Ces derniers temps, je suis souvent tombé sur des gens surpris par les attaques incessantes de Benyamin Nétanyahou contre la police et le conseiller juridique du gouvernement. Mais pourquoi donc, se demandent ces gens, continue-t-il à inventer des théories conspirationnistes auxquelles même ses électeurs ne croient plus, alors qu’il pourrait tout simplement se taire ?
Le problème est que Nétanyahou ne peut pas se permettre de se taire. Il n’est sûrement pas le premier Premier ministre à être mis en examen, mais il est bien le premier «Premier ministre à subir tant de mises en examen simultanées» dans un spectre aussi vaste d’affaires de corruption. Comme Dany Dean, le petit héros israélien d’une série de livres pour enfants, Nétanyahou aussi est le personnage d’une série populaire à rebondissements multiples. Et comme dans toute bonne série, l’important est la variété. Ainsi assistons-nous aux aventures de «Bibi» à la maison (l’examen des fausses factures des résidences du Premier ministre) ; Bibi et ses amis (la liste de cadeaux offerts par ses amis millionnaires) ; Bibi et les journaux (sa proposition d’aider un journal important en échange d’une couverture positive de son action) ; Bibi et les sous-marins (l’achat illégal de sous-marins) ; Bibi à l’armée (le rapport du contrôleur d’Etat l’accusant de dissimuler des informations devant son cabinet) ; et même Bibi à Paris (détention de fonds non déclarés, provenant d’un obscur millionnaire français).
La conclusion à en tirer est simple : soit il s’agit de conspiration, soit le joyeux suspect pisse du haut de son plongeoir, non seulement sur toutes les normes publiques, mais veille aussi à arroser tout ce qui est autour. Car si Nétanyahou ne criait pas sur tous les toits que les deux représentants de la police et de la justice – par ailleurs nommés par lui – veulent absolument sa peau pour des raisons obscures liées à l’extrême gauche, alors il reconnaîtrait par son silence que toutes ces enquêtes diverses et variées sont largement justifiées.
Le problème est que même si nous suivons Nétanyahou dans sa théorie du complot, il y a des faits dont lui-même reconnaît la véracité : il a bien reçu des cadeaux d’une valeur de centaines de milliers de shekels, sans les avoir déclarés comme il se doit ; il a bien promis au propriétaire d’un grand quotidien qu’en échange de son soutien journalistique, il userait de son influence pour réduire la diffusion du journal concurrent ; journal au sujet duquel il avait déclaré par le passé qu’il n’entretenait aucun lien avec lui et n’avait aucun pouvoir sur lui. S’il admet donc que ses conversations avec le propriétaire du journal ne sont pas inventées (il confirme que les enregistrements fabriqués par lui sont authentiques) et que les cadeaux ont bien été donnés et reçus, cela revient à reconnaître la plupart des faits pour lesquels il a été mis en examen.
Mais dans le même temps, il prétend que son comportement n’a rien de criminel. Et la question est alors de savoir ce que c’est : un comportement honnête ? Conforme ? Respectueux des règles de citoyenneté ? Non, dira Nétanyahou, mais cela n’a jamais empêché personne de m’élire. Sauf qu’aux dernières élections, toutes ces affaires n’existaient pas encore. Or, en admettant le scénario proposé par l’intéressé et selon lequel il ne serait pas coupable, mais simple menteur, exploiteur et hédoniste, victime des frustrations d’une gauche diabolique, la question est de savoir s’il peut encore prétendre que tous ceux qui ont voté pour lui il y a deux ans, voteront encore pour lui aujourd’hui ?
Il n’y a qu’un seul moyen raisonnable de répondre à cette question : la démission du gouvernement et la préparation de nouvelles élections. C’est la seule manière de savoir si le public israélien souhaite que la prochaine aventure de la série à rebondissements soit la réélection de Nétanyahou (avec l’apparition de Donald Trump en invité vedette) ou la démission de Netanyahou.