Quel est le point de la situation depuis que le code des assurances, promulgué le 17 mars 2015, est officiellement entré en vigueur, une année après ? On découvrira sans doute le pot aux roses le 12 décembre à l’hôtel Pullman, ex-Grand Hôtel Kinshasa (GHK), lieu choisi par l’Autorité de régulation et de contrôle des assurances (ARCA) pour faire sa communication. Selon des sources proches, le comité de direction va faire de « grandes annonces » sur le devenir du secteur des assurances et réassurance en République démocratique du Congo.
Le code des assurances est un grand tournant pour l’économie nationale, pour autant qu’il consacre l’ouverture de l’activité d’assureur et de réassureur à des opérateurs nationaux (en mettant fin au monopole de la Société nationale d’assurances, SONAS) et internationaux, pour autant que ces derniers établissent une filiale en RDC. Des observateurs pensent qu’après les mines, le prochain boom en RDC sera celui des assurances. Les nouvelles compagnies souhaitent exploiter le potentiel intact du pays caractérisé par un marché vierge avec une population de plus de 70 millions. Le gouvernement dit ne ménager aucun effort pour veiller non seulement à préserver les intérêts du peuple mais aussi à garantir un meilleur lancement de ce marché en RDC.
Selon le directeur général de l’ARCA, Eric Mboma, au moins 16 opérateurs (sociétés) sont intéressées à œuvrer dans le secteur des assurances en RDC. En tout cas, ils ont formellement manifesté leur intérêt à entreprendre dans ce secteur désormais libéralisé.
Sans doute, l’ARCA qui garde jusque-là les noms de ces sociétés d’assurance et de réassurance comme on garde un secret d’État, va les dévoiler au cours de sa communication très attendue. Tout ce que l’on présentement est que ces sociétés ont adressé leurs lettres d’intention à l’ARCA. Qui avait prévu dans son agenda de leur adresser des demandes formelles et d’attribuer les premières licences d’exploitation au quatrième trimestre de cette année. Si la promesse semble tenue, néanmoins le processus a pris du retard depuis la promulgation du nouveau code des assurances. Ce qui a laissé la place aux supputations, aux conjectures, voire à l’incertitude.
Une bonne pioche
Selon des supputations, la libéralisation du secteur des assurances est une bonne pioche pour les investisseurs étant donné que le poids du secteur dans l’économie nationale est estimé à quelque 500 millions de dollars par année. D’où, la concurrence qui s’annonce déjà tous azimuts, ce qui pourrait être un moteur de croissance économique. Eric Mboma est convaincu que cela permettra au pays d’étendre son écosystème financier et créer le genre d’environnement dans lequel les investisseurs peuvent se sentir les bienvenus parce qu’on leur donne plus d’options.
Face au contexte monétaire, l’ARCA se refugie derrière l’exigence de la loi qui astreint les compagnies d’assurances à tenir 25 % du total des primes en RDC. Néanmoins, le directeur général de l’ARCA met un bémol : pour que le processus aboutisse, le gouvernement devrait également, dans le cadre des mesures d’application, trouver de « nouvelles façons » pour les assureurs de déployer cet argent. Rien à faire, il faut ouvrir le marché, créer les conditions et, en parallèle, commencer à ouvrir de nouvelles plates-formes pour les investisseurs, par exemple, une Bourse de valeurs très basses, expliquait Eric Mboma.
C’est dire que les règles du jeu ne sont pas encore claires, fait remarquer un opérateur économique. Par exemple, le groupe Rawji qui a monté la Rawsur pour œuvrer dans le secteur face à la ruée des multinationales, approuve les prévisions de l’ARCA, mais elle estime cependant que les assureurs, les courtiers, le régulateur et le gouvernement devront tous jouer leur rôle pour la réussite de l’industrie nationale d’assurances.
