Lithium de RDC : un minerai stratégique sur fond de conflit géopolitique

De toute évidence, le Congo compte réellement pour les États-Unis à cause de la géopolitique internationale. Et ce n’est pas pour rien. Le pays est le plus grand producteur de cobalt dans le monde et le plus grand producteur de cuivre en Afrique. Ce n’est pas tout : d’importants gisements de minerais stratégiques sont également répertoriés dans son sous-sol.

Le lithium de Manono n’intéresse pas que la Chine. Canadiens, Américains et Européens sont également sur la brèche.

L’INTÉRÊT des États-Unis pour l’Afrique a beaucoup diminué ces dernières années. Avec Joe Biden, le président des États-Unis, Washington veut refaire son retard sur la Chine et la Russie qui étendent spectaculairement leurs tentacules sur le continent africain. Dans cette quête américaine de reprendre la main en Afrique, le Congo où il y a d’importants gisements de lithium et d’autres minerais stratégiques, représente une grande importance pour les Américains qui cherchent à y garder leur traditionnelle influence géopolitique. 

« Le lithium, c’est vraiment le résumé des enjeux du monde qui vient », reprennent presqu’en chœur des analystes. C’est sûr, et selon toute vraisemblance, les investisseurs qui cherchent à posséder l’une des clés du futur proche, devraient affluer vers le métal surnommé « l’or blanc » ou « le pétrole blanc », de plus en plus recherché et incontournable pour mener à bon port la transition énergétique. Des piles aux médicaments en passant par les batteries, l’utilisation du lithium est devenue indispensable à la fabrication des smartphones, des ordinateurs, et surtout des batteries des voitures électriques/VE. 

Conséquence : le prix du lithium ne cesse d’augmenter. Les analystes pronostiquent même qu’il devrait être multiplié par 40 d’ici 2035, à cause justement de la demande qui explose. Par exemple, la Commission européenne estime qu’il n’y aura pas assez de lithium exploité pour répondre aux besoins d’ici 2030. Et donc le spectre de la pénurie pointe déjà à l’horizon. 

Question : de quelle quantité le monde aura-t-il alors besoin ? Pour le moment, difficile de donner une réponse précise tant que nous sommes encore en plein dans le registre de la spéculation, des conjectures… Et donc, personne ne sait vraiment de quoi sera fait l’avenir. Curieux tout de même de constater que le sommet mondial sur le lithium qui a été organisé les 28 et 29 novembre 2022 à Buenos Aires, la capitale argentine, est passé largement inaperçu. 

Pourtant, sans lithium, pas de transition énergétique (?). La question de l’exploitation du lithium est aujourd’hui en quelque sorte un concentré des plus grands enjeux géopolitiques du moment. Tout y est ou presque. L’or blanc est devenu un enjeu économique crucial surtout pour les constructeurs automobiles et leurs clients qui envisagent de posséder un VE. 

Ambitions de la RDC 

À propos justement de l’exploitation du lithium, la République démocratique du Congo/RDC nourrit de folles ambitions. Le gouvernement veut faire du pays un véritable centre mondial pour la fabrication de batteries électriques. Un projet qui reste tout de même jonché d’obstacles : mauvais état des routes, déficit d’électricité, manque de transparence, corruption… La RDC sera-t-elle vraiment, demain, au cœur de la transition énergétique mondiale ? C’est en tout cas l’ambition des autorités du pays qui veulent mettre en valeur les ressources du pays en lithium, en y installant une industrie de fabrication de batteries électriques. 

Le pays détiendrait les plus grandes réserves de lithium de roche dure, jamais exploitées au monde. Seule une réserve de 132 millions de tonnes été prouvée et jugée probable, donc immédiatement exploitable. On dit aussi que la RDC a le potentiel le plus important du continent africain, ce qui pourrait faire d’elle le premier producteur de lithium au monde devant l’Australie.

