GAUTIER Le Molgat est un analyste au cabinet Agritel. Il souligne que les stocks mondiaux de fin de campagne, révisés en conséquence, demeuraient également élevés, à près de 307 millions de tonnes. Seule interrogation, la révision à la hausse des exportations américaines de 2,5 millions de tonnes, qui ne se traduit pas par une hausse des importations des principaux pays déficitaires, que ce soit en Chine ou au Mexique notamment. Parmi les grands producteurs européens, l’Ukraine voit sa production légèrement revue à la baisse à 38,5 millions de tonnes, un chiffre largement supérieur aux estimations d’Agritel, qui a tablé récemment sur 33,5 millions de tonnes, conséquence de l’épisode de sécheresse de ces dernières semaines.
Soutien du marché
Concernant le soja, la production américaine est réduite de 3 millions de tonnes à 117,4 mille, par rapport à l’estimation d’août dernier. Cette révision, couplée à des stocks initiaux en baisse, conséquence des ventes importantes à la Chine ces dernières semaines, permet des stocks de fin de campagne revus à la baisse de 4 millions de tonnes à 12,5 mille. Malgré une production mondiale qui reste toujours élevée, notamment du fait du Brésil et de l’Argentine, Le Molgat voit dans ces révisions aux États-Unis un facteur de soutien du marché. Enfin, concernant le blé, la production mondiale est légèrement revue à la hausse de 4,5 millions de tonnes à 770,5 millions, grâce au Canada et à l’Australie, notamment.
La production américaine, en revanche, ne bouge pas. Ce statu quo est plus étonnant, compte tenu des projections revues à la hausse ces derniers jours par des opérateurs du marché, celui de la production russe, à 78 millions de tonnes. Malgré une demande estimée en légère augmentation, notamment du côté de la Chine, les stocks mondiaux augmentent de 2,6 millions de tonnes, une donnée neutre à baissière pour le marché, a jugé Gauthier Le Molgat.
En 2021, le Brésil devrait encore augmenter ses surfaces agricoles plantées en soja et en maïs, selon les prévisions de production de la compagnie nationale d’approvisionnement (CONAB), qui table sur 37,85 millions d’ha de soja au total (+2,8 %) et 19,8 millions d’ha de maïs (+7 %). Ces chiffres illustrent l’augmentation continue des surfaces agricoles consacrées à ces deux cultures au Brésil.
En dix ans, les surfaces de soja auront ainsi fait un bond de 56 % (24,2 millions d’ha en 2010-2011, selon les données de l’organisme public), et les surfaces de maïs auront augmenté de 43 % (13,8 millions d’ha en 2010-2011). Pour l’an prochain, « la majeure partie de la hausse de la superficie du soja » se fera « sur des zones de pâturages dégradés », assure la CONAB. Les productions brésiliennes de soja et de maïs devraient en conséquence augmenter et dépasser celles de l’année en cours, déjà marquée par des récoltes historiques. La récolte de soja pour 2021 est ainsi estimée à 133,5 millions de tonnes (+7,3 %), et celle de maïs à 113 millions de tonnes (+12 %).
Le maïs obtenu en deuxième récolte, désormais plus important que celui de la première récolte, bénéficie « d’un espace plus large » en raison de la plantation « plus précoce » du soja, dont le maïs prend ensuite la place. La production de soja devrait être tirée par une hausse de sa demande, aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’exportation. Cette demande s’explique par les besoins des secteurs de l’élevage et du biodiesel, et un taux de change espéré attractif en 2021, souligne l’agence gouvernementale.
Début août 2020, 40 % de la prochaine récolte avait déjà été vendue, précise la CONAB, contre 20 % à la même période en 2019, un record historique. La dévalorisation de la devise brésilienne, le real, rend le soja brésilien plus attractif sur le marché international. Entre janvier et juillet, le Brésil a ainsi exporté 70,7 millions de tonnes de soja, contre 51,2 millions de tonnes sur la même période en 2019. Au total, 82 millions de tonnes de soja brésilien devraient être exportées cette année, selon la CONAB qui table sur des exportations de 86,8 millions en 2021 grâce aux « fortes importations chinoises » et au « taux de change ».
Concernant le maïs, « le marché devrait poursuivre son expansion en 2021 », en raison des exportations attendues en hausse, « de la reprise de la demande d’éthanol de maïs » et « de la demande pour les rations animales », explique l’organisme public. « La consommation sur le marché brésilien reste élevée » puisque la Chine a augmenté « sa demande en protéine animale brésilienne » et que le géant sud-américain « reste l’un des principaux fournisseurs de viande de poulet et de porc aux pays asiatiques et du Moyen-Orient », ajoute la CONAB, qui souligne aussi que « les usines d’éthanol prévoient d’augmenter leur demande en 2021 ». Par ailleurs, le Brésil estime qu’il pourrait l’an prochain gagner des parts de marché face à l’Argentine sur le marché international, en raison des problèmes « structurels » que traverse ce pays.
Interdiction d’importer
La Chine a demandé à ses entreprises publiques de ne plus importer de soja et de porc en provenance des États-Unis, a-t-on appris le lundi 7 septembre auprès de deux sources proches du dossier. Cette mesure est une riposte à la décision de Donald Trump, le président américain, de révoquer le statut spécial que les États-Unis accordent à Hong Kong, en raison du projet de la Chine de durcir la législation sur la sécurité du territoire semi-autonome.
D’autres « contre-mesures » pourraient être adoptées dans le domaine du commerce agricole si Washington va plus loin, ont ajouté ces sources. Les cours du maïs et du soja cotés à Chicago ont légèrement reculé la semaine dernière avec l’amélioration des conditions météo aux États-Unis tandis que ceux du blé ont grimpé avec la chaleur en Europe. Les acteurs du marché américain étaient toutefois surtout dans l’expectative avant la diffusion vendredi 11 septembre en fin de séance d’un important rapport trimestriel sur les superficies consacrées à chaque culture ainsi que de la conclusion de la rencontre entre les présidents américain et chinois prévue samedi 12 septembre.
Les abondantes précipitations qui sont tombées sur le Midwest pendant tout le printemps ont en effet beaucoup retardé les semis, de maïs d’abord puis de soja, suscitant des inquiétudes sur la production finale. Aussi les observateurs sont très attentifs au rapport que les autorités dévoileront en cours de séance sur les superficies de chaque culture, même s’ils savent qu’il faudra encore un certain temps avant d’avoir des chiffres précis. « Il y a encore beaucoup de questions en suspens sur le nombre d’ha de maïs plantés et sur leur rendement », remarque notamment Dewey Strickler de Ag Watch Market Advisors.
Le blé de son côté « a été soutenu par la vague de chaleur qui a affecté les récoltes en Europe », indique Strickler. Mais les cours de la céréale ont aussi été aidés selon lui par « la lente progression du début des moissons » aux États-Unis et « par les récentes pluies et grêles dans la région des Plaines (importante zone de production de blé dans le centre-ouest du pays, NDLR) qui pourraient avoir affecté la qualité de la production ».