Les entreprises privées montrent la voie à suivre

La création de la Zone de libre-échange continentale africaine continue de faire débat, avec comme question centrale : comment faire pour surmonter les barrières qui empêchent au continent de développer les dynamiques commerciales internes ? 

 

Depuis 2006, l’intégration économique africaine s’accélère grâce notamment au dynamisme des entreprises privées, selon un rapport du cabinet Boston Consulting Group (BCG), publié le 4 avril. Intitulée « Pioneering One Africa: The Companies Blazing a Trail Across the Continent » (Construire l’Afrique unie: les entreprises privées montrent la voie à travers le continent), l’étude montre qu’entre 2006-2007 et 2015-2016, le montant annuel moyen d’investissements directs étranges (IDE) provenant d’autres pays africains sur le continent est passé de 3,7 milliards de dollars à 10 milliards. 

Au cours de la même période, les accords de fusions-acquisitions sont passés de 238 à 418, alors que la moyenne annuelle des exportations intra-africaines a augmenté de 41 milliards de dollars à 65 milliards par an. Le nombre annuel moyen de touristes africains (Africains voyageant en Afrique) est, quant à lui, passé de 19 millions à 30 millions. « Malgré les obstacles de la fragmentation, l’intégration économique en Afrique n’est pas seulement engagée, mais elle s’accélère (…) L’Afrique investit plus en Afrique, l’Afrique s’engage plus avec l’Afrique et les Africains se rendent plus en Afrique », souligne BCG. Selon les analystes de BCG, l’accélération de l’intégration économique africaine est essentiellement tirée par les entreprises privées. 

Les pionniers panafricains

En moyenne, les 30 plus grandes entreprises africaines ont actuellement des activités dans 16 pays africains, contre une moyenne de seulement 8 pays en 2008. En moyenne, chacune de ces entreprises se développe dans un pays africain supplémentaire chaque année. Les compagnies aériennes africaines ont ainsi rapidement augmenté le nombre de pays qu’elles desservent, en établissant souvent des dessertes en avance sur la demande réelle des passagers. Ethiopian Airways desservait 36 pays du continent en 2016 contre 24 en 2006, tandis que Royal Air Maroc desservait 30 pays, soit deux fois plus qu’en 2006. 

Les institutions financières ont été aussi le fer de lance de l’intégration africaine. À titre d’exemple, trois grandes banques marocaines ont beaucoup étendu leurs opérations à travers le continent, passant de 3 pays en 2005 à 14 pays en 2016, ce qui a permis de multiplier par cinq les exportations marocaines vers l’Afrique. En outre, des acteurs internationaux dans le domaine de la logistique et du transport comme  Maersk, Bolloré, Barloworld et Imperial Logistics International ont contribué à une augmentation de près de 120 % du commerce intra-africain, qui est passé 30 à 64 milliards de dollars. BCG a recensé au total 150 entreprises « pionnières » (75 groupes panafricains et 75 firmes transnationales) qui ont grandement contribué à l’accélération de l’intégration panafricaine. Les pionniers panafricains sont originaires de 18 pays du continent: l’Afrique du Sud (32 entreprises), le Maroc (10), le Kenya (6), le Nigeria (6), l’Egypte (4), Côte d’Ivoire (2) Maurice (2), Tanzanie (2), Tunisie (2).

Malgré ces progrès tirés par les entreprises privées, le chemin de l’intégration économique est encore très long. Selon les calculs de BCG, la distance moyenne entre les villes africaines qui abritent une population supérieure à 4 millions d’habitants est de 4 100 km, contre 1 300 en Europe, 2 200 en Amérique du Nord, 3 400 en Amérique du Sud, et 3 700 en Asie de l’Est. Le coût moyen d’expédition et de distribution de biens en Afrique est égal à 320 % de leur valeur, contre 200 % en Amérique du Sud et 140 % en Asie de l’Est et en Amérique du Nord. 

Ainsi, expédier une voiture de Paris vers Lagos coûte moins cher qu’entre Accra et Lagos. Plus important encore, la majeure partie de l’Europe s’est regroupée en un seul marché commun. En revanche, l’Afrique compte 16 zones commerciales, soit beaucoup plus que l’Amérique du Sud (6) et l’Asie de l’Est (1).