Pour rappel, l’ARCA a été créée le 26 janvier 2016 pour accorder l’agrément aux sociétés désireuses de fonctionner en RDC. En mars dernier, le team senior de l’ARCA, conduite par le directeur général, Eric Mboma, avait fait une annonce importante au Cercle sportif de Kinshasa: l’exercice plein et entier de ses prérogatives légales, avec un chronogramme. À cette occasion, il a convié les acteurs de l’industrie des assurances, les banquiers et les médias à une rencontre de « prise de contact » et d’« échanges », mais surtout à sceller « une collaboration fructueuse » entre l’ARCA et les opérateurs du secteur, premiers intéressés par ses activités.
Au moins un meeting par mois, ont souhaité le président du conseil d’administration et le directeur général de l’ARCA. Tant, la problématique des assurances à travers le monde est importante. Et elle l’est davantage en RDC. Un pays aux potentiels impressionnants. Par exemple, sur le plan démographique, la RDC comptera 115 millions d’habitants à l’horizon 2035, selon les prévisions de plusieurs organismes sérieux, notamment onusiens. Par ailleurs, l’urbanisation apparaît aujourd’hui comme un phénomène dont la tendance ne va pas être inversée de sitôt. On estime que plus ou moins 50 % de la population congolaise vont habiter dans les villes à l’horizon 2035-2050. Et que Kinshasa sera classé parmi les 10 premières villes du monde les plus denses…
Sur le plan économique, la RDC est la 2è économie en Afrique centrale, mais en réalité elle est en tête, comme performeur de choix, en dépit du contexte difficile… Tout cela représente beaucoup en matière d’assurances. C’est pourquoi, la RDC est regardée avec optimisme comme une opportunité par les assureurs. Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, notamment la vision du chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, sur le développement durable, un code des assurances (loi 015/005) a été promulgué le 17 mars 2015. Les animateurs de l’ARCA (établissement public créé en janvier 2016 par le décret 016/001), quant à eux, ont été nommés le 11 novembre 2016.
Professionnalisme et standards internationaux
La réforme opérée institue en RDC « une législation uniforme, moderne et complète », a soutenu Bienvenu Liyota Ndjoli, alors président du conseil d’administration de l’ARCA, avant d’être nommé ministre des PME. Elle prend en compte « tous les engagements internationaux souscrits ainsi que les particularités de notre pays », avait-il déclaré. Et la libéralisation du secteur des assurances s’inscrit dans la lignée des réformes courageuses des secteurs économiques et bancaires déclenchées par le gouvernement dans la perspective de l’amélioration du climat des affaires et de booster la croissance économique. Le nouveau code des assurances devait en principe sortir ses effets, le 17 mars 2016, une année (moratoire) après sa promulgation. Il devra s’appliquer aux opérations d’assurance et de réassurance réalisées en RDC, à l’exception des opérations d’assurance relevant de la sécurité sociale. Les acteurs de l’industrie sont désormais fixés. Jusqu’au 30 juin, ils avaient la possibilité de déposer leurs dossiers de demande d’agrément à l’ARCA. Les conditions légales d’agrément sont également connues : verser une caution de 10 millions de dollars, avoir son siège en RDC et des fonds propres, obtenir l’agrément sur la vente des produits…
Depuis la promulgation de la loi, une dizaine de multinationales mais aussi des opérateurs locaux s’impatientaient et n’attendaient que le go ahead pour se partager les parts du marché congolais très porteur. La Fédération des entreprises du Congo (FEC) s’est félicitée de l’ouverture de ce secteur au libéralisme étant donné que l’économie nationale demeure fragile et est principalement tributaire du secteur minier. D’où la nécessité de diversification. La FEC y voit un créneau susceptible d’attirer davantage d’investissements dans l’avenir. La libéralisation est un pas de plus dans la bonne direction dans l’amélioration du climat des affaires. Sur ce plan, la FEC note des avancées législatives favorables aux opérateurs économiques. Est-ce cela qui justifierait cet empressement observé des majors des assurances et de la réassurance ?
Un ancien de la SONAS espère que le nouveau code des assurances évitera au pays une vaste escroquerie. À la seule condition qu’il offre aux opérateurs économiques et aux consommateurs un cadre libéral, attractif, juste, exigeant et sécurisant. Il est censé organiser une saine concurrence destinée à aboutir à une optimisation des choix et des coûts pour les assurés.