Forte polémique sur le patrimoine de ceux qui nous dirigent

L’article 99 de la Constitution fait obligation à tout membre de l’exécutif de déclarer ses biens ainsi que ceux de ses proches à la Cour constitutionnelle qui transmet copie au fisc. Or, aucun registre n’est tenu ni à l’Hôtel des impôts, ni à la direction chargée de la parafiscalité.

 

Jusqu’à 21 milliards de dollars. C’est le montant supposé de la fortune de Moïse Katumbi, l’ex-gouverneur du Katanga que l’on considère aussi bien à Lubumbashi qu’à Kinshasa, comme un potentiel candidat à la présidence de la République. Dans le microcosme politique, les supputations vont bon train. Mais personne n’avance la moindre preuve sur cette fortune supposée. La rengaine est la même : le président du TP Mazembe a longtemps dribblé le fisc. L’intéressé rétorque qu’il est issu d’une des trois familles les plus fortunées de l’ex-Zaïre. Depuis, la polémique est loin de se calmer.

La paille dans l’œil du voisin 

L’évêque de Kilwa-Kasenga (Katanga), Mgr Fulgence Muteba s’en est mêlé, soutenant que Moïse Katumbi est issu d’une famille fortunée et qu’il n’a jamais plongé dans la corruption durant ses neuf ans de gestion de l’ancienne province du Katanga.

Pour autant,  selon certaines sources, la fortune de Katumbi serait dans le viseur de la justice congolaise. Certains parlent d’un mauvais procès que l’on voudrait lui intenter. Ils rappellent que le président Kabila s’est doté d’un conseiller spécial en matière de corruption. Que la Cellule nationale de renseignements financiers (CENAREF), créée depuis 2008 en vue de juguler le phénomène de blanchiment de capitaux, de détournements des deniers publics, est restée en veilleuse sept ans après sa mise sur pied. « Il est plus aisé de voir la paille dans l’œil du voisin que la poutre qui pourtant rougit les yeux de manière ostentatoire», a commenté un ancien député, désormais membre du G7 (un groupe de sept partis politiques ayant quitté la majorité). « Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes », renchérit  un cadre de la Direction générale des recettes domaniales, judiciaires, administratives et de participation (DGRAD), qui affirme n’avoir pas connaissance d’une liste du patrimoine d’un quelconque membre de l’exécutif congolais ou d’autres personnages du sérail.

Même les biens des enfants adoptifs

La Constitution est sans équivoque. À propos de l’exécutif, elle stipule qu’avant leur entrée en fonctions et à l’expiration de celles-ci, le président de la République et les membres du gouvernement sont tenus de déposer devant la Cour constitutionnelle, une déclaration écrite de leur patrimoine familial, énumérant leurs biens immeubles, y compris les terrains non bâtis, les forêts, les plantations, les terres agricoles…et tous autres immeubles, avec indication des titres pertinents.

Et que le patrimoine familial inclut les biens du conjoint selon le régime matrimonial, des enfants mineurs et des enfants, même majeurs, à charge du couple. L’article  99 de la Constitution poursuit qu’il revient à la cour Constitutionnelle de communiquer à l’administration fiscale le patrimoine familial de chaque membre de l’Exécutif. Mais le relais de transmission n’a jamais été actionné. Cela dure depuis plus de dix ans.

Le regard est tourné vers la Cour constitutionnelle

La mise en place tardive de la Cour constitutionnelle ne saurait dédouaner l’Exécutif de ce manquement flagrant. D’autant plus que la Cour suprême a fait office de Cour constitutionnelle. Au début de cette année, à la suite du remaniement du cabinet Matata, le ministre des Médias et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, avait soutenu que tous les membres du gouvernement avaient déclaré leur patrimoine. Tout en ajoutant que rendre public ce patrimoine n’était nullement une obligation constitutionnelle.

Qui avait quoi ? Qui a quoi ? 

Déjà, à l’Assemblée nationale, Aubin Minaku avait soutenu l’option d’une déclaration de biens sous scellé. Conséquence de la polémique autour de la fortune de Moïse Katumbi, des voix s’élèvent au sein de la société civile pour que tous les animateurs des institutions publiques (président de la République, Premier ministre, ministres et vice-ministres, gouverneurs de province…) publient sur le site de l’Agence congolaise de presse, tous leurs biens suivant l’esprit et la lettre des dispositions constitutionnelles. Autre réclamation, l’instauration d’un impôt sur les grosses fortunes. Le patrimoine de nos décideurs aura été l’énigme demeurée irrésolue de cette mandature finissante, à côté de la question relative à la double nationalité.  Qui avait quoi ?  Qui a eu quoi durant ces dix dernières années ? Telles sont les questions qui se posent.