EN DEHORS du marché chinois, le constructeur a perdu d’importantes parts de marché, selon l’entreprise d’analyse de stratégie dans l’industrie Dell’oro Group, citée par le Wall Street Journal. Les sanctions américaines à l’encontre du géant chinois des télécoms ont été initiées en 2019 par Donald Trump, l’ancien président américain. Accusée d’espionnage pour le compte des autorités chinoises, Huawei est, depuis, considérée comme une menace pour la sécurité nationale américaine.
Par conséquent, de nombreuses mesures ont été prises, depuis, pour limiter les possibilités commerciales de la firme chinoise, et les États-Unis ont notamment fait pression sur leurs alliés pour qu’ils s’alignent sur leur politique. Aujourd’hui, cela se fait fortement ressentir sur les équipements 5G du géant chinois, lesquels ont été soumis à d’importantes restrictions en Europe, mis à part en Allemagne. Au Royaume-Uni, ils ont tout bonnement été interdits.
En dehors de la Chine, la part de Huawei dans les revenus générés par la vente d’équipements sans fil dans le monde a ainsi baissé de 2 points de pourcentage, pour s’établir à environ 20 % en 2020, selon Dell’oro Group. Ses principaux rivaux sur ce marché, Ericsson et Nokia, bénéficient, quant à eux, de ces restrictions et détiennent respectivement 35 % et 25 % des parts de marché hors de Chine. D’ailleurs, la firme suédoise a vu son chiffre d’affaires bénéficié de la 5G l’année dernière.
Si l’on prend en compte l’Empire du Milieu, toutefois, Huawei reste le numéro 1 du secteur. Le pays asiatique est désormais le plus gros marché de l’industrie et représente un tiers des ventes mondiales. Malgré des difficultés donc, les revenus de la firme ont augmenté en 2020, notamment grâce au marché chinois. « Nous devons oser abandonner certains pays, certains clients, certains produits et certains scénarios », a déclaré Ren Zhengfei, le PDG de Huawei, dans une note adressée à ses employés.
Pour rappel, les sanctions américaines ont poussé Huawei à revendre sa division de smartphones de moyenne gamme Honor. Les ventes de smartphones ont, elles aussi, logiquement été affectées par les restrictions. Ainsi, le géant chinois est passé de leader mondial du secteur à la cinquième position seulement en 2020.
Entrevue avec Biden
Malgré l’arrivée d’un nouveau dirigeant aux États-Unis, les relations entre les deux premières puissances économiques mondiales ne semblent pas s’améliorer. En effet, Joe Biden, le nouveau président des États-Unis, compte bel et bien s’aligner sur la politique de son prédécesseur à la Maison Blanche envers la Chine.
Mais Ren Zhengfei semble bien décidé à repartir sur de bonnes bases avec les États-Unis. Après quatre années très compliquées sous la présidence de Donald Trump, le CEO et fondateur de Huawei appelle à une remise à plat des relations entre les États-Unis et son entreprise. On peut lire dans The Verge que le fondateur de la société technologique a exprimé sa volonté d’échanger avec le président américain. Il espère certainement que la nouvelle administration sera plus ouverte et plus clémente que la précédente.
C’est en s’adressant pour la première fois depuis plus d’un an aux médias internationaux chinois, que Ren Zhengfei a fait connaître sa volonté d’obtenir une entrevue avec le président Joe Biden. Il a dit ceci : « Je serais heureux de recevoir un appel de Joe Biden pour parler avec lui du développement futur de mon entreprise et explorer les pistes de collaboration possibles. Les États-Unis et la Chine doivent développer leurs économies et trouver des synergies car c’est bon pour notre monde et son équilibre financier. »
Il fallait oser, et Ren Zhengfei l’a fait. À ce jour, Huawei est toujours sous le coup des sanctions imposées par Donald Trump. Mi-janvier dernier, à quelques jours de l’investiture de Joe Biden, Trump avait décidé de s’en prendre une dernière fois à Huawei en révoquant de nombreuses licences de vente à la société chinoise. Huit licences ont été ainsi retirées à quatre entreprises, ce qui signifie que de nombreux fournisseurs du géant chinois ne peuvent plus lui vendre de matériel. Sans compter sur le fait que Huawei ne peut plus commercer avec les entreprises américaines, ce qui a un effet évident sur sa croissance.
Pour tenter de sortir la tête de l’eau, l’entreprise chinoise a récemment annoncé qu’elle pourrait céder ses gammes de smartphones P et Mate. Vraisemblablement cela ne sera pas l’objet de l’entretien dont souhaite convenir Ren Zhengfei avec Joe Biden. Il a ajouté dans sa déclaration : « Permettre aux entreprises américaines de fournir des biens aux clients chinois est propice à leurs propres performances financières. Si la capacité de production de Huawei augmentait, cela signifierait que les entreprises américaines pourraient vendre davantage. C’est une situation où tout le monde est gagnant. Je pense que la nouvelle administration va peser et équilibrer ces intérêts. »
Ren Zhengfei a terminé sa déclaration par dire : « J’ai confiance dans la capacité de Huawei à survivre. Nous avons une grande confiance en nos clients. » Huawei reste tout de même un leader en matière d’infrastructures 5G. Il a aussi fait l’éloge de l’iPhone 12 en disant qu’il s’agit du « meilleur smartphone au monde ». Et d’ajouter : « Je suis pleinement conscient que les clients haut de gamme en Europe adorent Apple. Nous faisons justement le constat que depuis que Huawei ne propose plus de smartphones haut de gamme, l’iPhone d’Apple nous aide à prouver que la technologie 5G de Huawei est la meilleure. »
Les Chinois décidés à jouer sur un pied d’égalité avec les Américains
D. L.
Les Chinois se montrent très agressifs envers les Américains. Yang Jiechi, le diplomate en chef chinois, n’a pas mâché ses mots au premier jour du sommet sino-américain en Alaska, le jeudi 18 mars. Un ton agressif qui aurait pris Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, de court, croit savoir le New York Times.
Pourtant, le camp américain avait sorti les griffes le premier en assurant vouloir demander des comptes à Pékin sur Hong Kong, Taïwan et la situation de la minorité musulmane des Ouïghours dans le Xinjiang. « C’était une manière d’indiquer que l’administration Biden ne se contentera pas d’une confrontation économique comme c’était le cas avec Donald Trump, mais compte aussi engager un rapport de force politique », affirme Marc Julienne, le responsable des activités Chine à l’Institut français des relations internationales (IFRI), contacté par France 24.
Pour Pékin, ce sont autant de signes suggérant que Washington serait plus attaché à réactiver un front antichinois qu’à engager un dialogue constructif. « La réaction chinoise est d’autant plus vive que le retour du multilatéralisme dans la stratégie diplomatique américaine sous Joe Biden est jugé plus inquiétant par Pékin que le face-à-face direct prôné par Donald Trump », estime Peter Gries, le directeur du Manchester Chinese Institute à l’université de Manchester, contacté par France 24.
C’est comme une partie de poker, estime Marc Julienne. Un jeu qui peut s’avérer dangereux pour Pékin. Si, après le sommet en Alaska, Washington décide de continuer à faire monter les enchères, il faudra bien que la Chine finisse par dévoiler son jeu. Elle est, certes, un géant économique de premier plan capable de tenir tête à Washington dans une guerre commerciale. Mais pour le reste, elle reste « une puissance incomplète comparée aux États-Unis », affirme Marc Julienne.