Qu’on le veuille ou non, Benyamin Nétanyahou aura marqué de son empreinte l’histoire d’Israël d’une façon décisive. L’homme n’attire pas la sympathie. Même en Israël, sa popularité est incertaine. Mais il dégage une impression de puissance qui force l’admiration. En face de lui, les Palestiniens sont défaits, entre le régime vieillissant et corrompu de Mahmoud Abbas et la violence sans stratégie du Hamas.
Quant au monde arabe, il détourne son regard et laisse faire. Il a d’autres soucis, en Syrie, en Irak, au Yémen, en Libye, mais surtout avec l’Iran qui avance ses pions de façon menaçante. Benyamin Nétanyahou peut donc faire son marché sans être dérangé et profiter tout à loisir de la présence de Donald Trump à la Maison Blanche. Il a donc convaincu sans peine les Américains de transférer le siège de leur ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, foulant au pied les résolutions du Conseil de sécurité et le droit international. Après quelques hauts cris plutôt convenus, la communauté internationale s’est résignée sans trop de peine au fait accompli. La nouvelle proclamation de Nétanyahou, ratifiée par la Knesset, selon laquelle Israël est l’Etat-nation du peuple juif provoquera les mêmes réactions internationales : un peu d’indignation, beaucoup d’indifférence.
Tous les juifs du monde sont peut-être peu ou prou d’accord avec cette définition d’Israël, laquelle se rattache d’ailleurs directement à la déclaration Balfour d’il y a cent ans. Oui bien sûr, conformément à ce qui avait été promis par lord Balfour en 1917, l’Etat d’Israël a été créé après la Seconde Guerre mondiale pour donner aux Juifs une terre et un Etat où vivre enfin en sécurité après le martyre de la Shoah. Il n’y a rien à dire à cela.
Mais le problème palestinien demeure, et cette déclaration ne fait que le compliquer un peu plus. Chaque jour qui passe rend de plus en plus improbable et irréaliste l’idée qu’un Etat palestinien puisse voir le jour à côté d’Israël. C’est pourquoi un nombre croissant d’observateurs suggérait qu’Israël devienne l’Etat de toute la Palestine, incluant ensemble les Juifs et les Palestiniens dans une citoyenneté commune. Benyamin Nétanyahou vient de fermer cette porte à peine entrouverte. Il l’a fait à sa manière, toute en brutalité, en la claquant au nez des Palestiniens auxquels il signifie qu’il n’y aura jamais de place en Israël pour une citoyenneté palestinienne, ni pour ceux qui vivent en Cisjordanie, à Jérusalem ou à Gaza, ni pour les Palestiniens condamnés à croupir à perpétuité dans les camps de réfugiés du Liban, de Jordanie ou d’ailleurs. Logiquement la prochaine étape, ce sera l’annexion de la Cisjordanie. Mais rien ne presse. Il faut que la décomposition des institutions palestiniennes se poursuive et aille à son terme. Il faut que la jeunesse palestinienne comprenne, ce qu’elle fait de mieux en mieux, qu’il n’y a pas d’avenir pour elle sur place et qu’elle doit s’en aller.
Telle est la dure loi de Nétanyahou ! Le jour viendra, je le crois, où la communauté internationale se reprochera amèrement d’avoir fermé les yeux, sans être capable de faire autre chose que de substituer à l’injuste exil du peuple juif l’exil injuste du peuple palestinien. Ce jour viendra dans dix ans, dans cent ans, lorsque, du fond de leur exil, abandonnés de tous, des Palestiniens relèveront la tête et reprendront la complainte du Juif-Errant : «L’an prochain à Jérusalem !»