La FEC dans une posture conciliante avec le gouvernement

Jeudi 28 novembre, Albert Yuma Mulimbi a été moins tranchant et percutant que d’habitude. Mais pas question de céder du terrain sur le registre de ce que les entreprises regardent comme un droit.

IL Y AVAIT ce soir-là dans la grande salle de la FEC sur l’avenue des aviateurs, des membres du gouvernement venus assister à la cérémonie de double rentrée (en vigueur depuis l’année dernière) du principal patronat du pays. Albert Yuma Mulimbi, le président national de la Fédération des entreprises du Congo, avait auparavant accompli le même rituel à Lubumbashi, chef-lieu de la province du Haut-Katanga, le 25 octobre 2019. Les deux événements de l’année sont à placer dans le contexte d’alternance politique au pays qui suscite encore des grandes attentes non seulement de la population préoccupée par l’amélioration des conditions socio-économiques, mais aussi des milieux d’affaires.

Prenant la parole, le premier d’entre les patrons du pays a, comme à son habitude, regarder le gouvernement représenté droit dans les yeux, mais en usant des mots justes pour faire passer son message. 

Les doléances de la FEC

Le secteur privé dans son ensemble attend beaucoup du budget de l’État évalué à dix milliards de dollars. La Fédération des entreprises du Congo est préoccupée par le relèvement de la pression fiscale de 9 % à 13%. La FEC s’inquiète que cela ne puisse pas traduire dans les faits la volonté du gouvernement d’accroître l’assiette fiscale. Pour Albert Yuma, l’État ne devrait pas élargir son assiette fiscale en relevant la pression, mais envisager plutôt des « mécanismes lutte contre la fraude fiscale massive ».

Toutefois, a laissé entendre son président national, la FEC est vent débout pour accompagner le gouvernement dans la mise en œuvre de tout programme économique efficace. D’ailleurs, le mémo que le patronat a transmis au gouvernement série les propositions des entreprises à cet effet. La FEC en appelle à une rencontre avec les autorités du pays afin d’échanger sans faux-fuyants, notamment à propos des questions pendantes.

Rien à faire, a tranché dans le vif Albert Yuma : « Le 1ER Ministre doit initier des réformes et amener le pays vers l’essor. La FEC lui apportera aide et soutien, comme elle l’a toujours fait. » Last but not the least, il a déploré la multiplicité des contrôles effectués par les agents de l’État auprès des opérateurs économiques. Lesquels n’ont qu’un seul souci en cette période de fin d’année : approvisionner la population en denrées alimentaires. La FEC sollicite donc du gouvernement et en faveur des opérateurs économiques un moratoire.

En effet, à l’approche des fêtes de fin d’année, on observe un phénomène : la pénurie des produits alimentaires, notamment les vivres de consommation courante, qui entraîne une flambée des prix sur le marché. Mais il y a aussi la part de la surenchère (spéculation) pendant la période des fêtes. Actuellement, les importations alimentaires sont évaluées à plus de 1,5 milliard de dollars, ce qui fait échapper les devises à l’État et rend la population dépendante des produits importés.Pour l’instant, explique-t-on, la hausse des prix actuelle est l’effet de la dépréciation du franc congolais par rapport au dollar sur le marché de change. À l’officiel, le taux est de 1 dollar contre 1 666, tandis qu’au parallèle c’est la parité USD 1=CDF 1 710. Au début du mois de novembre, le Comité de politique monétaire de la Banque centrale du Congo (BCC) a constaté une légère accélération du rythme de formation des prix sur le marché des biens et services. En rythme mensuel, le taux d’inflation s’est situé à 0,42 % en octobre, contre 0,37 % en septembre, portant le cumul à 3,5 %, contre 6,7 % à la période correspondante de 2018.

Approche au cas par cas

C’était aussi l’occasion pour le président national de la FEC de s’adresser plus spécifiquement aux responsables de l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM), de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et de l’Institut national de préparation professionnelle (INPP). Albert Yuma a fait part des déceptions des entreprises à propos de la fiche électronique de renseignement à l’exportation (FERE), de la fiche électronique de renseignement à l’importation (FERI) et de l’attestation de destination (AD). Les membres de la FEC suggèrent de réduire sensiblement les frais de la FERI à 40 dollars.

Pour rappel, l’OGEFREM compte sur la collaboration de la FEC pour le succès de la réforme sur la traçabilité des marchandises (dédouanement). L’enjeu consiste à capitaliser mutuellement les avantages de la FERE, de la FERI et l’AD.

Alors, Patient Sayiba, le directeur général de l’OGEFREM, est intervenu, pour rassurer les membres de la FEC sur l’utilisation de ces documents. D’après lui, il n’y a pas une double taxation. Au contraire, la réforme a pour avantage d’offrir trois documents initiés dans la traçabilité des opérations de dédouanement. Grâce à ces documents, a-t-il précisé, l’État est en mesure d’avoir les informations en temps réel sur la marchandise qui arrive sur son sol, sur le transporteur, sur la destination, sur le fournisseur, sur le port d’embarquement, sur le port de transit et sur la quantité de la cargaison. « Cette traçabilité permet à l’État congolais de rentrer dans ses droits. Ces documents lui permettent également de lutter contre la fraude »,  a souligné Patient Sayiba.

Et de poursuivre : « Avant, des marchandises se perdaient dans les pays de transit, l’utilisation de ces nouveaux documents change cette donne au profit de l’opérateur économique. Aujourd’hui, grâce à ces documents de traçabilité, les minerais de la RDC, jadis qualifiés de minerais de sang, ne le sont plus. Ces fiches permettent de labelliser les marchandises venant de notre pays. » Malheureusement, déplore Patient Sayiba, l’instauration de ces documents est mal comprise alors que l’objectif principal est d’apporter assistance aux chargeurs. 

Pour lui, il y a nécessité que la FEC sensibilise les opérateurs économiques à travers un dialogue permanent avec l’OGEFREM. Dans cette perspective, l’OGEFREM est disposé à travailler avec les membres de la FEC pourvu qu’ils acceptent la démarche d’association. D’ailleurs, des comités de facilitation seront mis en place en 2020, placés sous la présidence de la FEC et dont le secrétariat général sera assuré par l’OGEFREM.

Quant à la CNSS, la FEC éprouve des difficultés sur la mise en place des innovations introduites dans les textes légaux régissant cette activité. Tout en félicitant les avancées significatives de l’INPP, la FEC note que les besoins des entreprises en termes de formation, restent immenses. L’INPP devrait donc adapter ses modules de formation aux besoins réels des entreprises.

La FEC est à la fois une chambre de commerce et un syndicat patronal. Sa mission est de promouvoir et défendre les intérêts de ses membres. La FEC existe depuis 1972 et regroupe en son sein aussi bien les PME que les grandes entreprises. Ses revenus sont constitués de la cotisation de ses membres, ce qui lui confère une totale indépendance.