LE COMMENTAIRE commence par « Sur instruction de la haute hiérarchie, la Ville de Kinshasa a signé un accord de partenariat public-privé avec Starstone pour le développement de La Corniche de Kinshasa ». De quelle « haute hiérarchie » est-il question ici ? La précision vient du communiqué officiel n° SC/0008/BGV/GPK/AFF.F.AGRI.DR/SMI/2018 daté du 11 juin 2018 et signé par André Kimbuta Yango, le gouverneur de Kinshasa sortant, lui-même.
Dans ce communiqué, le gouverneur de la Ville de Kinshasa porte à la connaissance du public que le Projet d’aménagement de La Corniche de Kinshasa a été adopté et approuvé par décision du Conseil des ministres du 8 mai 2018. Par conséquent, l’autorité urbaine invitait « quiconque aurait des prétentions de propriété sur les espaces se trouvant dans le périmètre de réalisation de ce projet à se présenter muni des titres justifiant lesdites prétentions au cabinet du ministre provincial des Affaires foncières, de l’Agriculture et du Développement rural, sis au 3è étage de l’Hôtel du Gouvernement provincial, pour identification dans les 72 heures qui suivent la diffusion du présent communiqué ».
Le projet répond-il à un besoin?
Par ailleurs, nulle trace de l’accord de partenariat public-privé entre la Ville de Kinshasa et Starstone sur le projet de La Corniche. Néanmoins, dans la vidéo en question, on explique qu’il s’agit d’un projet immobilier et d’urbanisation à usage mixte sur une superficie totale de 187 ha.
Ce projet répond à « un besoin au sein du marché immobilier et celui des infrastructures de la Ville de Kinshasa qui n’exploite pas suffisamment la valeur des vues et la proximité du fleuve Congo, tant pour les espaces publics que pour le développement immobilier ».
Le projet est divisé en quatre Zones. La Zone I qui part de la résidence actuelle de l’ambassadeur de France jusqu’à la clôture du Palais de la Nation, s’étend sur une superficie de 24,56 ha, dont 9,02 ha sur la terre ferme et 15,54 ha à gagner sur le fleuve.
Il y sera érigé un restaurant, des commerces, des logements collectifs et des maisons individuelles.La Zone II s’étend du Palais de la Nation à l’embouchure de la rivière Gombe sur une superficie de 33,07 ha, dont 11,80 ha sur la terre ferme et 21,07 à gagner sur le fleuve. Il y sera construit un restaurant, des commerces, un hôtel et des logements collectifs.
La Zone III, la plus importante, va de la rivière Gombe au chantier naval de Chanimétal au niveau de la baie de Ngaliema sur une superficie de 77,79 ha, dont 67,86 ha sur la terre ferme et 9,93 ha à gagner sur le fleuve. Elle comprendra des bureaux, un restaurant, des commerces, un hôtel, un river club, des logements collectifs, des maisons individuelles, un parc thématique (45 000 m²) et un théâtre.
Enfin, la Zone IV s’étend du chantier naval de Chanimétal jusqu’au collecteur situé au Mont Ngaliema, soit une superficie de 52,23 ha, dont 24,71 ha sur la terre ferme et 27,52 ha à gagner sur le fleuve. Elle comprendra des bureaux, un restaurant, des commerces, un hôtel, des logements collectifs, culturel et éducationnel, un centre culturel.
Le documentaire de présentation du projet précise que 60 % des terres aménagées revenant à la partie privée seront mises à la disposition des promoteurs immobiliers, locaux et internationaux. En revanche, 40 % des terres seront directement exploitées par le Groupe Starstone en République démocratique du Congo, et ce, conformément au cahier des charges et aux plans architecturaux élaborés.
Les travaux de construction des digues pour les quatre zones vont coûter 95 276 864 dollars ; tandis que les travaux de construction des remblais, 73 204 040 dollars. Par ailleurs, les travaux des voiries, des réseaux et de drainage sont estimés à 255 460 784 dollars. Coût global des travaux : 423 941 488 dollars. En ce qui concerne les travaux de construction des bâtiments sur les 40 % des terrains à développer directement par Startone, l’investissement est évalué à 880 520 070 dollars.
La vidéo précise également que le démarrage effectif de ce projet nécessite l’octroi des titres de propriété sur la partie de terre ferme ainsi que la délivrance des autorisations nécessaires afin de pouvoir effectuer les travaux de remblai sur le fleuve. D’après le rapport établi par la commission d’experts des ministères et administrations concernés, il a été fait état de l’existence des espaces couverts par des titres de propriété ou faisant l’objet des prétentions des tiers.
Expropriation en règle
Il apparaît dès lors nécessaire d’amorcer la procédure d’expropriation préalable pour cause d’utilité publique. Le promoteur est disposé à prendre en charge les frais d’indemnisation compte tenu de l’importance des investissements consentis. Sur le plan fiscal, il a été convenu que ce projet puisse bénéficier du régime des Zones économiques spéciales (ZES).
Dans le cadre de ce partenariat public-privé, l’État congolais va bénéficier des 20 % de l’ensemble des terrains aménagés, destinés à la construction d’un hôpital, des écoles, des aires de jeux, des parcs, des jardins publics et autres espaces récréatifs aménagés, des bâtiments administratifs, des routes ainsi que d’une promenade de 8.5 km, un Shopping Mall de 50 000 m², à charge du promoteur. En outre, l’État congolais percevra une redevance équivalente à 5 % du montant de la vente de parcelles de terre effectuée par les partenaires pendant toute la durée du contrat (combien d’années ?), et ce, en sus des impôts et taxes à percevoir par les services compétents de l’État.
Toutes choses restant égales par ailleurs, il était prévu que les études et les travaux de construction des digues, des remblais, des voiries, des réseaux et de drainage soient effectués dans la période allant du deuxième trimestre de 2018 au premier trimestre de 2019. Toutefois, la durée de réalisation du projet s’étale sur 15 ans. Du point de vue environnemental, les études bathymétriques (en rapport avec la mesure de la profondeur) et de courantologie (étude des mouvements internes ou courants des masses d’eau) sont en cours afin de déterminer les effets du mouvement interne des eaux de masse à la suite de la réduction du lit du fleuve par la construction des digues et des plateformes, d’une part, et, d’autre part, de déterminer la profondeur du lit du fleuve par rapport à la topographie du sol ainsi récupéré.
*Cet article a été publié dans l’édition n°221.