen terme.
À cet effet, le gouvernement veillera à ce que les emprunts à contracter le soient à des conditions favorables, afin de garantir le caractère solvable de l’État et maintenir le stock de la dette dans des limites acceptables. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que la mise en œuvre satisfaisante de la programmation budgétaire 2021-2023 reste vulnérable à certains facteurs exogènes et endogènes.
Il s’agit principalement du risque macroéconomique lié à la baisse de la croissance ou à des cours de principales matières d’exportation du pays, et du risque lié au non-respect des engagements sur les ressources extérieures.