Le débat se corse sur la protection des consommateurs

En 2013, la Banque centrale a initié une étude diagnostique, époque où l’inclusion financière était encore très faible mais en réelle progression (5,7 % de la population totale). La BCC estime que ce segment devrait être utilisé à fond pour renforcer la confiance du public dans le système financier. 

 

La protection des consommateurs vise in fine une meilleure utilisation en connaissance de cause des produits financiers et l’inclusion financière. Les résultats de l’étude diagnostique de la Banque centrale (novembre 2013) permettent d’apprécier l’adéquation des orientations en matière de protection des consommateurs et d’aider la Banque centrale du Congo (BCC) qui régule le secteur financier, à l’exception du secteur des assurances, à guider ses interventions dans ce secteur. L’objectif premier de cette étude diagnostique a été de développer une meilleure compréhension de la protection des consommateurs de services financiers en République démocratique du Congo. Tout en identifiant les principales préoccupations relatives à la protection des clients actuels et potentiels de services financiers, procédant à une revue des normes en vigueur et appréciant dans quelle mesure elles contribuent à la protection des consommateurs de services financiers, appréciant l’état de l’éducation financière en tant que complément de la protection des consommateurs, identifiant les manquements et les solutions pratiques qui pourraient être mises en œuvre dans le court, le moyen et le long termes,…

…cette étude a porté sur les types d’institutions financières suivantes : les banques, les institutions de microfinance (IMF) et les coopératives d’épargne et de crédit (COOPEC), les assurances, les établissements de monnaie électronique (EME, mobile banking) et les messageries financières (services de transfert d’argent).

Dans le secteur de la microfinance, la Smart Campaign a joué un rôle catalyseur pour une plus grande sensibilisation à la protection des consommateurs. Au niveau des banques et des EME, c’est à travers le principe de la qualité du service ou du customer care que certains de protection des consommateurs sont intégrés dans l’interaction avec les clients.

Le rapport final de cette étude est basé sur trois principes qui devraient guider la conduite des prestations de services financiers. Premièrement, refléter la transparence des conditions, communiquer clairement les informations clés à des moments opportuns avant, pendant et après la conclusion de la transaction, et promouvoir une saine concurrence entre institutions financières. Deuxièmement, garantir un traitement équitable et éthique. Autrement dit, la façon dont les institutions traitent leurs clients et certaines thématiques relatives au crédit

(le recouvrement des créances, la prévention et le traitement du surendettement), la sauvegarde des dépôts et la protection des données personnelles. Et troisièmement, offrir des mécanismes de recours internes et externes, efficaces pour la correction des erreurs, le traitement des réclamations et le règlement des différends.

Conditions et coût des services

Les conditions applicables par les établissements de crédit à leur clientèle ont été libéralisées il y a plus d’une décennie, établissant une liberté relative de fixation des prix. Les établissements de crédit et autres institutions financières doivent afficher les conditions applicables à la clientèle, mais le format est peu réglementé. Les clients ont soutenu dans cette étude que la présentation des données financières par les institutions financières n’est généralement pas claire.

En effet, ils estiment que les informations mises à leur disposition sont souvent partielles, et ils ont le sentiment que cet état de choses est entretenu afin de limiter leurs éventuelles revendications. Selon cette même étude, les domaines qui mériteraient une réflexion dans le pilier transparence sont la définition d’une formule de taux effectif global qui faciliterait la comparaison des prix des crédits offerts dans plusieurs institutions, la présentation des contrats dans un langage compréhensible par les clients, l’assistance obligatoire aux clients illettrés par un témoin lors de la signature des contrats et l’octroi aux clients d’un temps de réflexion avant la signature des contrats. La question des marges de profit réalisées par les institutions financières congolaises par rapport aux taux et frais pratiqués mériterait aussi, sans doute, une étude plus approfondie.

Traitement équitable

Le principe d’une lutte contre les discriminations est prévu pour les opérations de microfinance, y compris en ce qui concerne de possibles restrictions d’accès des femmes et devait faire l’objet des dispositions plus précises de la part de la BCC dans une ou plusieurs Instructions relatives à la protection des consommateurs de services financiers. L’étude a aussi mis en évidence un certain nombre de cas de corruption dans l’octroi des crédits par les institutions financières. En effet 17,5 % des clients ayant déjà demandé un crédit avouent avoir versé des pots de vins pour l’obtenir.

