EN CLAIR, la République démocratique du Congo n’a jamais disposé d’un budget d’État à proprement parler, et viole, chaque année, sa propre loi sur les finances publiques (LOFIP). Le gouvernement central s’applique plutôt à une consolidation du budget, y incorporant les budgets provinciaux. Le ministère du Budget prévoit des dépenses, de 2020 à 2022, de l’ordre de 58 041,4 milliards de FC, dont, pour le pouvoir central, quelque 48 742,0 milliards, pour les provinces, 8 947,9 milliards et pour les entités territoriales décentralisées (ETD), 351,5 milliards. Selon la première mouture du cadre budgétaire à moyen terme 2020-2022, les dépenses totales des provinces sont de 8 947,9 milliards de FC, à raison de 2 771,4 milliards pour 2020, 2 970,9 milliards pour 2021 et pour 2022, quelque 3 205,6 milliards. Soit une moyenne de 2 982,6 milliards.
Non-respect de la loi
Alors que pour les ETD, les dépenses courantes sont chiffrées à 351,5 milliards sur 3 ans, à savoir 108,9 milliards (2020), 116,7 milliards (2021) et 125,9 milliards (2022), soit une moyenne annuelle de 117,2 milliards sur la période.
Quant aux prévisions des recettes, les ETD pourraient mobiliser 351,5 milliards de FC. Avis d’experts, elles peuvent mobiliser au-delà des projections du ministère du Budget, mais le non-respect de la loi sur la décentralisation annihile tous les efforts des petites administrations locales. La libre administration d’une ETD dans la mesure où elle décide librement dans la sphère des compétences qui lui sont conférées sans immixtion de l’autorité provinciale, et même du gouvernement central, reste un défi permanent en RDC. Plus d’une fois, les responsables des ETD ont été défenestrés de leurs postes à travers un coup de téléphone, a-t-on appris au ministère de la Décentralisation. Le principe même de la représentation en même temps de l’État et de la province par les autorités exécutives des ETD est loin d’être respecté par Kinshasa. L’autonomie financière qui permet à une ETD de disposer d’un budget propre, distinct de ceux du pouvoir central et de la province est remise en cause par des gouverneurs de provinces qui se comportent en véritables potentats. Si Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le chef de l’État, s’est engagé, devant les Gouv’ de provinces, à veiller personnellement au respect de la rétrocession, ces derniers devraient faire autant pour les entités déconcentrés et les ETD. Pas si sûr. Le droit des ETD à 40 % des recettes à caractère national allouées à la province n’a jamais été respecté dans une seule des 26 provinces depuis que la constitution de 2006 est en vigueur, notent des experts. Afin de garantir le libre exercice des compétences que leur reconnaissent la constitution et les lois, des experts de la décentralisation ont même offert à l’État de conférer aux membres des organes délibérants d’une ETD des immunités de poursuites dans les limites des dispositions de la constitution.
Incompétences ?
D’aucuns estiment cependant que la décentralisation piétine du fait que les animateurs du ministère de tutelle qui se sont succédé depuis que ce portefeuille a été créé, voilà dix ans, n’ont guère été à la mesure des ambitions et des résultats attendus de ce ministère dont la gestion du personnel pose problème. « Nous sommes un ministère laissé-pour-compte. Quand, ailleurs, l’on parle d’un nouveau barème salarial avec des augmentions. Nous, nous sommes emportés dans des vagues de promesses sans lendemain », râle ce chef de bureau.
Pourtant le ministère de la Décentralisation est un ministère stratégique et charnière entre Kinshasa et l’arrière-pays. Ici, c’est le règne du chacun pour soi, des recommandations en dessous de la table adressées aux ministères de la Fonction publique et du Budget pour être éligible à la paie. Au secrétariat général à la Décentralisation, l’on avait rassuré les agents que la paie, la première, pour tous, aurait dû s’effectuer au 30 avril 2019, au plus tard. Rien n’est venu. Une autre date a été avancée, fin juillet. Nouveau lapin.
Voilà plus de dix ans que le ministère de la Décentralisation a été créé. Mais tout est resté ténébreux en matière de rémunérations ou encore de missions de voyage. « C’est le ministère de copinage », confie cet agent qui a sollicité un transfert vers un autre ministère. « J’engage l’État depuis six ans. Je signe même des documents… délicats. Mais je n’ai ni salaire ni prime, même pas un petit frais de transport. Ce n’est pas du travail! », fonce-t-elle. Et d’ajouter : « Mon cas n’est pas isolé. Le ministre n’est-il pas au courant de tout ceci ? ». Selon nos sources, des missions des limiers de la Fonction publique y ont été organisées en vue d’établir une liste des effectifs éligibles à la paie. Mais rien n’est venu. Il nous revient que des agents de ce ministère comptent derechef s’en remettre au Dircab du chef de l’État, Vital Kamerhe, pour lui rappeler ses promesses sur le versement de leurs primes.