Six ans après l’adhésion à l’accord New Deal, quel bilan pour la RDC ?

Accord international, le New Deal prône des fondements économiques solides, des revenus adéquats et des services fiables sur fond de légitimité politique, sécurité, justice pour les États fragiles. La RDC qui compte parmi ces États, tâtonne encore.

LE CONSTAT a été établi par des associations de la société civile, dont Action citoyenne pour le développement intégral du Congo, Association des femmes juristes du Congo, Syndicat des agents et fonctionnaires de l’État, lors d’une réévaluation du budget 2018. La République démocratique du Congo a intégré le New Deal en février 2012 et à la demande du NEPAD, elle a organisé en novembre 2014 à Kinshasa un atelier régional (Afrique).

Plusieurs experts du gouvernement, des acteurs de la société civile et du secteur privé ainsi que des partenaires au développement ont pris part à ces assises en vue d’élaborer une feuille de route de mise en œuvre des engagements, à même de permettre à la RDC de tirer profit du New Deal et d’une gestion repensée de l’aide au développement. Il sied de rappeler que le New Deal pour l’engagement dans les États fragiles est un accord international passé entre les États en situation de fragilité et de conflit, les partenaires au développement et la société civile pour améliorer la politique de développement et les pratiques actuelles dans les États fragiles et touchés par un conflit. 

Les engagements de G7

Le New deal a été développé grâce au Dialogue international et ratifié par plus de 40 pays et organisations lors du 4è Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide, le 30 novembre 2011, à Busan, en Corée du Sud. Les partenaires au développement se sont, en effet, engagés à soutenir des plans de développement appropriés et une plus grande efficacité de l’aide dans les situations de fragilité (les principes TRUST). Et les gouvernements du G7+ la Russie, de leur côté, se sont engagés à suivre des processus de planification inclusifs et fondés sur le contexte (les principes FOCUS). Les deux parties se sont engagées à poursuivre les cinq objectifs de consolidation de la paix et de renforcement de l’État (PSG) : politiques légitimes, justice, sécurité, services et revenus et fondements économiques. 

Cependant, les associations de la société civile estiment que « vu la dimension fourniture de services, dans sa sous-dimension Accès et Bonne Distribution des Services de Base (Santé, éducation, eau, électricité, transport, communication, assainissement …) du PSG5 Revenus et Services, la société civile relève qu’il sera difficile de les atteindre au regard des prévisions budgétaires allouées à ces secteurs pour atteindre le niveau de résilience ». 

Et de poursuivre : « S’agissant de l’axe prioritaire du Gouvernement visant à stopper la dégradation de la situation économique du pays, la Société Civile note que les mesures préconisées se sont révélées inefficaces. 

Car, les paramètres de l’amélioration du climat des affaires sont en train de se détériorer sévèrement, hypothéquant ainsi les capacités du Gouvernement à améliorer la mobilisation de ses recettes. À titre d’exemple, les sociétés comme Nestlé, Bralima (Boma, Mbandaka) ont fermé et plusieurs entreprises sont pratiquement en cessation de paiement avec risque de mettre les employés en congé technique. »

Rémunérations

Notons que les prévisions en recettes pour l’exercice 2018 se chiffrent à 10 313 285 661 199,3 FC et dégagent un taux de régression de 10,5 %, par rapport à 11 524 534 946 590 FC votés en  2017. La société civile s’inquiète de la baisse des recettes au regard des défis à relever pour une année électorale en tenant compte du taux de réalisation probable pour fin 2017 qui est évalué à 44,7 %. Les recettes internes constituées de recettes courantes et exceptionnelles se chiffrent à 6 665 369 952 775 FC. Les recettes extérieures qui représentent 25 % du budget général se chiffrent à 2 249 708 044 544 FC, contre 3 847 274 804 245 FC en 2017, soit une régression de 41,5 %. La société civile fait remarquer que les ressources attendues du gouvernement pour financer les investissements envisagés en 2018 proviendraient à 25 % des partenaires. Toutefois, les prévisions des ressources extérieures pour le financement des investissements sont en régression de 60 % par rapport à la loi de finances 2017. 

Sécurité sociale

La société civile dit « rester  très préoccupée du faible taux de mobilisation des recettes intérieures et de la tendance généralement faible de réalisation de ces recettes observées par le passé en dépit de ses multiples recommandations sur des mesures d’arrêt des coulages des recettes du Trésor public ». Pour la mouvance de la société civile, « le faible niveau de mobilisation des recettes est dû principalement au coulage, comprenant la négligence des régies financières et des services d’assiette dans le recouvrement des impôts et taxes, de l’absence de l’informatisation de la chaîne des recettes, les détournements des recettes fiscales, la fraude fiscale, la réticence des contribuables à s’acquitter de leurs obligations fiscales, l’incivisme fiscal, etc. ». 

Pourtant, avec un PIB estimé à 79 735 milliards de francs, la RDC aurait dû avoir un budget d’environ 14 milliards de dollars, estime la société civile qui déplore les contradictions des chiffres avancés par les services de l’État. Par ailleurs, l’analyse des prévisions des dépenses prévues en 2018 (10 313 285 661 199,3 FC), par rubriques et sections, la société civile note un éloignement de la RDC vis-à-vis des objectifs de New deal pour les États fragiles. L’enveloppe globale des rémunérations est de l’ordre de  2 590 000 000 000 FC, soit 29,5 % du budget global 2018 et 5,3 % du PIB, contre 2 503 602 334 785 FC en 2017. Pour la société civile, « les rémunérations des agents publics de l’État sont ainsi inéquitables et non conformes aux dispositions constitutionnelles, légales et réglementaires en la matière, en dépit de ce que leur enveloppe globale représente (…). 

De même, leurs structures sont aussi non conformes aux dispositions légales sus-évoquées, les primes pour la plupart des cas dépassant largement le salaire de base ». Ce qui, selon les affirmations de la société civile, a des incidences négatives sur les pensions de retraite tant dans le cadre de l’ancien « Régime octroyé » que de celui du nouveau « Régime contributif » des retraites. La société civile estime que les conditions de vie sociale des agents et fonctionnaires de l’État ne sauraient s’améliorer au regard de la baisse constante de leur pouvoir d’achat. 

Le montant total alloué aux réformes institutionnelles, notamment celles des réformes des finances publiques, de l’Administration publique et de l’enseignement primaire, secondaire et professionnel est de l’ordre de 20 000 000 000 FC. Une goutte d’eau dans un océan des besoins financiers.