La prévention du surendettement passe par l’adoption de comportements responsables de la part des prêteurs, aidés par les progrès de la technologie et par de saines règles de discipline de marché. Il existe déjà une centrale des risques accessible aux banques. Cependant sa consultation n’est pas une solution optimale car il y a un risque élevé de confusion au niveau des noms des clients, aggravé par le fait qu’il n’existe pas d’identifiant unique en RDC, ni de document d’identité standardisé disponible pour toute la population.

La seconde phase de la modernisation consistera à développer un système basé sur la biométrie, lequel permettra de créer un identifiant unique qui répondra aux problèmes d’absence d’identité nationale. Ceci devrait ainsi faciliter les procédures d’identification du client et sécuriser les données. Il n’existe pas de procédure de gestion du surendettement spécifique à la banque de détail en RDC. Le coût et la lenteur des voies d’exécution judiciaires font que les procédures de recouvrement judiciaires ne sont utilisées que pour des créances d’un montant important.

Les procédures extrajudiciaires de recouvrement ne peuvent donc qu’être amiables et les moyens de pression limités. Afin de circoncire le risque juridique, le débat porte actuellement sur la manière de mieux définir, dans une instruction de la BCC relative à la protection des consommateurs, les méthodes de pression socialement acceptables en RDC, et d’en exclure explicitement certaines autres.

On pourrait aussi imaginer que les associations professionnelles du secteur financier conviennent avec un centre d’arbitrage installé en RDC, d’une procédure d’arbitrage spécifique pour surmonter les obstacles à la délivrance d’un titre exécutoire.

Au-delà des règles prudentielles et de la supervision des institutions financières par la BCC, il n’existe pour le moment aucun mécanisme garantissant la sécurité des dépôts. La BCC, avec l’appui de la coopération allemande, travaillait à la mise en place d’un tel fonds.

Un tel mécanisme serait très utile pour consolider la confiance des déposants, lesquels ne sont pratiquement pas protégés en cas de survenance d’insolvabilité ou de non liquidité de l’établissement de crédit. L’étude a confirmé que plus d’une personne sur quatre a perdu son épargne dans une institution financière en RDC.

Les données personnelles

La protection des données personnelles fait à la fois l’objet d’un secret professionnel juridiquement sécurisé mais aussi des faiblesses dans les notions de régulation des bases de données et de cybercriminalité. Idéalement, les clients des institutions financières devraient disposer de recours facilement accessibles pour trouver des solutions à leurs doléances. Cela impliquerait en premier lieu la formalisation des recours internes à l’institution concernée ainsi que des options de recours externes non judiciaires si les recours au sein de l’institution n’ont pas donné satisfaction. Une Instruction de la BCC devrait préciser les mesures minimales à prendre par les assujettis pour rendre les mécanismes de recours opérationnels et efficients et encourager l’exploitation systématique des informations contenues dans les statistiques de recours.

Il n’existe pas pour le moment de recours externes en dehors du recours aux tribunaux. Il faut ici souligner l’intérêt que comporterait le suivi du traitement des réclamations des consommateurs pour la BCC. En effet, un système qui combinerait recours internes dans toutes les institutions avec un reporting aux autorités de tutelle et un second niveau de recours externe ou de médiation permettrait à la BCC de déterminer la fréquence et la nature des réclamations des consommateurs.

En examinant en définitive le cadre légal et règlementaire de la protection des consommateurs, on constate que les règles existantes ou en projet qui s’appliquent au secteur de la microfinance sont souvent plus spécifiques que dans d’autres secteurs. Il serait utile d’harmoniser ces règles notamment en matière bancaire, à travers une Instruction de la BCC sur la protection des consommateurs de services bancaires de détail (microfinance et banque). Sauf en ce qui concerne les produits de crédit, ces dispositions devraient aussi s’appliquer aux sociétés financières (dont les EME) et aux messageries financières.

La BCC doit aussi avoir une approche de contrôle de la protection des consommateurs qui soit spécifique à ses objectifs et à ses moyens en matière d’organisation interne. La finance responsable et la protection des clients ne peuvent se concevoir sans consommateurs bien informés. De ce fait, il est important d’investiguer les besoins d’éducation financière les plus pressants de la population et de concevoir une stratégie nationale dans le but d’améliorer, entre autres, la connaissance des droits et obligations des consommateurs.