Aprés les hostilités, A COMBIEN SE CHIFFRENT LES DEGATS ECONOMIQUES DE L’AVENTURE GUERRIERE DE LA REBELLION ? Qui payera la facture ?
Le M-23 est désormais défait militairement. L’Envoyé spécial des USA dans la région des Grands-Lacs l’a reconnu. A l’actif de ce mouvement rebelle, l’on peut noter les massacres, les viols, les pillages, la perception de multiples taxes (routière, douanière, animalière, droits de passage…), la désolation… Et l’on se demande à ce jour : « Qui va payer les dégâts causés par cette guerre». Les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), appuyées par les casques bleus de la MONUSCO (Mission de Nations Unies pour la Stabilisation du Congo), ont continué jusqu’en fin de semaine dernière leurs offensives contre les rebelles du M-23 dans les localités de Mbuzi, Tshanzu… Tout est parti de la récupération à partir du 25 octobre 2013 par les FARDC des localités de Kibumba, Kanyarushinya, Kiwanja, Rutshuru, Runyonyi, Rumangabo… Le point d’orgue a été la prise de Bunagana, près de la frontière avec l’Ouganda, mercredi 30 octobre dernier vers 13 heures 30. Cette cité ayant été érigée en quartier général dix-huit mois durant par les hommes du M-23 et leurs alliés de Rwandan Defense Forces (RDF). La chute de cette forteresse passée pour la capitale économique du M 23 a réjoui plus d’un Congolais au point de pousser le Chef de l’Etat à réagir.
Dans son message télévisé adressé à la Nation le même jour, Joseph Kabila a félicité les FARDC et appelé tous les groupes armés à déposer les armes. Il a même prévenu, que faute de quoi, le Gouvernement n’aura d’autre option que de les y contraindre par la force. A la même occasion, le Président de la République a demandé aux pays voisins de respecter l’Accord cadre d’Addis-Abeba ainsi que la résolution 2098 du Conseil de sécurité des Nations-Unies qu’il a qualifiés de « voie royale pour la paix et la stabilité dans la région ».
Pour les observateurs, la déroute imposée aux rebelles du M 23 a été consécutive à l’engagement de la Tanzanie, du Malawi et de la République sud africaine (RSA) aux côtés des FARDC. En fin de semaine dernière, les rebelles du M-23 étaient encore signalés dans les montagnes surplombant la frontière entre la RDC et l’Ouganda, leurs chefs, notamment Bertrand Bisimwa, s’étant réfugiés à Kampala, capitale de l’Ouganda.
Les analystes pensent que désormais, il revient, grâce aux victoires militaires et à la détermination des politiques à se dépasser, aux présidents ougandais Yoweri Kaguta Museveni, rwandais Paul Kagame et RD congolais Joseph Kabila de se mettre autour d’une table pour régler définitivement la question sécuritaire dans la région des Grands-Lacs. Ils estiment que les négociations de Kampala sont un processus biaisé pouvant permettre tout de même l’ouverture de véritables négociations devant aboutir à un accord durable. Cet avis est partagé par un chercheur à l’organisation Enough Project, M. Fidel Bafilemba. Celui-ci a déclaré samedi 02 novembre dernier sur les antennes de RFI qu’il n’y aura pas de solutions durables si les présidents Kagame et Museveni ne sont pas ramenés à la table des négociations, puisque… les véritables négociations devraient se faire entre les deux présidents, Museveni et Kagamé, avec Kabila, pour que finalement on puisse trouver une stratégie de sortie de crise de manière définitive.
Coûts de l’aventure guerrière du M-23
Pour les polémologues, chaque guerre a un coût. Cela étant, l’aventure guerrière dans laquelle s’est engagé le M-23 ne fait pas exception à cette règle. En effet, le coût de la guerre de l’Est est énorme et devra être évalué. Il est à la fois humain, matériel, éducatif, psychologique… Le monde entier a été gagné par la chair de poule à chaque traversée d’une contrée par des rebelles du M-23. Ceux-ci violaient des femmes, violentaient des filles, achevaient des malades et des personnes vivant avec handicap, pillaient des maisons et terrorisaient des habitants obligés à fuir dans les forêts ou à se réfugier dans les pays voisins, notamment au Rwanda et en Ouganda pour se mettre à l’abri. Depuis, la création du Conseil National pour la Défense du Peuple (CNDP) et de sa dissidence le M-23, les morts se comptent en termes de milliers dans la province du Nord Kivu. Dans cette comptabilité macabre, il y a d’une part des victimes de balles, c’est-à-dire les gens fauchés entre les feux des belligérants et, d’autre part, des personnes qui meurent à la suite des effets collatéraux de la guerre, à savoir la faim, les maladies (maladies hydriques comme les diarrhées… ; le choléra, le VIH/Sida, la malaria…), les viols (notre confrère Le Figaro a rapporté dans sa livraison du 11 juillet dernier que des soldats armés porteurs du Sida étaient payés deux fois plus cher pour violer les femmes pendant cette guerre)… Le Nord-Kivu, particulièrement la cité de Kibumba, est aujourd’hui jonché des fosses communes, indices des passages du M-23 de sorte que seul Dieu connaît exactement le bilan humain de l’aventure guerrière du M-23. Mais des organisations internationales sérieuses l’évaluent en millions de morts. C’est le cas notamment Global Witness, Caritas, Global Fund for Women, International Rescue Comitee (IRC)… A titre d’exemple, IRC fait observer dans son ‘’Rapport spécial sur le Congo’’ que ce conflit serait le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale et on compterait, à ce jour, plus de 6 millions de morts principalement de famine et de maladie.
