Le secteur minier a besoin de paix pour profiter de l’embellie des cours

L’intention du président de la République de remettre à plat les contrats passés avec les multinationales pour l’exploitation des minerais de RDC se précise. La ministre des Mines a entamé une mission d’itinérance par l’Est du pays pour s’imprégner des réalités du terrain et vulgariser le code et le règlement minier, selon ses services. Le tout dans un élan de dialogue avec les parties prenantes.

La gouvernance des ressources naturelles est le reflet d’un engagement politique de haut niveau.

ANTOINETTE Nsamba Kalambayi, la ministre des Mines, se veut rassurante. La révision des contrats miniers se fera avec « le concours » de toutes les parties prenantes. Qu’est-ce à dire ? Pour elle, la remise en question des contrats miniers est avant tout affaire de souveraineté, car le peuple de laRépublique démocratique du Congo se doit de tirer directement profit du produit de l’exploitation des ressources naturelles en général. C’est dans cette perspective qu’Antoinette Nsamba fait une tournée d’inspection à travers le pays pour sensibiliser sur le bien-fondé de cette démarche. 

Il ne faut pas se leurrer, depuis 2018, le gouvernement est à la recherche d’une nouvelle vision minière pour le pays. Dernièrement, lors de son séjour à Kolwezi, le chef-lieu de la province du Lualaba et pressenti comme la Californie de la RDC, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, déclara sans ambages qu’il était temps que la RDC réajuste ses contrats avec les miniers dans l’optique de sceller des partenariats gagnant-gagnant. Appréciez plutôt : « Il n’est pas normal que ceux avec qui le pays a signé des contrats d’exploitation s’enrichissent pendant que les populations demeurent pauvres. »

Cependant, l’application stricto sensu du code minier révisé ainsi que celle du règlement minier posent problème. Sur le terrain, exploitants artisanaux et multinationales n’émettent pas sur la même longueur d’onde, la fraude fiscale et l’exploitation illicite des minerais se portent bien, les communautés locales se plaignent du manque d’attrait pour leur développement, les entités territoriales décentralisées (ETD) insistent sur la redevance minière… Bref, il faut engager un vrai dialogue avec tout le monde.

La ministre des Mines a sans doute pris la mesure des défis à cette étape de sa mission dans l’Est du pays (Nord-Kivu, Ituri, Sud-Kivu). Il s’agit principalement de dissiper les zones d’ombre dans le chef des opérateurs miniers qui continuent de bouder le code minier révisé en 2018. Il s’agit aussi de donner une explication sur la rétrocession de la redevance minière aux ETD. Pour rappel, le code minier révisé a fait passer la redevance des compagnies minières de 3,5 % à 10 %, répartie entre le Trésor public (50 %), la province (25 %) et le Fonds minier (10 %). Cependant, cette clé de répartition n’est pas respectée. 

Le secteur minier national a besoin de paix pour que le pays tire profit de l’embellie des cours des matières premières sur les marchés mondiaux. « On ne parviendra pas à créer des millionnaires congolais ou une classe moyenne si la loi sur la sous-traitance n’est pas appliquée à bon escient », martèle un opérateur économique de Kolwezi.

L’enjeu est politique

Comme on le voit, la responsabilité politique sera au cœur de la renégociation des contrats miniers. S’agit-il là de l’ultime combat pour la souveraineté de l’État sur l’exploitation de ses ressources naturelles ? En tout cas, certains veulent y croire. Du coup, la gouvernance du secteur minier est en question. Est-ce que la RDC a une politique de gouvernance de ses ressources naturelles ? Est-ce que le pays se préoccupe, comme il se doit, de la mise en œuvre de l’Initiative de transparence dans les industries extractives (ITIE) ? 

Des questions parmi tant d’autres qui n’ont pas encore trouver des réponses depuis l’accession du pays à l’indépendance et à la souveraineté internationale. L’ITIE a été mise en place pour renforcer la responsabilité des dirigeants politiques et des citoyens dans la gestion des ressources naturelles. L’adhésion à l’ITIE a ceci de bénéfique que les recettes d’extraction sont utilisées pour améliorer le bien-être des citoyens du pays. 