AVZ Minerals, une société australienne, prévoit de lancer en 2023 l’exploitation de ce gisement considéré comme le plus grand au monde, dans le territoire de Manono dans la province du Tanganyika. Cette société est présente sur le site depuis 2016 pour développer une mine. Contemporary Amperex Technology Ltd/ CATL, un groupe chinois, leader mondial de la fabrication de batteries, veut s’associer à AVZ Minerals par l’entremise de sa filiale Suzhou Cath Energy Technologies. CATL a mis sur la table 240 millions de dollars pour une participation de 24 % dans le projet et pourrait dépenser jusqu’à 400 millions au total.

La mise en exploitation de la mine de Manono est vue comme un tournant par le gouvernement congolais. Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, déclare haut et fort que son pays est « la destination la plus compétitive au monde » pour installer des usines de fabrication de batteries. En chiffres, la RDC espère capter une partie des 8 000 Mds de dollars de revenus issus de la vente des VE à l’échéance 2025, soit 46 000 Mds d’ici 2050. En effet, usine implantée en RDC coûterait moins cher qu’aux États-Unis ou en Chine.

Gouvernance

Le lithium de Manono n’intéresse pas que la Chine, leader mondial de la production des batteries. D’autres projets de construction d’usine de batteries électriques au lithium sont également portés par des Canadiens, des Américains et des Européens. Apparemment, les Occidentaux sont coiffés au poteau par les Chinois. Apparemment. En effet, Joe Lowry, le fondateur de la société de conseil Global Lithium, a déclaré récemment à la Voice of America/VOA que les producteurs occidentaux de lithium ont été pris de court par la croissance de l’industrie des VE, et donc, par la ruée vers le lithium.

Il a souligné que le lithium a été un minuscule marché de niche pendant 7 décennies, et que le marché mondial des produits chimiques à base de lithium n’a pas atteint 1 Md de dollars avant 2015. Et pour cause, d’après lui, l’industrie n’était pas préparée à l’électrification des transports. « Vous pouvez construire une énorme usine de batteries comme le fait Tesla en quelques années. Il faut jusqu’à dix ans pour mettre en ligne un projet de produits chimiques au lithium entièrement intégré », parie Joe Lowry.

Après avoir investi en avance sur la courbe des ressources en dehors de la Chine, les producteurs chinois s’intéressent à l’Inde et à l’Afrique. Le lithium d’Afrique est de plus en plus convoité alors que plus de la moitié des ressources mondiales du minerai se trouvent en Amérique du Sud et en Australie. Le conglomérat chinois BYD, dont le siège est à Shenzen, négocierait l’achat de six nouvelles mines de lithium dans des pays africains non spécifiés, selon l’agence Reuters. Au Zimbabwe, qui possède d’importants gisements inexploités, la Chine rachète des mines. Selon Reuters, la société Zhejiang Huayou Cobalt investit 300 millions de dollars dans la mine Arcadia Lithium dans la périphérie de Harare, la capitale du pays. Il est question de construire une usine de traitement de 400 000 tonnes métriques de concentré de lithium par an. Shenzhen Chengxin Lithium Group et Sinomine Resource Group investissent également dans le lithium au Zimbabwe.

Ce pays, économiquement instable et frappé par des sanctions occidentales, veut devenir un acteur majeur dans le secteur florissant du lithium.

La société chinoise Ganfeng Lithium, qui a la grande capacité de production de lithium au monde, va réaliser en partenariat avec Leo Lithium Limited, firme australienne, la première mine de lithium d’Afrique de l’Ouest, au Mali. Coût estimé : plus de 160 Mds de FCFA. La mine de roche dure de Goulamina est considérée comme l’un des actifs de lithium de la plus haute qualité au monde.

C’est maintenant que les États-Unis reconnaissent aussi l’importance de l’Afrique. En effet, l’Afrique possède de vastes gisements d’énergie inexploités, indispensables à la transition vers une énergie propre, notamment pour les téléphones portables, les moteurs d’avion, les véhicules hybrides électriques et les systèmes de guidage de missiles.