EN AVANT TOUTE. Si ce n’est pas le nouveau slogan des dirigeants de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES ou GCM), en tout cas, cela y ressemble. Tant l’ambition affichée est de remettre le mastodonte sur les bons rails. La Gécamines, jadis considéré comme « le poumon » du pays, se trouve à un tournant de son histoire.
La conjoncture difficile sur le plan économique, la redoutable concurrence à laquelle elle doit faire face, ses propres faiblesses structurelles liées à la vétusté de ses installations et de ses équipements lui imposent de se soumettre à une réadaptation et à une profonde modernisation. C’est à cette exigence qu’a décidé de se plier l’équipe dirigeante de la société en élaborant un programme d’action à moyen terme, qui analyse tous les aspects de la situation actuelle et formule à partir de ce diagnostic, les objectifs à atteindre et les moyens et mesures à prendre pour réagir face au contexte difficile.
Le rôle et l’apport de la Gécamines dans l’économie congolaise sont primordiaux. Mais l’entreprise n’assume pas son rôle historique comme il se doit. C’est pourquoi, d’ailleurs, la Gécamines a été invitée à la 3è édition de la Conférence minière de la RDC pour présenter ses « stratégies et perspectives de la relance de la production du cobalt ».
Jacques Kamenga Tshinyama, le directeur général de la Gécamines, a expliqué que la relance de la production cobaltifère fait partie intégrante de la nouvelle vision du conseil d’administration présidé par Albert Yuma Mulimbi. « L’objectif est de refaire de la Gécamines un opérateur minier de premier rang, non seulement pour la production du cuivre, son métal de base, mais aussi pour celle du cobalt, compte tenu du rôle économique capital que ce métal joue de plus en plus dans divers domaines de la technologie industrielle, suite, entre autres, à l’essor des véhicules électriques et au développement des smartphones », fait-il remarquer.
Le poids économique de la GCM
À la tribune de la 3è conférence minière de la RDC, Jacques Kamenga a estimé utile de rappeler des moments forts du passé de l’activité de la Gécamines. Tenez : pendant la décennie 1980, la production moyenne annuelle tournait autour de 450 000 tonnes de cuivre et 10 200 tonnes de cobalt (avec un pic de 15 000 tonnes en 1980). « Avec ce niveau de production du cuivre, du cobalt et d’autres métaux associés, a souligné le DG, la Gécamines contribuait, à elle seule, à hauteur de plus de 60 % au budget de l’État et était sa principale source en devises étrangères ».
Malheureusement, à partir de 1990, la production de la Gécamines va entamer une courbe descendante au fil des ans, à cause de « divers facteurs endogènes et exogènes ». Parmi lesquels, l’effondrement de la mine de Kamoto à Kolwezi, l’isolement de la Gécamines des marchés des capitaux, plaçant ainsi la société dans l’impossibilité non seulement de procéder aux investissements, pourtant vitaux, compte tenu de l’obsolescence de son outil industriel. En effet, certaines infrastructures datent des années 1930-1950.
L’activité de la GCM repose essentiellement sur l’exploitation des mines de cuivre et de cobalt en propriété. Mais l’insuffisance de la capacité lui a imposé de céder l’essentiel de gisements aux joint-ventures créés à partir de 1996. L’entrée en scène de nouveaux opérateurs miniers a provoqué dans le secteur une forte concurrence à laquelle la GCM n’a pas pu faire face.
Ce n’est pas tout. D’autres facteurs, a souligné Jacques Kamenga, sont venus accentuer les difficultés de la société, la rendant ainsi « marginale » dans le secteur. Le modèle économique de l’entreprise était devenu obsolète, basé sur une organisation désuète par rapport aux standards industriels modernes de gestion d’une entreprise minière. À cela, s’ajoutait le vieillissement ainsi que la pléthore du personnel pour lequel les contraintes d’ordre social et politique n’ont pas permis de mettre en adéquation, selon les standards du secteur, les effectifs avec le niveau réel de la production.
Cap sur l’avenir
La production annuelle moyenne de la GCM de ces trois dernières années est de 15 000 tonnes, pour le cuivre et 250 tonnes, pour le cobalt. Pendant les cinq dernières années, la République démocratique du Congo a produit annuellement autour d’un million de tonnes de cuivre et 75 000 tonnes de cobalt, se propulsant ainsi au sommet des pays producteurs de cobalt, produit stratégique.
En effet, depuis 2017, les cours du cobalt ont explosé, atteignant jusqu’à 40 dollars la livre, soit 88 000 dollars la tonne. Même si on observe actuellement une légère tendance baissière (les cours tournent actuellement autour de 30 dollars la livre), les spécialistes notent qu’à long terme, les perspectives restent « prometteuses » compte tenu des innovations industrielles qu’offre ce métal et d’autres tels que le lithium, le tantale, le niobium que l’on trouve en RDC, et particulièrement dans certains périmètres de la GCM, dont la zone stannifère encore Greenfield, fait remarquer Jacques Kamenga.
Pour qui, cette tendance haussière des cours du cobalt, consécutive à l’essor industriel de nombreuses applications industrielles dont le cobalt est le composant essentiel, a conduit le gouvernement à « décréter le cobalt métal comme stratégique. Paradoxe : la production élevée, associée à des cours exceptionnellement hauts, surtout pour le cobalt, n’a malheureusement pas induit des revenus que l’État serait en droit d’attendre, en termes d’impôts et taxes. De même, la GCM n’en a pas tiré profit en tant qu’associée dans la plupart des joint-ventures minières conclus sur la base de ses gisements, pourtant, apport principal.
Selon le DG de la GCM, « les perspectives qu’offre le cobalt devraient pourtant permettre à l’État d’engranger des revenus substantiels nécessaires au développement du pays, par l’entremise de la Gécamines dont l’État congolais est l’unique actionnaire et qui dispose d’un potentiel de plus de 300 000 tonnes de cobalt dans ses différents périmètres miniers, mais aussi des autres entreprises privées opérant dans le secteur ».
Pour l’équipe dirigeante, il y a « l’impérieuse nécessité » de poursuivre le programme de recherche et de prospection afin de mettre en évidence de nouvelles ressources géologiques.