Les améliorations durables de la gouvernance des ressources naturelles, comme celles que la RDC a apportées en 2018 à son code minier de juillet 2002, sont généralement le reflet de l’engagement politique de haut niveau, de la capacité technique et du plaidoyer de la société civile. De ce point de vue, laisse entendre Mark Robinson, le directeur exécutif de l’ITIE, la gouvernance des ressources naturelles est intrinsèquement politique. Les décisions sur qui peut extraire les ressources, à quelles conditions et comment les revenus sont alloués sont toutes des questions politiques sensibles. 

« Il n’est pas normal que ceux avec qui le pays a signé des contrats d’exploitation s’enrichissent pendant que les populations demeurent pauvres, déclarait Félix Antoine Tshisekedi à Kolwezi… Est-ce que la RDC a une politique de gouvernance de ses ressources naturelles ? Est-ce qu’elle se préoccupe, comme il se doit, de la mise en œuvre de l’ITIE ? »

La richesse minérale peut être utilisée pour obtenir un soutien politique, promouvoir le favoritisme ou – au pire – être utilisée pour favoriser les conflits. De ce point de vue, argumente-t-il, la politique est donc importante pour des organisations telles que l’ITIE, qui promeuvent une meilleure gestion des ressources naturelles. Aujourd’hui, les politiciens reconnaissent le potentiel de l’ITIE en tant que moyen de résoudre les problèmes de corruption, d’améliorer le climat des affaires et d’augmenter la mobilisation des ressources nationales. 

Conférence minière

Tout est donc dans la volonté politique du gouvernement de changer les choses dans le secteur minier. En janvier 2013, Joseph Kabila Kabange, alors président de la République, décida de l’organisation annuelle de « Conférence minière de la République démocratique du Congo ». Voulue comme un forum où tous les acteurs publics, privés et ceux de la société civile, en charge des ressources naturelles, doivent régulièrement se retrouver pour évaluer la situation du secteur minier national, si vital pour l’économie du pays. 

Il y a eu Lubumbashi en 2013, Goma en 2014 et Kolwezi en 2018 pour accueillir ce forum. Les thèmes des 3 premières conférences étaient dédiés à la transparence, à la bonne gouvernance et à la gestion durable des ressources minérales. Prévue pour se tenir à Kisangani en décembre 2020, la 4è édition a été reportée sine die à cause de la pandémie de Covid-19.

La conférence minière est pensée comme un cadre de réflexion et de débat d’idées mais aussi d’échange d’informations entre les représentants de l’État, les entreprises minières, la société civile, les partenaires du secteur minier et même les communautés locales impactées par l’activité minière. D’où le thème choisi de la 4è conference manière, « L’exploitation minière artisanale responsable, éthique et durable en RDC à la lumière du code minier et des normes internationales : état des lieux, défis et perspectives ». 

Effet recherché

Selon les services du ministère des Mines, l’organisation de la 4è conférence minière de la RDC vise le renforcement de la transparence et la bonne gouvernance dans le secteur minier artisanal, l’assainissement du secteur minier artisanal et particulièrement celui des substances minérales stratégiques qu’il faut rendre plus responsable. De cette conférence, sortiront des stratégies et mécanismes qui permettent de renforcer la transparence et la bonne gouvernance dans le secteur minier artisanal, assainir et améliorer ce secteur.

Pour rappel, la 3è édition de la Conférence minière de la RDC avait pour thème « L’exploitation minière en RDC face aux impératifs du développement durable des zones productrices : apports, rôle et responsabilité de l’État, de l’industrie minière, de la société civile et des communautés locales affectées par les projets miniers dans une synergie transparente à la lumière du code minier révisé ». 

C’est depuis 2013 que l’État a pris conscience de la régulation minière et de ses nouveaux enjeux. Mais surtout de la nécessité de transparence et de bonne gouvernance dans le secteur minier. À Kolwezi, il était question de recentrer la réflexion autour des questions d’ordre économique et social, en rapport avec le développement durable des zones minières et de l’ensemble du pays.