La RDC à l’épreuve de la transparence dans les industries extractives

Les experts sont à peu près d’accord que la rentabilité du secteur tant souhaitée par le gouvernement pour contribuer à la formation du PIB passe non seulement par un nouveau code adapté aux réalités nationales et internationales, mais aussi par la traçabilité dans l’octroi des concessions et les blocs, ainsi que par la gestion saine des revenus.

L’INDUSTRIE pétrolière relève du domaine des industries extractives. Elle est donc une industrie lourde aussi bien dans son investissement que dans sa mise en activité. Elle se subdivise schématiquement en amont (exploration-prospection, développement et production) et en aval (raffinage et distribution). Les spécialistes expliquent que l’exploration et la production, ou encore l’extraction du pétrole, ont généralement une durée de 15 à 20 ans. Cette étape est normalement suive de la phase de développement (3 à 4 ans) qui nécessite des investissements très importants. Quant à la phase d’aval, elle dure normalement 25-35 ans. 

Pour ses immenses ressources minérales, pétrolières et gazières représentant des centaines de milliards de dollars, la République démocratique du Congo a été certifiée à l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE). Celle-ci vise la publication des revenus issus de ressources minières, pétrolières et gazières. Il convient de rappeler que la RDC a été suspendue de l’ITIE en 2013, pour « mauvaise traçabilité » de son industrie minière. L’ITIE fonctionne sur le principe : publiez ce que vous recevez. Elle compare, à l’échelon national, les recettes déclarées par un gouvernement avec les paiements communiqués par les exploitants présents dans un pays. L’objectif est de favoriser une meilleure gouvernance, sans la garantir.

En 2017, par exemple, le secteur pétrolier et gazier de la RDC a obtenu une note de 25 sur 100, ce qui plaçait le pays à la 84è place sur 89 pays évalués dans le cadre de l’Indice de gouvernance des ressources naturelles (RGI). En cause : les conditions générales de gouvernance défavorables et l’absence de transparence dans la gestion des revenus. 

Le contrôle du respect des clauses contractuelles est rendu difficile par la divulgation partielle des contrats sur le site Internet du ministère des Hydrocarbures, un site qui n’est pas mis à jour. 

La procédure d’octroi de ces contrats est opaque, ce qui se reflète dans la note partielle attribuée pour l’octroi des titres. Cependant, le nouveau code des hydrocarbures adopté en 2015 instaure une procédure de passation des marchés publics pour l’octroi de blocs pétroliers, ce qui est censé améliorer la transparence. À ce jour, aucun titre n’a été octroyé sur la base de la nouvelle procédure.

Volonté politique

Outre les métaux, les diamants et le pétrole représentent le reste de tout ce que la RDC exporte. Le gros de sa balance commerciale sortante est composé des produits bruts non transformés. L’industrie pétrolière de la RDC est au mieux minuscule, avec des champs vieillissants sur la côte atlantique. 

Pour nombre de spécialistes, il semble plutôt étrange que la RDC, entourée par des pays producteurs de pétrole et possédant des eaux territoriales dans le prolifique golfe de Guinée, n’ait jamais vraiment développé d’industrie pétrolière ou ne semble même jamais intéressée à en développer une, malgré ses réserves éventuelles. 

Est-ce par manque de volonté politique ou de vision économique ? C’est bien que les dirigeants actuels du pays souhaitent faire participer véritablement le secteur des hydrocarbures à la formation du Produit intérieur brut (PIB), afin de d’améliorer les finances de l’État et les conditions de vie des citoyens. Point n’est besoin de dire que les gisements de pétrole et de gaz dans le pays restent en grande partie inexplorés, alors que la plupart des études estiment qu’il pourrait y avoir environ 20 milliards de barils de pétrole non découvert dans les bassins du pays, à la fois on-shore et offshore. C’est une énorme quantité de pétrole qui, si elle était confirmée, placerait la RDC au 2è rang des plus grands détenteurs de pétrole de l’Afrique subsaharienne, derrière le Nigéria, et surpasserait de loin les 9 milliards de barils de pétrole de réserves de l’Angola, selon des spécialistes. 

Seulement voilà : le caractère sacré des contrats est capital pour attirer les investissements et les partenariats dans le pays. Quelle entreprise voudrait investir dans un pays où un contrat peut être signé puis annulé quelques mois plus tard sans explication ou justification ? 

Les exemples sont légion. En 2017, la RDC a été condamnée par un tribunal international à verser 617 millions de dollars de dommages et intérêts à la société sud-africaine DIG Oil Ltd, pour n’avoir pas honoré deux contrats pétroliers. Cela représentait 1,6 % du PIB du pays. 

On se souvient encore du désengagement de Total, la dernière grande société pétrolière et gazière à abandonner les gisements de la RDC. 

Avant elle, d’autres avaient déjà levé le pied depuis des années : Shell, Texaco, Chevron… On se souvient également de Tullow Oil et ses partenaires qui ont tenté d’acquérir une licence d’exploration, signé un contrat, payé les primes, mais le contrat a été annulé et le même bloc vendu à une autre société quelques mois plus tard… Tout cela est une charge financière (manque à gagner) énorme pour l’économie, privée de revenus qui pouvait résulter de la concrétisation de ces contrats. 

Et cette attitude n’est pas de bon augure pour les entreprises qui désirent explorer les régions pétrolières du pays. Pour attirer les investissements, rappellent des spécialistes du secteur, il est nécessaire de créer les conditions permettant le développement d’un environnement commercial et industriel afin de créer la richesse.

Le défi à relever

C’est vrai, la production de pétrole et de gaz peut apporter d’énormes revenus au pays, sans oublier la production de l’électricité pour alimenter les ménages et l’industrie. Le gouvernement Ilunga a maintenant la responsabilité historique de changer la donne dans l’industrie pétrolière nationale et promouvoir ainsi les investissements. Pour cela, il va falloir améliorer davantage le climat des affaires pour rassurer les investisseurs internationaux sur le respect de leurs contrats, la simplification des investissements et la transparence des transactions. 

Il n’y a guère de limite à la rapidité avec laquelle l’industrie du pays pourrait se développer et aux avantages que la population pourrait en tirer, si ce n’est que le manque de volonté politique réelle, souligne un expert du secteur. Qui ajoute que la RDC a la possibilité de solliciter l’aide et le soutien des institutions internationales et des partenaires pour développer son industrie pétrolière. Elle peut également rechercher une plus grande proximité avec les États-Unis, où résident la plupart des grandes entreprises dotées des capacités, de la technologie et des capitaux nécessaires pour développer le secteur. 

Tout comme il n’y a pas de honte à s’inspirer de ce que font les voisins régionaux (République du Congo, Gabon, Angola, voire Nigéria) pour développer leur industrie pétrolière. Au congrès de l’Organisation des pays africains producteurs de pétrole (APPO) qui s’est tenu à Malabo en Guinée équatoriale, la RDC a annoncé officiellement qu’elle soumettrait 38 blocs (situés dans trois bassins différents) en négociation et appel d’offre. 

Des observateurs sont d’avis que c’est une étape importante pour attirer les investisseurs sur le pays. Et que le changement de régime, l’adhésion du pays à l’ITIE et le nouveau cycle d’octroi de licences aideront à attirer des investissements. 

Mais il faudra faire plus pour rassurer les investisseurs sur le fait que leur entrée sur ce marché sera un pari rentable et sûr, et que leurs intérêts et leurs droits seront protégés par la loi, nuancent-ils.