Conséquences économiques
A côté de ce bilan humain, la guerre de l’Est a totalement paralysé l’activité économique dans la province du Nord-Kivu. L’on sait que les chefs du M-23 se payaient sur la bête par les différentes taxes qu’ils ont instituées, mais surtout à travers les mines d’or et de coltan qu’ils ont ouvertes ici et là à telle enseigne que leurs fortunes sont évaluées aujourd’hui en millions $ US, tel que révélé dans les différents rapports des l’ONU. Pire, les rebelles se sont constitués de véritables butins de guerre. L’on sait, par exemple, que lors de la prise de la capitale du Nord-Kivu en novembre 2012, rien n’a été épargné à Goma. Des colonnes de véhicules bondés des biens ont traversé la frontière pour le Rwanda au point où même les caisses et le moteur de la morgue de l’hôpital de référence de la capitale du Nord-Kivu ont été emportés de l’autre côté de la frontière, chez des parrains présumés de ce mouvement rebelle. C’est pour cela qu’un des rapports de l’ONU a révélé que Kigali gagne de grands intérêts à maintenir l’insécurité à l’Est de la RDC.
Province à vocation agricole grâce à ses terres riches et à ses lacs poissonneux, le Nord-Kivu est en butte aujourd’hui à la crise alimentaire et le nombre des malnutris y va croissant de jour en jour. Le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku l’a reconnu entre les lignes en relevant qu’il doit plaider auprès du Chef de l’Etat pour la relance de l’économie de la région.
Les conséquences de la guerre de l’Est touchent également le secteur éducatif. Les écoles ont été incendiées, les enfants poussés au chômage forcé. L’on rapporte que le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations unies en RDC, Martin Kobler, a été gêné mercredi 27 octobre 2013 dans la cité de Kiwanja quand un adolescent lui a posé la question de savoir quand il reprendra le chemin de l’école ou quand la rentrée scolaire aura lieu. Ce n’est pas tout. Les populations du Nord-Kivu sont traumatisées et elles le seront encore pendant longtemps pour avoir vécu en direct les tueries, les viols et autres affres de la guerre de ceux qui se réclament « libérateurs ». Tout cela a un coût. Les avis de plusieurs experts économiques s’accordent qu’il peut atteindre plusieurs milliards $ US. Abordant cette question, un député britannique a parlé dernièrement de plus de 5 milliards $ US. Cela est indiscutable puisque cette partie du pays détient un potentiel économique énorme ne demandant que la paix pour sa transformation en véritable richesse. Pour tirer cette affaire au clair, le Gouvernement congolais est ainsi appelé à commanditer une étude sérieuse, inattaquable sur le plan scientifique, pour chiffrer les dégâts réels de l’aventure belliqueuse du M-23 sur la partie orientale de la RDC. Il n’a pas à se dérober dans une communication paradoxale dès lors qu’il avait déjà donné de la voix à ce sujet. Pour rappel, le Premier ministre Matata Ponyo avait parlé, lors de la présentation du projet de loi des finances pour l’exercice 2013, lundi 5 novembre 2012 devant l’Assemblée nationale, de tous les dégâts collatéraux de la guerre dans l’Est au niveau des finances publiques, particulièrement sur l’équilibre du cadre macro-économique ; lesquels dégâts étaient, selon lui, consécutifs à la non collecte des recettes le long du corridor douanier de cette partie du territoire. Dernièrement, les opérateurs économiques membres de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) ont soutenu, mercredi 18 juillet dernier à Kinshasa, la pétition des confessions religieuses de la RDC, demandant au Conseil de sécurité de l’ONU de prendre des mesures contre Kigali. A cette occasion, le président de la FEC, Albert Yuma, a indiqué que son association était partie prenante dans cette action, surtout que les opérateurs économiques étaient parmi les premières victimes de la guerre de l’Est.
Voila donc l’occasion d’inviter tout le monde, chercheurs, journalistes, médecins, ingénieurs, hommes d’affaires, acteurs politiques à se mettre autour d’une même table pour réfléchir dans la perspective d’évaluer les dégâts et de proposer des pistes de solution pour la relance économique de la RDC.