Le Fonds des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a revu à la hausse ses prévisions relatives à la production mondiale des céréales, qui atteindrait 2 611 millions de tonnes, soit un record historique, suite à la baisse des cours des matières agricoles alimentaires. Parallèlement aux céréales, l’indice FAO des prix de la viande a chuté de 1,2 % au cours du mois d’août, tandis que celui des prix du sucre a reculé de 1,7 % du fait à la fois de perspectives des récoltes de cannes à sucre favorables dans d’importants pays producteurs (Brésil, Thaïlande, Inde) et d’une demande internationale plus faible suite à la hausse des tarifs par la Chine et l’Inde. La FAO a collecté ses données auprès des sources qu’elle considère les plus sûres.
En République démocratique du Congo, plus de 80 % des céréales consommés sont importés. Les importations en nourriture coûtent chaque année 1,5 milliard de dollars. Les pouvoirs publics cherchent à se rapprocher d’un objectif : l’autosuffisance alimentaire. Mais comment y parvenir ? C’est la où réside le hic. À quelque chose, malheur est parfois bon, dit un adage français. La crise financière internationale due à la chute des cours mondiaux des matières premières a fait que le gouvernement a décidé de reprendre sa politique agricole. Dans le but de relancer la production et de diversifier l’économie, le gouvernement a décidé, en mode urgence, l’octroi des crédits aux structures publiques de production agricole, comme le DAIPN et Bukanga-Lonzo, et l’octroi des crédits aux structures agro-pastorales privées développant des projets rentables.
La politique gouvernementale en matière agricole, telle que définie en 2012, a deux volets principaux : le soutien aux petits exploitants et les partenariats public-privé. Pour atteindre l’objectif de l’autosuffisance alimentaire, le gouvernement s’est doté des stratégies d’intensification de la production vivrière par la mécanisation agricole, l’amélioration des infrastructures (notamment routières), la mise à disposition des intrants agricoles aux agriculteurs… Bref, il s’agit de redynamiser l’agriculture à la base, par la mobilisation et l’encadrement des paysans (1 ha pour un ménage), de manière à intensifier la production du maïs, du riz, du manioc, des haricots, de la pomme de terre, de la patate douce, de l’arachide, de la banane…
En ce qui concerne la mécanisation agricole, le gouvernement avait commencé de distribuer des engins (de 750 à 1000 tracteurs/an avec accessoires et pièces de rechange), de manière à exploiter 100 ha en moyenne par tracteur/campagne, et de relancer quelque 1 790 exploitations agroindustrielles existantes et/ou abandonnées. Mais ce programme s’est arrêté. Outre l’appui aux petits exploitants, la politique de relance de la production agricole vise, à travers la formule partenariat public-privé, la mécanisation des grands blocs de champs (cultures industrielles : café, huile de palme, hévéa, coton, sucre, thé, cacao…) avec l’implication des privés et l’appui budgétaire gouvernemental.
À cet effet, le complexe agro-industriel de Bukanga Lonzo est un exemple parfait de ce partenariat. Financé par l’État, il est géré par une entreprise sud-africaine, Africom Commodities, qui s’est engagée à employer et à transmettre son savoir-faire à plusieurs centaines de travailleurs congolais. Pour l’heure, ils produisent, transforment, conditionnent et distribuent localement 1000 tonnes de maïs par mois. Le maïs de Bukanga Lonzo était vendu un peu moins cher que la moyenne, (entre 12 000 et 15 000 francs). Doté de sa propre centrale électrique, le parc compte aussi accueillir des éleveurs – de porcs, de poulets -, de nouvelles usines de transformation des produits et un réservoir d’eau. Il faut dire que l’espace ne manque pas : le parc de Bukanga Lonzo s’étend sur 75 000 hectares.
Cette politique est en phase avec les recommandations des institutions financières internationales. Selon la Banque africaine de développement (BAD), par exemple, le développement marchand de l’agriculture en Afrique pourrait représenter un investissement très important, pourvu que les agriculteurs africains accèdent à des fonds supplémentaires, à l’électricité, à une meilleure technologie et avec le soutien des gouvernements. En décembre 2016, la Conférence économique africaine s’est tenu à Abuja (Nigeria) sur le thème : « Nourrir l’Afrique : vers une agro-industrialisation pour une croissance inclusive ». On y a parlé de l’élimination de la pauvreté, de la lutte contre la faim et de l’insécurité alimentaire… qui correspondent aux deux premiers Objectifs de développement durable (ODD) que les Nations unies ont adopté en septembre 2015.
La Commission économique pour l’Afrique (CEA) a lancé à cette occasion un appel à une nouvelle politique pour soutenir l’agro-industrialisation de l’Afrique. Les experts de cette institution sont d’avis que l’Afrique peut apporter beaucoup à l’industrialisation des produits de base et à l’agro-alliance avec de nouvelles approches politiques. Ce qui permettra de réduire la facture des importations, surtout de produits alimentaires. La CEA milite pour la planification, en faisant valoir que le rôle essentiel de l’État dans la transformation structurelle de l’Afrique. La CEA parle de la nécessité d’une nouvelle politique des approches pour booster la production agricole.
Conditions de réussite
Elle ne pourra pas être réalisée sans des institutions fortes et inclusives qui soient soutenues par des plans de développement et par des mécanismes de politique industrielle novateurs et souples. Pour cela, il faudrait prendre les mesures appropriées en mettant l’accent sur le développement des compétences, les capacités technologiques et l’accès aux capitaux et aux marchés, ainsi que sur la coopération entre les acheteurs et les fournisseurs à chaque étape de la chaîne de valeur. Les gouvernements africains sont donc encouragés à soutenir l’agriculture afin de diversifier et transformer l’économie dans un contexte marqué par la crise des cours des matières premières, moteur des économies nationales. La CEA devrait suggérer de bonnes pratiques à même d’aider les pays africains à transformer leur production agricole pour une croissance plus durable.
L’agriculture contribue à plus de 28 % du PIB de l’Afrique et détient la clé pour une croissance accélérée, la diversification et la création d’emplois pour les économies africaines, selon la BAD. Accroître la production agricole par la mécanisation, la transformation, la commercialisation et la réhabilitation des pistes rurales d’intérêt économique.
Tel est le défi que la principale institution financière africaine tient à relever. La BAD a fait le pari de sortir l’agriculture du continent des sentiers battus. Celle-ci se caractérise par des petites exploitations familiales, dont l’équipement et, par conséquent, la productivité, sont limités. Dans le secteur laitier, l’Afrique compte un tiers des vaches laitières du monde.